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Introduction de dissertation sur le malade imaginaire

Par Sarah Iannelli   •  3 Octobre 2023  •  Dissertation  •  1 093 Mots (5 Pages)  •  1 185 Vues

Introduction :

Le 17eme siècle est l’âge d’or du théâtre classique en France, et la tragédie a longtemps été mise au-devant de la scène. Cependant Molière ne cessera pas de défendre avec ardeur la comédie en y apportant une noble tâche qui est celle de « corriger les hommes en les divertissant » ce qui nous rappelle sa devise « castigat ridendo mores ». En outre, il réinventera le genre théâtral notamment avec la création de la fameuse comédie-Ballet. Cette dernière consiste à intégrer dans une même pièce comédie, musique et danse. Nous porterons ici notre attention sur une des plus connues qui est « le malade imaginaire » écrite en 1673 par Molière. Dans cette pièce Molière dénonce l’hypocrisie tout en utilisant différents types de comique et une dimension spectaculaire très approfondie. Nous cherchons alors à savoir si le théâtre est toujours un phare pour l’intelligence comme le prétends l’écrivain Romain Rolland en avançant que « le théâtre doit être une lumière pour l’intelligence ». Dans un premier temps nous verrons comment le théâtre est une source d’illumination intellectuelle puis, nous approfondirons sa dimension comique et sa légèreté avant de terminer avec une interprétation tout à fait personnelle du théâtre.

Le 17eme siècle est l’âge d’or du théâtre classique en France, et la tragédie a longtemps été mise au-devant de la scène. Cependant Molière ne cessera pas de défendre avec ardeur la comédie en y apportant une noble tâche qui est celle de « corriger les hommes en les divertissant » ce qui nous rappelle sa devise « castigat ridendo mores ». En outre, il réinventera le genre théâtral notamment avec la création de la fameuse comédie-Ballet. Cette dernière consiste à intégrer dans une même pièce comédie, musique et danse. Nous porterons ici notre attention sur une des plus connues qui est « le malade imaginaire » écrite en 1673 par Molière. Dans cette pièce Molière dénonce l’hypocrisie tout en utilisant différents types de comique et une dimension spectaculaire très approfondie. Nous cherchons alors à savoir si le théâtre est toujours un phare pour l’intelligence

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Molière, Le Malade imaginaire  : dissertation

Introduction, la liberté d'amuser par tous les moyens, des plaisanteries prosaïques, les fastes de la comédie : séduire et fasciner, faire rire pour mieux dénoncer les travers du monde, des pièces engagées, une école de sagesse, un rire libérateur : divertir ou l'art de détourner des pensées sombres, le rire comme remède, philosophie du rire : dépasser la crainte de la mort.

Commentaire et dissertation

Commentaire et dissertation

Malade imaginaire.

Malade imaginaire est une pièce de Molière de 1673. Ci après le texte complet de la pièce accessible en lecture ou en téléchargement au format PDF. Bonne lecture!

introduction pour dissertation sur le malade imaginaire

LE MALADE IMAGINAIRE,

COMÉDIE-BALLET EN TROIS ACTES.

Voltaire a dit du  Malade imaginaire  : « C’est une de ces farces de Molière dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie. » Geoffroy a dit à son tour avec beaucoup de raison, en répondant à Voltaire : « Il faut retourner ce jugement.  Le Malade imaginaire  n’est point une farce, c’est une excellente comédie de caractère, où l’on trouve, à la vérité, quelques scènes qui se rapprochent de la farce ; et même, si la pièce était jouée décemment et sans charge, comme elle doit l’être, il n’y aurait qu’une scène de farce, celle du déguisement de Toinette en médecin. Dans cette pièce, qu’on voudrait flétrir du nom de farce, on voit combien l’amour désordonné de la vie est destructeur de toute vertu morale. Argan, voué à la médecine, esclave de M. Purgon, est aussi un époux sot et dupe, un père injuste, un homme dur, égoïste, colère. Avec quelle énergie et quelle vérité l’auteur trace le tableau des caresses perfides d’une belle-mère qui abuse de la faiblesse d’un imbécile mari pour dépouiller les enfants du premier lit ! Quelle décence, quelle raison ! quelle fermeté dans le caractère d’Angélique ! Cette comédie est l’image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. Enfin l’auteur a osé y attaquer un des préjugés les plus universels et les plus anciens de la société ; il a osé y combattre les deux passions qui font le plus de dupes, la crainte de la mort et l’amour de la vie : il a bien pu les persifler, mais, hélas ! il était au-dessus de son art de les détruire. Les usages qui ont leur force dans la faiblesse humaine, bravent tous les traits du ridicule. Molière, il faut bien l’avouer n’a point corrigé les hommes de la médecine, mais il a corrigé les médecins de leur ignorance et de leur barbarie. Les représentations du  Malade imaginaire  ne diminuèrent pas le crédit des médecins de la cour : madame de Maintenon n’en eut pas moins de respect pour la Faculté ; le sévère Fagon, digne émule de Purgon, n’en purgea pas moins Louis XIV toutes les semaines ; les jours de médecine du monarque n’en furent pas moins de jours solennels, des jours d’étiquette ; et les écoles de médecine continuèrent longtemps à retentir des arguments des Diafoirus. »

« On sait, dit encore Geoffroy, que  le Malade imaginaire  est la dernière pièce de Molière. Cette pièce, qu’on a coutume de donner dans le carnaval, est en elle-même un peu lugubre et rappelle une grande perte. Quand Molière joua le rôle du Malade imaginaire, il était lui-même attaqué d’une maladie très-réelle. Depuis un an, il s’était réconcilié avec sa femme. La réconciliation d’un mari amoureux et jaloux avec une femme vive et coquette s’accorde mal avec le régime du lait. Molière oublia qu’il avait une poitrine, pour se souvenir qu’il avait un cœur ; mais il éprouva que le plaisir n’est pas si sain que le bonheur. Pour maintenir la bonne intelligence avec une femme très-difficile à vivre, il fit des sacrifices qui augmentèrent considérablement sa toux. La mort sembla vouloir venger ses fidèles médecins, plus vivement attaqués dans  le Malade imaginaire  que dans aucune autre maladie. »

Molière, en composant  le Malade imaginaire , avait eu l’intention de « délasser le roi de ses nobles travaux, car on était au retour de la première campagne de Hollande, signalée par de nombreux triomphes. » La pièce, par des motifs qui ne sont pas connus, ne fut point représentée devant la cour, et elle fut donnée pour la première fois au public le 10 février 1673, le vendredi avant le dimanche gras. « Le jour de la quatrième représentation, le 17 du même mois, Molière, qui remplissait le rôle d’Argan, dit M. Taschereau, se sentit plus malade que de coutume. Baron et tous ceux qui l’entouraient le sollicitèrent en vain de ne pas jouer : « Comment voulez-vous que je fasse ? leur répondit-il ; il y a cinquante pauvres ouvriers qui n’ont que leur journée pour vivre, que feront-ils si je ne joue pas ? je me reprocherais d’avoir négligé de leur donner du pain un seul jour, le pouvant absolument. » Il fut convenu seulement que la représentation aurait lieu à quatre heures précises. Sa fluxion le fit si cruellement souffrir qu’il lui fallut faire de grands efforts intérieurs pour achever son rôle. Dans la cérémonie, au moment où il prononça le mot  juro , il lui prit une convulsion qui put être aperçue par quelques spectateurs, et qu’il essaya aussitôt de déguiser par un rire forcé. La représentation ne fut pas interrompue ; mais immédiatement après ses porteurs le transportèrent chez lui, rue de Richelieu. Là, sa toux le reprit avec une telle violence, qu’un des vaisseaux de sa poitrine se rompit. » Il mourut suffoqué par le sang.

Le Malade imaginaire  appartient, quant au fond, entièrement à Molière ; mais les commentateurs ont indiqué, comme ayant fourni au poète le canevas de plusieurs scènes : 1 o  la pièce italienne,  Arlechino medico volante ;  2 o   le Mari malade ;  3 o   Boniface ou le Pédant , pièce italienne, déjà imitée dans  le Mariage forcé , qui avait aussi fourni à La Fontaine le conte du  Paysan qui a offensé son seigneur . Si l’on en croit le témoignage d’un contemporain, Georges Backer, qui publia à Bruxelles, en 1694, une édition des œuvres de notre auteur, les médecins auraient fait des démarches très-actives auprès de Louis XIV pour empêcher l’impression de la pièce.

