La technique - dissertations de philosophie
- Est-il raisonnable de critiquer le progrès technique ?
- Est-il souhaitable de réaliser tout ce qui est techniquement possible ?
- Faut-il limiter la puissance humaine ?
- La technique est-elle une menace pour l'humanité ?
- La technique ne sert-elle qu'à nous rendre maître de la nature ?
- La technique n'est-elle pour l'homme qu'un moyen ?
- La technique peut-elle maîtriser la nature ?
- La technique peut-elle transformer la morale ?
- La valeur d'une civilisation est-elle fonction de son développement technique ?
- Le développement de la technique obéit-il a une fatalité ?
- Le développement technique peut-il être un facteur d'esclavage ?
- Le développement technique transforme-t-il les hommes ?
- Le progrès technique rend-il l'être humain plus heureux ?
- Les objets techniques imposent-ils une façon de penser ?
- Peut-on s'opposer au progrès technique ?
Sujet du bac philo corrigé – filière technologique : “La technique nous libère-t-elle de la nature ?”
Mort, maladies, catastrophes… La technique nous prémunit, au moins en partie, des agressions de la nature. En ce sens, elle nous émancipe. Pourtant, la technique peut aussi nous aliéner, en nous enfermant dans une logique d’exploitation du monde et de la nature. Pour dépasser ce problème, que les élèves de filière technologique ont été invités à interroger pour l’épreuve du bac, peut-être faudrait-il repenser de fond en comble notre rapport à la technique, non comme un outil de domination et un moyen de nous extraire de la nature, mais comme une manière de vivre en harmonie en son sein. C’est ce qu’avance l’agrégée de philosophie Apolline Guillot dans sa proposition de corrigé.
Proposition de correction : il s’agit ici de pistes possibles de traitement du sujet et non de la copie-type attendue par les correcteurs !
- Auteurs : Descartes, Platon, Simondon, Heidegger
- Concepts : technique, art, liberté
Introduction / Problématisation
L’homme fait partie de la nature : elle est son terrain de jeu et sa prison, dont il ne sort que lorsqu’il meurt – et encore, la mort elle-même fait partie de la nature. Par « nature », on entend ici l’ensemble des choses physiques, ainsi que les lois qui régissent leurs interactions. Impossible d’aller contre la gravité, le vieillissement des cellules ou encore un tremblement de terre.
Impossible, vraiment ? À mieux y réfléchir, on se rend compte que nous avons aujourd’hui la capacité de nous affranchir de certains processus « naturels ». Médecine, architecture, pesticides, fusées spatiales... Nombreuses sont les innovations qui aujourd’hui rendent possible un certain affranchissement de la nature. La technique a donc une fonction émancipatrice : elle permet à l’homme d’échapper à certaines contraintes, de repousser certaines limites.
Mais si l’on examine de plus près en quoi consistent nos dispositifs techniques, on se rend compte qu’ils dérivent soit de l’expérience ordinaire et de l’imitation de la nature, soit de la connaissance des lois de la nature. Dans tous les cas, ils s’appuient sur une connaissance du fonctionnement du monde pour construire un outil ou un système capable de produire des effets qui n’existaient pas auparavant. En bref : la technique fait jouer la nature contre son propre camp, la subvertissant à son profit. Là où il pensait se libérer de la nature, l’homme ne fait que la prolonger en l’utilisant dans ses outils. Jusqu’à l’exploitation.
Première partie / La technique comme moyen pour l’homme de se libérer de la nature
Si l’homme fait partie de la nature, ses relations avec cette dernière sont médiatisées par un troisième terme, l’outil . En effet, le seul usage de ses forces physiques le condamnerait à une mort certainement bien plus rapide qu’aujourd’hui, tant la nature l’a doté de peu de défenses naturelles.
C’est la leçon du mythe de Prométhée tel qu’il est raconté par Platon dans le Protagoras : Épiméthée, le frère de Prométhée, oublie les hommes au moment de distribuer les qualités et dons physiques parmi les animaux. Inventer des prolongements de son corps, des moyens d’augmenter ses capacités naturelles ou des abris pour se protéger, sont autant d’activités qui ne sont pas simplement du « luxe », mais des moyens de survie !