PERSONNAGES DU PROLOGUE.

DEUX ZÉPHYRS , dansants.

TIRCIS , amant de Climène, chef d’une troupe de bergers.

DORILAS , amant de Daphné, chef d’une troupe de bergers.

BERGERS ET BERGÈRES  de la suite de Tircis, dansants et chantants.

BERGERS ET BERGÈRES  de la suite de Dorilas, chantants et dansants.

FAUNES , dansants.

PERSONNAGES DES INTERMÈDES.

DANS LE PREMIER ACTE.

POLICHINELLE .

UNE VIEILLE .

ARCHERS , chantants et dansants.

DANS LE SECOND ACTE.

QUATRE ÉGYPTIENNES , chantantes.

ÉGYPTIENS ET ÉGYPTIENNES , chantants et dansants.

DANS LE TROISIÈME ACTE.

TAPISSIERS , dansants.

LE PRÉSIDENT  de la Faculté de médecine.

ARGAN , bachelier.

APOTHICAIRES , avec leurs mortiers et leurs pilons.

PORTE-SERINGUES .

CHIRURGIENS .

La scène est à Paris.

Après les glorieuses fatigues et les exploits victorieux de notre auguste monarque, il est bien juste que tous ceux qui se mêlent d’écrire travaillent ou à ses louanges, ou à son divertissement. C’est ce qu’ici l’on a voulu faire ; et ce prologue est un essai des louanges de ce grand prince, qui donne entrée à la comédie du  Malade imaginaire , dont le projet a été fait pour le délasser de ses nobles travaux.

Le théâtre représente un lieu champêtre, et néanmoins fort agréable.

EN MUSIQUE ET EN DANSE.

FLORE, DEUX ZÉPHYRS, dansants.

      Quittez, quittez vos troupeaux ;      Venez, bergers, venez, bergères ; Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux : Je viens vous annoncer des nouvelles bien chères,      Et réjouir tous ces hameaux.       Quittez, quittez vos troupeaux ;       Venez, bergers, venez, bergères ; Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux.

FLORE, DEUX ZÉPHYRS, dansants ; CLIMÈNE, DAPHNÉ, TIRCIS, DORILAS.

climène ,  à Tircis ;   et daphné ,  à Dorilas.

      Berger, laissons là tes feux :      Voilà Flore qui nous appelle.

tircis ,  à Climène ;   et dorilas ,  à Daphné.

      Mais au moins, dis-moi, cruelle,

Si d’un peu d’amitié tu payeras mes vœux.

Si tu seras sensible à mon ardeur fidèle.

climène et daphné.

     Voilà Flore qui nous appelle.

tircis et dorilas.

Ce n’est qu’un mot, un mot, un seul mot que je veux.

Languirai-je toujours dans ma peine mortelle ?

Puis-je espérer qu’un jour tu me rendras heureux ?

FLORE ; DEUX ZÉPHYRS, dansants ; CLIMÈNE, DAPHNÉ, TIRCIS, DORILAS ; BERGERS ET BERGÈRES de la suite de Tircis et Dorilas, chantants et dansants.

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.

Toute la troupe des bergers et des bergères va se placer en cadence autour de Flore.

     Quelle nouvelle parmi nous, Déesse, doit jeter tant de réjouissance ?

     Nous brûlons d’apprendre de vous      Cette nouvelle d’importance.

     D’ardeur nous en soupirons tous.

climène, daphné, tircis, dorilas.

     Nous en mourons d’impatience.

     La voici ; silence, silence ! Vos vœux sont exaucés, LOUIS est de retour ; Il ramène en ces lieux les plaisirs et l’amour, Et vous voyez finir vos mortelles alarmes. Par ses vastes exploits son bras voit tout soumis ;      Il quitte les armes,      Faute d’ennemis.

   Ah ! quelle douce nouvelle !    Qu’elle est grande ! qu’elle est belle ! Que de plaisirs ! que de ris ! que de jeux !    Que de succès heureux ! Et que le ciel a bien rempli nos vœux !    Ah ! quelle douce nouvelle !    Qu’elle est grande ! qu’elle est belle !

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Tous les bergers et bergères expriment, par des danses les transports de leur joie.

   De vos flûtes bocagères    Réveillez les plus beaux sons ;    LOUIS offre à vos chansons    La plus belle des matières.      Après cent combats,      Où cueille son bras      Une ample victoire,      Formez entre vous      Cent combats plus doux,      Pour chanter sa gloire.

     Formons, entre nous,      Cent combats plus doux,      Pour chanter sa gloire.

   Mon jeune amant, dans ce bois,    Des présents de mon empire    Prépare un prix à la voix    Qui saura le mieux nous dire    Les vertus et les exploits    Du plus auguste des rois.

   Si Tircis a l’avantage,

   Si Dorilas est vainqueur,

   À le chérir je m’engage.

     Je me donne à son ardeur.

      Ô trop chère espérance !

      Ô mot plein de douceur !

tircis et daphné.

  Plus beau sujet, plus belle récompense     Peuvent-ils animer un cœur ?

Les violons jouent un air pour animer les deux bergers au combat, tandis que Flore, comme juge, va se placer au pied d’un arbre qui est au milieu du théâtre, avec deux Zéphyrs, et que le reste, comme spectateurs, va occuper les deux côtés de la scène.

Quand la neige fondue enfle un torrent fameux, Contre l’effort soudain de ses flots écumeux,      Il n’est rien d’assez solide     Digues, châteaux, villes et bois,     Hommes et troupeaux à la fois,     Tout cède au courant qui le guide :     Tel, et plus fier et plus rapide,     Marche LOUIS dans ses exploits.

TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les bergers et bergères du côté de Tircis dansent autour de lui, sur une ritournelle, pour exprimer leurs applaudissements.

La foudre menaçant qui perce avec fureur L’affreuse obscurité de la nue enflammée,       Fait, d’épouvante et d’horreur,       Trembler le plus ferme cœur ;      Mais, à la tête d’une armée,      LOUIS jette plus de terreur.

QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les bergers et bergères du côté de Dorilas font de même que les autres.

Des fabuleux exploits que la Grèce a chantés

Par un brillant amas de belles vérités     Nous voyons la gloire effacée ;     Et tous ces fameux demi-dieux,     Que vante l’histoire passée,     Ne sont point à notre pensée     Ce que LOUIS est à nos yeux.

CINQUIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les bergers et bergères du côté de Tircis font encore la même chose.

LOUIS fait à nos temps, par ses faits inouïs, Croire tous les beaux faits que nous chante l’histoire       Des siècles évanouis ;       Mais nos neveux, dans leur gloire,       N’auront rien qui fasse croire       Tous les beaux faits de LOUIS.

SIXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les bergers et bergères du côté de Dorilas font encore de même.

SEPTIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les bergers et bergères du côté de Tircis et de celui de Dorilas se mêlent et dansent ensemble.

FLORE, PAN ; DEUX ZÉPHYRS, dansants ; CLIMÈNE, DAPHNÉ ; TIRCIS, DORILAS ; FAUNES, dansants ; BERGERS ET BERGÈRES, chantants et dansants.

Laissez, laissez, bergers, ce dessein téméraire ;        Hé ! que voulez-vous faire ?       Chanter sur vos chalumeaux       Ce qu’Apollon sur sa lyre,       Avec ses chants les plus beaux,       N’entreprendroit pas de dire : C’est donner trop d’essor au feu qui vous inspire ; C’est monter vers les cieux sur des ailes de cire,      Pour tomber dans le fond des eaux.

Pour chanter de LOUIS l’intrépide courage,

     Il n’est point d’assez docte voix, Point de mots assez grands pour en tracer l’image ;       Le silence est le langage       Qui doit louer ses exploits. Consacrez d’autres soins à sa pleine victoire ; Vos louanges n’ont rien qui flatte ses désirs :       Laissez, laissez là sa gloire,       Ne songez qu’à ses plaisirs.

Laissons, laissons là sa gloire, Ne songeons qu’à ses plaisirs.

flore ,  à Tircis et à Dorilas.