On peut aller encore plus loin : être « libéré » des contraintes naturelles ne veut pas seulement dire « éviter la mort ». C’est donc pour améliorer la vie humaine que les sciences et les techniques se sont développées, comme l’affirme Descartes dans le Discours de la Méthode : il serait criminel de ne pas mettre les progrès de la science au profit de l’humanité. En maîtrisant les lois qui régissent le monde, les hommes pourraient se rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature » , afin de jouir d’un plus grand confort, mais surtout, de soigner leur corps.
Cependant, cette amélioration de la vie humaine est-elle pour autant une réelle « libération de la nature » ? En effet, Descartes ne prétend pas s’affranchir des lois de la nature, mais bien de les exploiter au profit de l’humanité. Cette exploitation des lois de la nature peut amener à malmener la Nature dans son ensemble, comme équilibre fragile de forces que nous ne maîtrisons pas forcément.
Deuxième partie / La technique n’est pas outil de libération, mais d’asservissement
Si nous avons jusqu’à présent parlé de la nature comme une collection de lois et de phénomènes, la nature renvoie également à un système complexe intégrant tous ces éléments. Cette approche globale de la nature comme équilibre de forces est intéressante car elle en fait un ensemble dynamique, et pas seulement un stock de ressources disponibles à exploiter.
En cela, la technique ne nous libère pas de la nature mais nous donne l’illusion de pouvoir y échapper alors même que nous en sommes toujours des parties. Certaines innovations techniques, en poussant à bout nos ressources ou en entraînant des effets encore mal maîtrisés sur notre santé, mettent en péril notre propre survie !
C’est l’effet pernicieux de la technique que dénonce Heidegger : elle repose sur une approche utilitaire du monde qui nous entoure, en nous en excluant à tort.
Cependant, lorsqu’on parle de « libération » de la nature puis d’« exploitation » de cette dernière, on a en tête un nécessaire rapport de force binaire qui se rapproche de ce que Hegel appelle la « dialectique du maître et de l’esclave » . Toute relation entre l’homme et la nature consisterait soit en un rapport de dominé à dominant, soit l’inverse.
Ne faut-il pas sortir de ce paradigme pour proposer une approche de la technique comme médiation harmonieuse entre l’homme et son environnement ?
Troisième partie / La technique se tient aux côtés de la nature et de l’homme
Plus que d’être simplificatrice, la dialectique de la libération et de l’asservissement est dangereuse. C’est en tout cas ce que suggère Gilbert Simondon dans Du mode d’existence des objets techniques . À ses yeux, la méconnaissance de la machine est la plus profonde cause d’aliénation dans le monde. Ce n’est pas en accusant les machines sans en comprendre le fonctionnement que nous serons capables de rendre nos technologies adéquates à nos valeurs humaines.
En opposant radicalement technique et nature, nous faisons de la technique un domaine à part de la culture humaine, et nous lui retirons le droit d’être porteuse de valeurs, de vision, et de significations propres.
Simondon propose une voie de réconciliation entre l’homme, la nature et son environnement technique. Selon lui, l’homme a pour fonction d’être le coordinateur et l’inventeur permanent des machines qui opèrent avec lui. Loin d’être un maître ou un esclave, il est le chef d’orchestre qui fait fonctionner main dans la main ses objets techniques et la nature.
La question de savoir si la technique libère l’homme de la nature comporte plusieurs dangers que nous avons identifiés. Si en effet nous avons pu voir que la technique libérait l’homme de certaines contraintes naturelles, il ne faut pas oublier que l’homme, tout comme les outils, sont des parties d’un système unique, la Nature. Cet oubli peut conduire à des débordements, notamment à une exploitation de la nature qui se retourne contre l’homme et l’asservit à son tour, le mettant en danger de mort ou d’extinction globale. Nous avons enfin choisi de nous distancier de cette opposition binaire et de considérer la technique comme l’une des manières qu’a l’homme d’habiter le monde. On se rend compte alors que cette dernière, en s’intégrant dans nos vies quotidiennes et en transformant notre environnement, véhicule elle aussi des valeurs et des significations culturelles.