Bien que, pour étaler ses vertus immortelles,     La force manque à vos esprits, Ne laissez pas tous deux de recevoir le prix,     Dans les choses grandes et belles,     Il suffit d’avoir entrepris.

HUITIÈME ENTRÉE DE BALLET

Les deux Zéphyrs dansent avec deux couronnes de fleurs à la main, qu’ils viennent donner ensuite aux deux bergers.

climène et daphné ,  donnant la main à leurs amants.

    Dans les choses grandes et belles,     Il suffit d’avoir entrepris.

Ah ! que d’un doux succès notre audace est suivie !

flore et pan.

Ce qu’on fait pour LOUIS, on ne le perd jamais.

Au soin de ses plaisirs donnons-nous désormais.

Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie !

    Joignons tous dans ces bois     Nos flûtes et nos voix :

        Ce jour nous y convie ; Et faisons aux échos redire mille fois :        LOUIS est le plus grand des rois ; Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie !

NEUVIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Faunes, bergers et bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danse ; après quoi ils se vont préparer pour la comédie.

AUTRE PROLOGUE.

UNE BERGÈRE, chantante.

Votre plus haut savoir n’est que pure chimère,     Vains et peu sages médecins ; Vous ne pouvez guérir, par vos grands mots latins     La douleur qui me désespère : Votre plus haut savoir n’est que pure chimère.

  Hélas ! hélas ! je n’ose découvrir       Mon amoureux martyre     Au berger pour qui je soupire,     Et qui seul peut me secourir.     Ne prétendez pas le finir, Ignorants médecins ; vous ne sauriez faire : Votre plus haut savoir n’est que pure chimère. Ces remèdes peu sûrs, dont le simple vulgaire Croit que vous connoissez l’admirable vertu, Pour les maux que je sens n’ont rien de salutaire ; Et tout votre caquet ne peut être reçu      Que d’un malade imaginaire.

Votre plus haut savoir n’est que pure chimère,     Vains et peu sages médecins, etc.

Le théâtre change et représente une chambre.

ACTE PREMIER.

ARGAN, assis, une table devant lui, comptant des jetons les parties de son apothicaire.

Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt ; trois et deux font cinq. « Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur. » Ce qui me plaît de monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles. « Les entrailles de monsieur, trente sols. » Oui ; mais, monsieur Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil ; il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement ! Je suis votre serviteur, je vous l’ai déjà dit ; vous ne me les avez mis dans les autres parties qu’à vingt sols ; et vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols ; les voilà, dix sols. « Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de monsieur, trente sols. » Avec votre permission, dix sols. « Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour faire dormir monsieur, trente-cinq sols. » Je ne me plains pas de celui-là ; car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize, et dix-sept sols six deniers. « Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l’ordonnance de monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres. » Ah ! monsieur Fleurant, c’est se moquer : il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez trois livres, s’il vous plaît. Vingt et trente sols. « Plus, dudit jour, une potion anodine et astringente, pour faire reposer monsieur, trente sols. » Bon, dix et quinze sols. « Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de monsieur, trente sols. » Dix sols, monsieur Fleurant. « Plus, le clystère de monsieur, réitéré le soir, comme dessus, trente sols. » Monsieur Fleurant, dix sols. « Plus, du vingt-septième, une bonne médecine, composée pour hâter d’aller et chasser dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres. » Bon, vingt et trente sols ; je suis bien aise que vous soyez raisonnable. « Plus, du vingt-huitième, une prise de petit lait clarifié et dulcoré pour adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols. » Bon, dix sols. « Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoar, sirop de limon et grenades, et autres, suivant l’ordonnance, cinq livres. » Ah ! monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade : contentez-vous de quatre francs, vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq et cinq font dix, et dix font vingt. Soixante et trois livres quatre sols six deniers. Si bien donc que, de ce mois, j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements ; et, l’autre mois, il y avoit douze médecines et vingt lavements. Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. Je le dirai à monsieur Purgon, afin qu’il mette ordre à cela. Allons, qu’on m’ôte tout ceci.  (Voyant que personne ne vient, et qu’il n’y a aucun de ses gens dans sa chambre. )  Il n’y a personne. J’ai beau dire : on me laisse toujours seul ; il n’y a pas moyen de les arrêter ici.  (Après avoir sonné une sonnette qui est sur la table.)  Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin. Point d’affaire. Drelin, drelin, drelin. Ils sont sourds… Toinette. Drelin, drelin, drelin. Tout comme si je ne sonnois point. Chienne ! coquine ! Drelin, drelin, drelin. J’enrage.  (Il ne sonne plus, mais il crie.)  Drelin, drelin, drelin. Carogne, à tous les diables ! Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ? Drelin drelin, drelin. Voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin ! Ah ! mon Dieu ! Ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin.

ARGAN, TOINETTE.

toinette ,  en entrant.

Ah ! chienne ! ah ! carogne !

toinette ,  faisant semblant de s’être cogné la tête.

Diantre soit fait de votre impatience ! Vous pressez si fort les personnes, que je me suis donné un grand coup de la tête contre la carne d’un volet.

argan ,  en colère.

Ah ! traîtresse !…

toinette ,  interrompant Argan.

Il y a une heure…

Tu m’as laissé…

Tais-toi donc, coquine, que je te querelle.

Çamon, ma foi, j’en suis d’avis, après ce que je me suis fait.

Tu m’as fait égosiller, carogne.

Et vous m’avez fait, vous, casser la tête : l’un vaut bien l’autre. Quitte à quitte, si vous voulez.

Quoi ! coquine…

Si vous querellez, je pleurerai.

Me laisser, traîtresse…

toinette ,  interrompant encore Argan.

Chienne ! tu veux…

Quoi ! il faudra encore que je n’aie pas le plaisir de la quereller ?

Querellez tout votre soûl : je le veux bien.

Tu m’en empêches, chienne, en m’interrompant à tous coups.

Si vous avez le plaisir de quereller, il faut bien que, de mon côté, j’aie le plaisir de pleurer : chacun le sien, ce n’est pas trop. Ah !

Allons ; il faut en passer par là. Ôte-moi ceci, coquine, ôte-moi ceci.  (Après s’être levé.)  Mon lavement d’aujourd’hui a-t-il bien opéré ?

Votre lavement ?

Oui. Ai-je bien fait de la bile ?

Ma foi ! je ne me mêle point de ces affaires-là ; c’est à monsieur Fleurant à y mettre le nez, puisqu’il en a le profit.

Qu’on ait soin de me tenir un bouillon prêt, pour l’autre que je dois tantôt prendre.

Ce monsieur Fleurant-là et ce monsieur Purgon s’égaient sur votre corps ; ils ont en vous une bonne vache à lait, et je voudrois bien leur demander quel mal vous avez, pour faire tant de remèdes.

Taisez-vous, ignorante ; ce n’est pas à vous à contrôler les ordonnances de la médecine. Qu’on me fasse venir ma fille Angélique : j’ai à lui dire quelque chose.

La voici qui vient d’elle-même ; elle a deviné votre pensée.

ARGAN, ANGÉLIQUE, TOINETTE.

Approchez, Angélique : vous venez à propos ; je voulois vous parler.

Me voilà prête à vous ouïr.

Attendez.  (À Toinette.)  Donnez-moi mon bâton. Je vais revenir tout à l’heure.

Allez vite, monsieur, allez. Monsieur Fleurant nous donne des affaires.

ANGÉLIQUE, TOINETTE.

Toinette !

Quoi ?

Regarde-moi un peu.

Hé bien ! je vous regarde.

Hé bien ! quoi, Toinette ?

Ne devines-tu point de quoi je veux parler ?

Je m’en doute assez : de notre jeune amant ; car c’est sur lui depuis six jours que roulent tous nos entretiens ; et vous n’êtes point bien, si vous n’en parlez à toute heure.

Puisque tu connois cela, que n’es-tu donc la première à m’en entretenir ? Et que ne m’épargnes-tu la peine de te jeter sur ce discours ?

Vous ne m’en donnez pas le temps ; et vous avez des soins là-dessus qu’il est difficile de prévenir.

Je t’avoue que je ne saurois me lasser de te parler de lui, et que mon cœur profite avec chaleur de tous les moments de s’ouvrir à toi. Mais, dis-moi, condamnes-tu, Toinette, les sentiments que j’ai pour lui ?

Je n’ai garde.

Ai-je tort de m’abandonner à ces douces impressions ?

Je ne dis pas cela.

Et voudrois-tu que je fusse insensible aux tendres protestations de cette passion ardente qu’il témoigne pour moi ?

À Dieu ne plaise !

Dis-moi un peu : ne trouves-tu pas, comme moi, quelque chose du ciel, quelque effet du destin, dans l’aventure inopinée de notre connoissance ?

Ne trouves-tu pas que cette action d’embrasser ma défense, sans me connoître, est tout à fait d’un honnête homme ?

Que l’on ne peut pas en user plus généreusement ?

Et qu’il fit tout cela de la meilleure grace du monde ?

Oh ! oui.

Ne trouves-tu pas, Toinette, qu’il est bien fait de sa personne ?

Assurément.

Qu’il a l’air le meilleur du monde ?

Sans doute.

Que ses discours, comme ses actions, ont quelque chose de noble ?

Cela est sûr.

Qu’on ne peut rien entendre de plus passionné que tout ce qu’il me dit ?

Il est vrai.

Et qu’il n’est rien de plus fâcheux que la contrainte où l’on me tient, qui bouche tout commerce aux doux empressements de cette mutuelle ardeur que le ciel nous inspire ?

Vous avez raison.

Mais, ma pauvre Toinette, crois-tu qu’il m’aime autant qu’il me le dit ?

Hé ! hé ! ces choses-là parfois sont un peu sujettes à caution. Les grimaces d’amour ressemblent fort à la vérité ; et j’ai vu de grands comédiens là-dessus.

Ah ! Toinette, que dis-tu là ? Hélas ! de la façon qu’il parle, seroit-il bien possible qu’il ne me dît pas vrai ?

En tout cas, vous en serez bientôt éclaircie ; et la résolution où il vous écrivit hier qu’il étoit de vous faire demander en mariage, est une prompte voie à vous faire connoître s’il vous dit vrai ou non. C’en sera là la bonne preuve.

Ah ! Toinette, si celui-là me trompe, je ne croirai de ma vie aucun homme.

Voilà votre père qui revient.

Oh çà, ma fille, je vais vous dire une nouvelle, où peut-être ne vous attendez-vous pas. On vous demande en mariage. Qu’est-ce que cela ? Vous riez ? Cela est plaisant oui, ce mot de mariage ! Il n’y a rien de plus drôle pour les jeunes filles. Ah ! nature, nature ! À ce que je puis voir, ma fille, je n’ai que faire de vous demander si vous voulez bien vous marier.

Je dois faire, mon père, tout ce qu’il vous plaira de m’ordonner.

Je suis bien aise d’avoir une fille si obéissante : la chose est donc conclue, et je vous ai promise.

C’est à moi, mon père, de suivre aveuglément toutes vos volontés.

Ma femme, votre belle-mère, avoit envie que je vous fisse religieuse, et votre petite sœur Louison aussi, et de tout temps elle a été aheurtée à cela.

toinette ,  à part.

La bonne bête a ses raisons.

Elle ne vouloit point consentir à ce mariage ; mais je l’ai emporté, et ma parole est donnée.

Ah ! mon père, que je vous suis obligée de toutes vos bontés !

toinette ,  à Argan.

En vérité, je vous sais bon gré de cela ; et voilà l’action la plus sage que vous ayez faite de votre vie.

Je n’ai point encore vu la personne : mais on m’a dit que j’en serois content, et toi aussi.

Assurément, mon père.

Comment ! l’as-tu vu ?

Puisque votre consentement m’autorise à vous pouvoir ouvrir mon cœur, je ne feindrai point de vous dire que le hasard nous a fait connoître il y a six jours, et que la demande qu’on vous a faite est un effet de l’inclination que, dès cette première vue, nous avons prise l’un pour l’autre.

Ils ne m’ont pas dit cela ; mais j’en suis bien aise, et c’est tant mieux que les choses soient de la sorte. Ils disent que c’est un grand jeune garçon bien fait.

Oui, mon père.

De belle taille.

Agréable de sa personne.

De bonne physionomie.

Très bonne.

Sage et bien né.

Tout à fait.

Fort honnête.

Le plus honnête du monde.

Qui parle bien latin et grec.

C’est ce que je ne sais pas.

Et qui sera reçu médecin dans trois jours.

Lui, mon père ?

Oui. Est-ce qu’il ne te l’a pas dit ?

Non, vraiment. Qui vous l’a dit, à vous ?

Monsieur Purgon.

Est-ce que monsieur Purgon le connoît ?

La belle demande ! Il faut bien qu’il le connoisse puisque c’est son neveu.

Cléante, neveu de monsieur Purgon ?

Quel Cléante ? Nous parlons de celui pour qui l’on t’a demandée en mariage.

Hé ! oui.

Hé bien ! c’est le neveu de monsieur Purgon, qui est le fils de son beau-frère le médecin, monsieur Diafoirus ; et ce fils s’appelle Thomas Diafoirus, et non pas Cléante ; et nous avons conclu ce mariage-là ce matin, monsieur Purgon, monsieur Fleurant, et moi ; et demain, ce gendre prétendu doit m’être amené par son père. Qu’est-ce ? Vous voilà tout ébaubie !

C’est, mon père, que je connois que vous avez parlé d’une personne, et que j’ai entendu une autre.

Quoi ! monsieur, vous auriez fait ce dessein burlesque ? Et, avec tout le bien que vous avez, vous voudriez marier votre fille avec un médecin ?

Oui. De quoi te mêles-tu, coquine, impudente que tu es ?

Mon Dieu ! tout doux. Vous allez d’abord aux invectives. Est-ce que nous ne pouvons pas raisonner ensemble sans nous emporter ? Là, parlons de sang-froid. Quelle est votre raison, s’il vous plaît, pour un tel mariage ?

Ma raison est que, me voyant infirme et malade comme je le suis, je veux me faire un gendre et des alliés médecins, afin de m’appuyer de bons secours contre ma maladie, d’avoir dans ma famille les sources des remèdes qui me sont nécessaires, et d’être à même des consultations et des ordonnances.

Hé bien ! voilà dire une raison, et il y a du plaisir à se répondre doucement les uns aux autres. Mais, monsieur, mettez la main à la conscience ; est-ce que vous êtes malade ?

Comment, coquine ! si je suis malade ! Si je suis malade, impudente !

Hé bien ! oui, monsieur, vous êtes malade ; n’ayons point de querelle là-dessus. Oui, vous êtes fort malade, j’en demeure d’accord, et plus malade que vous ne pensez : voilà qui est fait. Mais votre fille doit épouser un mari pour elle ; et, n’étant point malade, il n’est pas nécessaire de lui donner un médecin.

C’est pour moi que je lui donne ce médecin ; et une fille de bon naturel doit être ravie d’épouser ce qui est utile à la santé de son père.

Ma foi, monsieur, voulez-vous qu’en amie je vous donne un conseil ?

Quel est-il, ce conseil ?

De ne point songer à ce mariage-là.

Et la raison ?

La raison, c’est que votre fille n’y consentira point  [10] .

Elle n’y consentira point ?

Ma fille ?

Votre fille. Elle vous dira qu’elle n’a que faire de monsieur Diafoirus, de son fils Thomas Diafoirus, ni de tous les Diafoirus du monde.

J’en ai affaire, moi, outre que le parti est plus avantageux qu’on ne pense. Monsieur Diafoirus n’a que ce fils-là pour tout héritier ; et, de plus, monsieur Purgon, qui n’a ni femme ni enfants, lui donne tout son bien en faveur de ce mariage ; et monsieur Purgon est un homme qui a huit mille bonnes livres de rente.

Il faut qu’il ait tué bien des gens, pour s’être fait si riche.

Huit mille livres de rente sont quelque chose, sans compter le bien du père.

Monsieur, tout cela est bel et bon ; mais j’en reviens toujours là : je vous conseille, entre nous, de lui choisir un autre mari ; et elle n’est point faite pour être madame Diafoirus.

Et je veux, moi, que cela soit.

Hé, fi ! ne dites pas cela.

Comment ! que je ne dise pas cela ?

Et pourquoi ne le dirai-je pas ?

On dira que vous ne songez pas à ce que vous dites.

On dira ce qu’on voudra ; mais je vous dis que je veux qu’elle exécute la parole que j’ai donnée.