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La technique est-elle une menace pour l'humanité ? Tweeter !function(d,s,id){var js,fjs=d.getElementsByTagName(s)[0],p=/^http:/.test(d.location)?'http':'https';if(!d.getElementById(id)){js=d.createElement(s);js.id=id;js.src=p+'://platform.twitter.com/widgets.js';fjs.parentNode.insertBefore(js,fjs);}}(document, 'script', 'twitter-wjs');
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- La technique est-elle une menace pour l'humanité ?
Menace pour l’humanité : elle pourrait alors la faire disparaître ? ou lui enlever les caractéristiques qui font de lui un homme digne de ce nom ? (conscience, raison, liberté, esprit, etc.)
I- La technique, une menace pour l’humanité
• Elle peut mettre l’espèce humaine en péril, mettant en péril la planète elle-même …
o Est technique, d’abord, l’activité qui consiste à transformer la nature, cf. Aristote, H. Arendt : est technique ce qui est fabriqué de main d’homme, ce qui n’existe pas de manière naturelle o Ajouter que très vite, par la technique, l’homme est (se veut) maître de la nature (on peut se référer d’ailleurs au mythe de Prométhée qui signifie que la technique est toujours recherche pour pallier à notre « naturalité déficiente » par rapport aux autres animaux : on veut pouvoir faire aussi bien et finalement mieux, que la nature…) o La maîtrise est rivalité et presque diabolique (cf. Frankenstein, Faust, le vol du feu aux dieux par Prométhée) ; cette maîtrise devient destruction… la transformation de la nature, bouleversement de l’écosystème et destruction potentielle de la planète, de la vie sur terre (ajouter à la nature c’est la transformer et à terme la transformation peut être dangereuse)
• Elle peut même menacer l’humanité au sens où elle risque de nous ôter ce qui fait de nous des hommes : la conscience morale, mais aussi, la liberté…
o La technique, usage, certes, de la raison, mais non guidé par des valeurs –ce que j’ai appelé dans mon cours la « rationalité froide- : recherche du savoir-faire, de l’efficacité. Recherche des moyens nous permettant de parvenir à une fin, pas sur la valeur de la fin. o une société obnubilée par la réussite, le progrès, technique, finit à terme par oublier de penser à la valeur de nos prouesses techniques, et surtout, à ce qu’elles impliquent en termes de bien et de mal (exemple : on est capable de créer des clones, faut-il pour autant en créer ? qu’est-ce qui est en jeu pour la société ? si c’est un progrès technique et scientifique, est-ce un progrès pour l’homme ? etc.) o A terme, la technique peut même nous enlever toute liberté car plus le progrès technique avance, plus l’homme s’avère être prisonnier de ses inventions techniques, surtout celles qui nous servent à nous faciliter le travail, mais aussi la vie. Ainsi H. Arendt (texte distribué en classe) dit-elle que la différence entre l’outil et la machine c’est que c’est la main qui guide l’outil, alors que c’est la machine qui guide l’homme (cf. film Les Temps Modernes de Chaplin ).
II- Pourtant, la technique n’est-elle pas humanisation de l’homme ?
• Cf. le mythe de Prométhée : l’homme est celui qui a à se faire lui-même, à se fabriquer ses conditions de vie, son « monde »…
• Cf. H. Arendt qui appelle technique ce que Marx appelait « travail » (définir la technique selon Arendt)
o la technique humanise le monde et du coup humanise l’homme ; lutter contre la nature, la transformer, etc., c’est en effet faire effort contre elle mais aussi sur nous-mêmes, or, on ne devient un homme qu’à travers l’effort, qui nous permet de lutter contre nos instincts, notre côté « naturel » o la technique nous libère donc du naturel…
III- Enfin, n’est-ce pas se décharger de notre liberté et responsabilité humaine que de soutenir une telle thèse ?
• C’est l’homme, pas la technique, qui peut éventuellement être une menace …
• Cf. Sartre : accuser la technique c’est une conduite d’excuse qui revient à faire de la technique une force qui nous dépasse…
o C’est à nous de réfléchir aux conséquences de nos actions !
o Ne faisons pas de la technique une force qui nous transcende, qui nous échappe, sinon à quoi bon parler encore de technique ? (puisqu’il n’y a plus d’activité de notre part ?)
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