Non ; je suis sûre qu’elle ne le fera pas.

Je l’y forcerai bien.

Elle ne le fera pas, vous dis-je.

Elle le fera, ou je la mettrai dans un couvent.

Vous ?

Comment, bon ?

Vous ne la mettrez point dans un couvent.

Je ne la mettrai point dans un couvent ?

Ouais ! Voici qui est plaisant ! Je ne mettrai pas ma fille dans un couvent, si je veux ?

Non, vous dis-je.

Qui m’en empêchera ?

Oui. Vous n’aurez pas ce cœur-là.

Je l’aurai.

Vous vous moquez.

Je ne me moque point.

La tendresse paternelle vous prendra.

Elle ne me prendra point.

Une petite larme ou deux, des bras jetés au cou, un Mon petit papa mignon, prononcé tendrement, sera assez pour vous toucher.

Tout cela ne fera rien.

Je vous dis que je n’en démordrai point.

Bagatelles.

Il ne faut point dire, Bagatelles.

Mon Dieu ! je vous connois, vous êtes bon naturellement.

argan ,  avec emportement.

Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je veux.

Doucement, monsieur. Vous ne songez pas que vous êtes malade.

Je lui commande absolument de se préparer à prendre le mari que je dis.

Et moi, je lui défends absolument d’en faire rien.

Où est-ce donc que nous sommes ? et quelle audace est-ce là, à une coquine de servante, de parler de la sorte devant son maître ?

Quand un maître ne songe pas à ce qu’il fait, une servante bien sensée est en droit de le redresser.

argan ,  courant après Toinette.

Ah ! insolente, il faut que je t’assomme.

toinette ,  évitant Argan, et mettant la chaise entre elle et lui.

Il est de mon devoir de m’opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer.

argan ,  courant après Toinette autour de la chaise avec son bâton.

Viens, viens, que je t’apprenne à parler.

toinette ,  se sauvant du côté où n’est point Argan.

Je m’intéresse, comme je dois, à ne vous point laisser faire de folie.

argan ,  de même.

Chienne !

toinette ,  de même.

Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.

Pendarde !

Je ne veux point qu’elle épouse votre Thomas Diafoirus.

Carogne !

Et elle m’obéira plutôt qu’à vous.

argan ,  s’arrêtant.

Angélique, tu ne veux pas m’arrêter cette coquine-là ?

Hé ! mon père, ne vous faites point malade.

argan ,  à Angélique.

Si tu ne me l’arrêtes, je te donnerai ma malédiction.

toinette ,  en s’en allant.

Et moi, je la déshériterai, si elle vous obéit.

argan ,  se jetant dans sa chaise.

Ah ! ah ! je n’en puis plus. Voilà pour me faire mourir.

BÉLINE, ARGAN.

Ah ! ma femme, approchez.

Qu’avez-vous, mon pauvre mari ?

Venez-vous-en ici à mon secours.

Qu’est-ce que c’est donc qu’il y a, mon petit fils ?

Ma mie !

Mon ami !

On vient de me mettre en colère.

Hélas ! pauvre petit mari ! Comment donc, mon ami ?

Votre coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais.

Ne vous passionnez donc point.

Elle m’a fait enrager, ma mie.

Doucement, mon fils.

Elle a contrecarré, une heure durant, les choses que je veux faire.

Là, là, tout doux !

Et a eu l’effronterie de me dire que je ne suis point malade.

C’est une impertinente.

Vous savez, mon cœur, ce qui en est.

Oui, mon cœur ; elle a tort.

M’amour, cette coquine-là me fera mourir.

Hé là, hé là !

Elle est cause de toute la bile que je fais.

Ne vous fâchez point tant.

Et il y a je ne sais combien que je vous dis de me la chasser.

Mon Dieu ! mon fils, il n’y a point de serviteurs et de servantes qui n’aient leurs défauts. On est contraint parfois de souffrir leurs mauvaises qualités, à cause des bonnes. Celle-ci est adroite, soigneuse, diligente, et surtout fidèle ; et vous savez qu’il faut maintenant de grandes précautions pour les gens que l’on prend. Holà ! Toinette !

ARGAN, BÉLINE, TOINETTE.

Pourquoi donc est-ce que vous mettez mon mari en colère ?

toinette ,  d’un ton doucereux.

Moi, madame ? Hélas ! je ne sais pas ce que vous me voulez dire, et je ne songe qu’à complaire à monsieur en toutes choses.

Ah ! la traîtresse !

Il nous a dit qu’il vouloit donner sa fille en mariage au fils de monsieur Diafoirus : je lui ai répondu que je trouvois le parti avantageux pour elle, mais que je croyois qu’il feroit mieux de la mettre dans un couvent.

Il n’y a pas grand mal à cela, et je trouve qu’elle a raison.

Ah ! m’amour, vous la croyez ? C’est une scélérate ; elle m’a dit cent insolences.

Hé bien ! je vous crois, mon ami. Là, remettez-vous. Écoutez, Toinette : si vous fâchez jamais mon mari, je vous mettrai dehors. Çà, donnez-moi son manteau fourré et des oreillers, que je l’accommode dans sa chaise. Vous voilà je ne sais comment. Enfoncez bien votre bonnet jusque sur vos oreilles : il n’y a rien qui enrhume tant que de prendre l’air par les oreilles.

Ah ! ma mie, que je vous suis obligé de tous les soins que vous prenez de moi !

béline , accommodant les oreillers qu’elle met autour d’Argan.

Levez-vous, que je mette ceci sous vous. Mettons celui-ci pour vous appuyer, et celui-là de l’autre côté. Mettons celui-ci derrière votre dos, et cet autre-là pour soutenir votre tête.

toinette ,  lui mettant rudement un oreiller sur la tête.

Et celui-ci pour vous garder du serein.

argan ,  se levant en colère, et jetant tous ses oreillers à Toinette, qui s’enfuit.

Ah ! coquine, tu veux m’étouffer !

Scène VIII.

ARGAN, BÉLINE.

Hé là, hé là ! Qu’est-ce que c’est donc ?

Ah, ah, ah ! je n’en puis plus.

Pourquoi vous emporter ainsi ? Elle a cru faire bien.

Vous ne connoissez pas, m’amour, la malice de la pendarde. Ah ! elle m’a mis tout hors de moi ; et il faudra plus de huit médecines et de douze lavements pour réparer tout ceci.

Là, là, mon petit ami, apaisez-vous un peu.

Ma mie, vous êtes toute ma consolation.

Pauvre petit fils !

Pour tâcher de reconnoître l’amour que vous me portez, je veux, mon cœur, comme je vous ai dit, faire mon testament.

Ah ! mon ami, ne parlons point de cela, je vous prie : je ne saurois souffrir cette pensée ; et le seul mot de testament me fait tressaillir de douleur.

Je vous avois dit de parler pour cela à votre notaire.

Le voilà là dedans, que j’ai amené avec moi.

Faites-le donc entrer, m’amour.

Hélas ! mon ami, quand on aime bien un mari, on n’est guère en état de songer à tout cela.

MONSIEUR DE BONNEFOI, BÉLINE, ARGAN.

Approchez, monsieur de Bonnefoi, approchez. Prenez un siège, s’il vous plaît. Ma femme m’a dit, monsieur, que vous étiez fort honnête homme, et tout à fait de ses amis ; et je l’ai chargée de vous parler pour un testament que je veux faire.

Hélas ! je ne suis point capable de parler de ces choses-là.

monsieur de bonnefoi.

Elle m’a, monsieur, expliqué vos intentions, et le dessein où vous êtes pour elle ; et j’ai à vous dire là-dessus que vous ne sauriez rien donner à votre femme par votre testament.

Mais pourquoi ?

La coutume y résiste. Si vous étiez en pays de droit écrit, cela se pourroit faire : mais, à Paris et dans les pays coutumiers, au moins dans la plupart, c’est ce qui ne se peut ; et la disposition seroit nulle. Tout l’avantage qu’homme et femme conjoints par mariage se peuvent faire l’un à l’autre, c’est un don mutuel entre vifs ; encore faut-il qu’il n’y ait enfants, soit des deux conjoints, ou de l’un d’eux, lors du décès du premier mourant.

Voilà une coutume bien impertinente, qu’un mari ne puisse rien laisser à une femme dont il est aimé tendrement, et qui prend de lui tant de soin ! J’aurois envie de consulter mon avocat, pour voir comment je pourrois faire.

Ce n’est point à des avocats qu’il faut aller, car ils sont d’ordinaire sévères là-dessus, et s’imaginent que c’est un grand crime que de disposer en fraude de la loi : ce sont gens de difficultés, et qui sont ignorants des détours de la conscience. Il y a d’autres personnes à consulter, qui sont bien plus accommodantes, qui ont des expédients pour passer doucement par-dessus la loi, et rendre juste ce qui n’est pas permis ; qui savent aplanir les difficultés d’une affaire et trouver des moyens d’éluder la coutume par quelque avantage indirect. Sans cela, où en serions-nous tous les jours ? Il faut de la facilité dans les choses ; autrement nous ne ferions rien, et je ne donnerois pas un sol de notre métier.

Ma femme m’avoit bien dit, monsieur, que vous étiez fort habile et fort honnête homme. Comment puis-je faire, s’il vous plaît, pour lui donner mon bien et en frustrer mes enfants ?

Comment vous pouvez faire ? Vous pouvez choisir doucement un ami intime de votre femme, auquel vous donnerez en bonne forme, par votre testament, tout ce que vous pouvez ; et cet ami ensuite lui rendra tout. Vous pouvez encore contracter un grand nombre d’obligations non suspectes au profit de divers créanciers qui prêteront leur nom à votre femme, et entre les mains de laquelle ils mettront leur déclaration que ce qu’ils en ont fait n’a été que pour lui faire plaisir. Vous pouvez aussi, pendant que vous êtes en vie, mettre entre ses mains de l’argent comptant, ou des billets que vous pourrez avoir payables au porteur.

Mon Dieu ! il ne faut point vous tourmenter de tout cela. S’il vient faute de vous, mon fils, je ne veux plus rester au monde.

Oui, mon ami, si je suis assez malheureuse pour vous perdre…

Ma chère femme !

La vie ne me sera plus de rien.

M’amour !

Et je suivrai vos pas, pour vous faire connoître la tendresse que j’ai pour vous.

Ma mie, vous me fendez le cœur ! Consolez-vous, je vous en prie.

monsieur de bonnefoi ,  à Béline.

Ces larmes sont hors de saison ; et les choses n’en sont point encore là.

Ah ! monsieur, vous ne savez pas ce que c’est qu’un mari qu’on aime tendrement.

Tout le regret que j’aurai, si je meurs, ma mie, c’est de n’avoir point un enfant de vous. Monsieur Purgon m’avoit dit qu’il m’en feroit faire un.

Cela pourra venir encore.

Il faut faire mon testament, m’amour, de la façon que monsieur dit ; mais, par précaution, je veux vous mettre entre les mains vingt mille francs en or que j’ai dans le lambris de mon alcôve, et deux billets payables au porteur, qui me sont dus, l’un par monsieur Damon, et l’autre par monsieur Gérante.

Non, non, je ne veux point de tout cela. Ah !… Combien dites-vous qu’il y a dans votre alcôve ?

Vingt mille francs, m’amour.

Ne me parlez point de bien, je vous prie. Ah !… De combien sont les deux billets ?

Ils sont, ma mie, l’un de quatre mille francs, et l’autre de six.

Tous les biens du monde, mon ami, ne me sont rien au prix de vous.

Voulez-vous que nous procédions au testament ?

Oui, monsieur ; mais nous serons mieux dans mon petit cabinet. M’amour, conduisez-moi, je vous prie.

Allons, mon pauvre petit fils.

Les voilà avec un notaire, et j’ai ouï parler de testament. Votre belle-mère ne s’endort point : et c’est sans doute quelque conspiration contre vos intérêts, où elle pousse votre père.

Qu’il dispose de son bien à sa fantaisie, pourvu qu’il ne dispose point de mon cœur. Tu vois, Toinette, les desseins violents que l’on fait sur lui. Ne m’abandonne point, je te prie, dans l’extrémité où je suis.

Moi, vous abandonner ! J’aimerois mieux mourir. Votre belle-mère a beau me faire sa confidente, et me vouloir jeter dans ses intérêts, je n’ai jamais pu avoir l’inclination pour elle ; et j’ai toujours été de votre parti. Laissez-moi faire, j’emploierai toute chose pour vous servir ; mais, pour vous servir avec plus d’effet, je veux changer de batterie, couvrir le zèle que j’ai pour vous, et feindre d’entrer dans les sentiments de votre père et de votre belle-mère.

Tâche, je t’en conjure, de faire donner avis à Cléante du mariage qu’on a conclu.

Je n’ai personne à employer à cet office, que le vieux usurier Polichinelle, mon amant ; et il m’en coûtera pour cela quelques paroles de douceur, que je veux bien dépenser pour vous. Pour aujourd’hui, il est trop tard ; mais demain, de grand matin, je l’envoierai querir, et il sera ravi de…

BÉLINE, dans la maison ; ANGÉLIQUE, TOINETTE.

toinette ,  à Angélique.

Voilà qu’on m’appelle. Bonsoir. Reposez-vous sur moi.

PREMIER INTERMÈDE.

Le théâtre change, et représente une ville.

Polichinelle, dans la nuit, vient pour donner une sérénade à sa maîtresse. Il est interrompu d’abord par des violons contre lesquels il se met en colère, et ensuite par le guet, composé de musiciens et de danseurs.

POLICHINELLE, seul.

Ô amour, amour, amour, amour ! Pauvre Polichinelle, quelle diable de fantaisie t’es-tu allé mettre dans la cervelle ? À quoi t’amuses-tu, misérable insensé que tu es ? Tu quittes le soin de ton négoce, et tu laisses aller tes affaires à l’abandon ; tu ne manges plus, tu ne bois presque plus, tu perds le repos de la nuit ; et tout cela, pour qui ? Pour une dragonne, franche dragonne ; une diablesse qui te rembarre, et se moque de tout ce que tu peux lui dire. Mais il n’y a point à raisonner là-dessus. Tu le veux, amour : il faut être fou comme beaucoup d’autres. Cela n’est pas le mieux du monde à un homme de mon âge ; mais qu’y faire ? On n’est pas sage quand on veut ; et les vieilles cervelles se démontent comme les jeunes. Je viens voir si je ne pourrai point adoucir ma tigresse par une sérénade. Il n’y a rien parfois qui soit si touchant qu’un amant qui vient chanter ses doléances aux gonds et aux verrous de la porte de sa maîtresse.  (Après avoir pris sont luth.)  Voici de quoi accompagner ma voix. Ô nuit ! ô chère nuit ! porte mes plaintes amoureuses jusque dans le lit de mon inflexible.

        Notte e dì v’ amo e v’ adoro.         Cerco un sì per mio ristoro ;

        Ma se voi dite di nò,         Bella ingrata, io morirò.

             Frà la speranza              S’ afflige il cuore,              In lontananza              Consuma l’ hore ;              Si dolce inganno              Che mi figura              Breve l’ affanno,              Ahi ! troppo dura. Così per troppo amar languisco e muoro.

        Notte e dì v’ amo e v’ adoro.         Cerco un sì per mio ristoro ;         Ma se voi dite di nò,         Bella ingrata, io moriro.

             Se non dormite,              Almen pensate              Alle ferite              Ch’ al cuor mi fate.              Deh ! almen fingete,              Per mio conforto,              Se m’ uccidete,              D’ haver il torto ; Vostra pietà mi scemarà il martoro.

        Notte e dì v’ amo e v’ adoro.         Cerco un sì per mio ristoro ;         Ma se voi dite di nò,         Bella ingrata, io morirò.

POLICHINELLE ; UNE VIEILLE, se présentant à la fenêtre, en répondant à Polichinelle pour se moquer de lui.

la vieille   chante.

Zerbinetti, ch’ ogn’ hor con finti sguardi,         Mentiti desiri,         Fallaci sospiri,         Accenti buggiardi,        Di fede vi pregiate,        Ah ! che non m’ ingannate.          Che già so per prova,          Ch’ in voi non si trova          Costanza nè fede.

   Oh ! quanto è pazza colei che vi crede !

      Quei sguardi languidi       Non m’ innamorano,       Quei sospir fervidi       Più non m’ infiammano,         Vel giuro a fe.       Zerbino misero,       Del vostro piangere       Il mio cuor libero       Vuol sempre ridere ;         Credete a me       Che già so per prova,       Ch’ in voi non si trova       Costanza nè fede.

Oh ! quanto è pazza colei che vi crede .

POLICHINELLE, VIOLONS, derrière le théâtre.

les violons   commencent un air.

polichinelle.

Quelle impertinente harmonie vient interrompre ici ma voix !

les violons   continuant à jouer.

Paix là ! taisez-vous, violons. Laissez-moi me plaindre à mon aise des cruautés de mon inexorable.

les violons ,  de même.

Taisez-vous, vous dis-je ; c’est moi qui veux chanter.

les violons.

Paix donc !

Ouais !

Est-ce pour rire ?

Ah ! que de bruit !

Le diable vous emporte !

J’enrage !

Vous ne vous tairez pas ? Ah ! Dieu soit loué.

Encore ?

Peste des violons !

La sotte musique que voilà.

polichinelle ,  chantant pour se moquer des violons.

La, la, la, la, la, la.

polichinelle ,  de même.

Par ma foi, cela me divertit. Poursuivez, messieurs les violons ; vous me ferez plaisir.  (N’entendant plus rien.)  Allons donc, continuez, je vous en prie.

Voilà le moyen de les faire taire. La musique est accoutumée à ne point faire ce qu’on veut. Oh sus, à nous. Avant que de chanter, il faut que je prélude un peu, et joue quelque pièce, afin de mieux prendre mon ton.  (Il prend son luth, dont il fait semblant de jouer, en imitant avec les lèvres et la langue le son de cet instrument.)  Plan, plan, plan, plin, plin, plin. Voilà un temps fâcheux pour mettre un luth d’accord. Plin, plin, plin. Plin, tan, plan. Plin, plan. Les cordes ne tiennent point par ce temps-là. Plin, plin. J’entends du bruit. Mettons mon luth contre la porte.

POLICHINELLE ; ARCHERS, passant dans la rue, et accourant au bruit qu’ils entendent.

un archer ,  chantant.

Qui va là ? qui va là ?

polichinelle ,  bas.

Qui diable est-ce là ? Est-ce que c’est la mode de parler en musique ?

Qui va là ? qui va là ? qui va là ?

polichinelle ,  épouvanté.

Moi, moi, moi.

Qui va là ? qui va là ? vous dis-je.

Moi, moi, vous dis-je.

Et qui toi ? et qui toi ?

Moi, moi, moi, moi, moi, moi.

    Dis ton nom, dis ton nom, sans davantage attendre.

polichinelle ,  feignant d’être bien hardi.

       Mon nom est Va te faire pendre.

       Ici, camarades, ici.   Saisissons l’insolent qui nous répond ainsi.

Tout le guet vient, qui cherche Polichinelle dans la nuit.

violons et danseurs.

  Qui va là ?

        Qui sont les coquins que j’entends ?

  Euh ?

     Holà ! mes laquais, mes gens !

Par la mort !

        Par le sang !

                 J’en jetterai par terre !

Champagne, Poitevin, Picard, Basque, Breton !

   Donnez-moi mon mousqueton…

polichinelle ,  faisant semblant de tirer un coup de pistolet.

    Poue.

(Ils tombent tous, et s’enfuient.)

Ah, ah, ah, ah ! comme je leur ai donné l’épouvante ! Voilà de sottes gens, d’avoir peur de moi, qui ai peur des autres. Ma foi, il n’est que de jouer d’adresse en ce monde. Si je n’avois tranché du grand seigneur et n’avois fait le brave, ils n’auroient pas manqué de me happer. Ah, ah, ah !

(Les archers se rapprochent, et, ayant entendu ce qu’il disoit, ils le saisissent au collet.)

POLICHINELLE ; ARCHERS, chantants.

les archers ,  saisissant Polichinelle.

   Nous le tenons. À nous, camarades, à nous !            Dépêchez ; de la lumière.

(Tout le guet vient avec des lanternes.)

POLICHINELLE ; ARCHERS, chantants et dansants.

       Ah ! traître ; ah ! fripon ! c’est donc vous ?    Faquin, maraud, pendard, impudent, téméraire,    Insolent, effronté, coquin, filou, voleur,        Vous osez nous faire peur !

       Messieurs, c’est que j’étois ivre.

       Non, non, non, point de raison ;        Il faut vous apprendre à vivre.        En prison, vite en prison.

Messieurs, je ne suis point voleur.

Je suis un bourgeois de la ville.

Qu’ai-je fait ?

En prison, vite, en prison.

Messieurs, laissez-moi aller.

Je vous prie !

De grace !

Messieurs !

Non, non, non.

S’il vous plaît.

Par charité !

Au nom du ciel !

Miséricorde !

Hé ! n’est-il rien, messieurs, qui soit capable d’attendrir vos ames ?

        Il est aisé de nous toucher ;     Et nous sommes humains, plus qu’on ne sauroit croire.     Donnez-nous seulement six pistoles pour boire           Nous allons vous lâcher.

Hélas ! messieurs, je vous assure que je n’ai pas un sol sur moi.

          Au défaut de six pistoles,           Choisissez donc, sans façon,           D’avoir trente croquignoles,           Ou douze coups de bâton.

Si c’est une nécessité, et qu’il faille en passer par là, je choisis les croquignoles.

          Allons, préparez-vous,           Et comptez bien les coups.

Les archers danseurs lui donnent des croquignoles en cadence.

polichinelle ,  pendant qu’on lui donne des croquignoles.

Un et deux, trois et quatre, cinq et six, sept et huit, neuf et dix, onze et douze, et treize, et quatorze et quinze.

        Ah ! ah ! vous en voulez passer !         Allons, c’est à recommencer.

Ah ! messieurs, ma pauvre tête n’en peut plus, et vous venez de me la rendre comme une pomme cuite. J’aime mieux encore les coups de bâton que de recommencer.

    Soit, puisque le bâton est pour vous plus charmant,         Vous aurez contentement.

Les archers danseurs lui donnent des coups de bâton en cadence.

polichinelle ,  comptant les coups de bâton.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six. Ah, ah, ah ! je n’y saurois plus résister. Tenez, messieurs, voilà six pistoles que je vous donne.

       Ah ! l’honnête homme ! Ah ! l’ame noble et belle !      Adieu, seigneur ; adieu, seigneur Polichinelle.

Messieurs, je vous donne le bonsoir.

     Adieu, seigneur ; adieu, seigneur Polichinelle.

Votre serviteur.

Très humble valet.

Jusqu’au revoir.

Ils dansent tous, en réjouissance de l’argent qu’ils ont reçu.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

(Le théâtre représente la chambre d’Argan.)

CLÉANTE, TOINETTE.

toinette ,  ne reconnoissant pas Cléante.

Que demandez-vous, monsieur ?

Ce que je demande ?

Ah ! ah ! c’est vous ! Quelle surprise ! Que venez-vous faire céans ?

Savoir ma destinée, parler à l’aimable Angélique, consulter les sentiments de son cœur, et lui demander ses résolutions sur ce mariage fatal dont on m’a averti.

Oui ; mais on ne parle pas comme cela de but en blanc à Angélique : il faut des mystères, et l’on vous a dit l’étroite garde où elle est retenue ; qu’on ne la laisse ni sortir, ni parler à personne ; et que ce ne fut que la curiosité d’une vieille tante qui nous fit accorder la liberté d’aller à cette comédie, qui donna lieu à la naissance de votre passion ; et nous nous sommes bien gardées de parler de cette aventure.

Aussi ne viens-je pas ici comme Cléante, et sous l’apparence de son amant ; mais comme ami de son maître de musique, dont j’ai obtenu le pouvoir de dire qu’il m’envoie à sa place.

Voici son père. Retirez-vous un peu, et me laissez lui dire que vous êtes là.

argan ,  se croyant seul, et sans voir Toinette.

Monsieur Purgon m’a dit de me promener le matin, dans ma chambre, douze allées et douze venues ; mais j’ai oublié à lui demander si c’est en long ou en large.

Monsieur, voilà un…

Parle bas, pendarde ! tu viens m’ébranler tout le cerveau, et tu ne songes pas qu’il ne faut point parler si haut à des malades.

Je voulois vous dire, monsieur…

Parle bas, te dis-je.

(Elle fait semblant de parler.)

Je vous dis que…

(Elle fait encore semblant de parler.)

Qu’est-ce que tu dis ?

toinette ,  haut.

Je dis que voilà un homme qui veut parler à vous.

Qu’il vienne.

Toinette fait signe à Cléante d’avancer.

ARGAN, CLÉANTE, TOINETTE.

toinette ,  à Cléante.

Ne parlez pas si haut, de peur d’ébranler le cerveau de monsieur.

Monsieur, je suis ravi de vous trouver debout, et de voir que vous vous portez mieux.

toinette ,  feignant d’être en colère.

Comment ! qu’il se porte mieux ! cela est faux. Monsieur se porte toujours mal.

J’ai ouï dire que monsieur étoit mieux ; et je lui trouve bon visage.

Que voulez-vous dire avec votre bon visage ? Monsieur l’a fort mauvais ; et ce sont des impertinents qui vous ont dit qu’il étoit mieux. Il ne s’est jamais si mal porté.

Elle a raison.

Il marche, dort, mange et boit tout comme les autres ; mais cela n’empêche pas qu’il ne soit fort malade.

Cela est vrai.

Monsieur, j’en suis au désespoir. Je viens de la part du maître à chanter de mademoiselle votre fille ; il s’est vu obligé d’aller à la campagne pour quelques jours ; et, comme son ami intime, il m’envoie à sa place pour lui continuer ses leçons, de peur qu’en les interrompant, elle ne vînt à oublier ce qu’elle sait déjà.

Fort bien.  (À Toinette.)  Appelez Angélique.

Je crois, monsieur, qu’il sera mieux de mener monsieur à sa chambre.

Non. Faites-la venir.

Il ne pourra lui donner leçon comme il faut, s’ils ne sont en particulier.

Si fait, si fait.

Monsieur, cela ne fera que vous étourdir ; et il ne faut rien pour vous émouvoir en l’état où vous êtes, et vous ébranler le cerveau.

Point, point : j’aime la musique ; et je serai bien aise de… Ah ! la voici.  (À Toinette.)  Allez-vous-en voir, vous, si ma femme est habillée.

ARGAN, ANGÉLIQUE, CLÉANTE.

Venez, ma fille. Votre maître de musique est allé aux champs ; et voilà une personne qu’il envoie à sa place pour vous montrer.

angélique ,  reconnoissant Cléante.

Ah ciel !

Qu’est-ce ? D’où vient cette surprise ?

Quoi ! qui vous émeut de la sorte ?

C’est, mon père, une aventure surprenante qui se rencontre ici.

Comment ?

J’ai songé cette nuit que j’étois dans le plus grand embarras du monde, et qu’une personne, faite tout comme monsieur, s’est présentée à moi, à qui j’ai demandé secours, et qui m’est venue tirer de la peine où j’étois ; et ma surprise a été grande de voir inopinément, en arrivant ici, ce que j’ai eu dans l’idée toute la nuit.

Ce n’est pas être malheureux que d’occuper votre pensée, soit en dormant, soit en veillant ; et mon bonheur seroit grand sans doute, si vous étiez dans quelque peine dont vous me jugeassiez digne de vous tirer, et il n’y a rien que je ne fisse pour…

ARGAN, ANGÉLIQUE, CLÉANTE, TOINETTE.

Ma foi, monsieur, je suis pour vous maintenant ; et je me dédis de tout ce que je disois hier. Voici monsieur Diafoirus le père et monsieur Diafoirus le fils, qui viennent vous rendre visite. Que vous serez bien engendré ! Vous allez voir le garçon le mieux fait du monde, et le plus spirituel. Il n’a dit que deux mots, qui m’ont ravie ; et votre fille va être charmée de lui.

argan ,  à Cléante, qui feint de vouloir s’en aller.

Ne vous en allez point, monsieur. C’est que je marie ma fille ; et voilà qu’on lui amène son prétendu mari, qu’elle n’a point encore vu.

C’est m’honorer beaucoup, monsieur, de vouloir que je sois témoin d’une entrevue si agréable.

C’est le fils d’un habile médecin ; et le mariage se fera dans quatre jours.

Mandez-le un peu à son maître de musique, afin qu’il se trouve à la noce.

Je n’y manquerai pas.

Je vous y prie aussi.

Vous me faites beaucoup d’honneur.

Allons, qu’on se range : les voici.

MONSIEUR DIAFOIRUS, THOMAS DIAFOIRUS, ARGAN, ANGÉLIQUE, CLÉANTE, TOINETTE, LAQUAIS.

argan ,  mettant la main à son bonnet, sans l’ôter.

Monsieur Purgon, monsieur, m’a défendu de découvrir ma tête. Vous êtes du métier : vous savez les conséquences.

monsieur diafoirus.

Nous sommes dans toutes nos visites pour porter secours aux malades, et non pour leur porter de l’incommodité.

(Argan et monsieur Diafoirus parlent en même temps.)

Je reçois, monsieur,

Nous venons ici, monsieur,

Avec beaucoup de joie,

Mon fils Thomas et moi,

L’honneur que vous me faites,

Vous témoigner, monsieur,

Et j’aurois souhaité…

Le ravissement où nous sommes…

De pouvoir aller chez vous…

De la grace que vous nous faites…

Pour vous en assurer.

De vouloir bien nous recevoir…

Mais vous savez, monsieur…

Dans l’honneur, monsieur,

Ce que c’est qu’un pauvre malade,

De votre alliance ;

Qui ne peut faire autre chose…

Et vous assurer…

Que de vous dire ici…

Que, dans les choses qui dépendront de notre métier

Qu’il cherchera toutes les occasions

De même qu’en toute autre,

De vous faire connoître, monsieur,

Nous serons toujours prêts, monsieur,

Qu’il est tout à votre service.

À vous témoigner notre zèle.  (À son fils.)  Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments.

thomas diafoirus ,  à monsieur Diafoirus.

N’est-ce pas par le père qu’il convient de commencer ?

thomas diafoirus ,  à Argan.

Monsieur, je viens saluer, reconnoître, chérir et révérer en vous un second père, mais un second père auquel j’ose dire que je me trouve plus redevable qu’au premier. Le premier m’a engendré ; mais vous m’avez choisi. Il m’a reçu par nécessité ; mais vous m’avez accepté par grace . Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et, d’autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles, d’autant plus je vous dois, et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd’hui vous rendre, par avance, les très humbles et très respectueux hommages.

Vivent les collèges d’où l’on sort si habile homme !

thomas diafoirus ,  à Monsieur Diafoirus.

Cela a-t-il bien été, mon père ?

Allons, saluez monsieur.

Baiserai-je?

thomas diafoirus ,  à Angélique.

Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on…

argan ,  à Thomas Diafoirus.

Ce n’est pas ma femme, c’est ma fille à qui vous parlez.

thomas diafoirus.

Où donc est-elle ?

Elle va venir.

Attendrai-je, mon père, qu’elle soit venue ?

Faites toujours le compliment de mademoiselle.

Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendoit un son harmonieux lorsqu’elle venoit à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d’un doux transport à l’apparition du soleil de vos beautés ; et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce cœur qui ne respire et n’ambitionne autre gloire que d’être toute sa vie, mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.

Voilà ce que c’est que d’étudier ! on apprend à dire de belles choses.

argan ,  à Cléante.

Hé ! que dites-vous de cela ?

Que monsieur fait merveilles, et que, s’il est aussi bon médecin qu’il est bon orateur, il y aura plaisir à être de ses malades.

Assurément. Ce sera quelque chose d’admirable, s’il fait d’aussi belles cures qu’il fait de beaux discours.

Allons, vite, ma chaise, et des sièges à tout le monde.  (Des laquais donnent des sièges.)  Mettez-vous là, ma fille.  (À monsieur Diafoirus.)  Vous voyez, monsieur, que tout le monde admire monsieur votre fils ; et je vous trouve bien heureux de vous voir un garçon comme cela.

Monsieur, ce n’est pas parceque je suis son père ; mais je puis dire que j’ai sujet d’être content de lui, et que tous ceux qui le voient en parlent comme d’un garçon qui n’a point de méchanceté. Il n’a jamais eu l’imagination bien vive, ni ce feu d’esprit qu’on remarque dans quelques-uns ; mais c’est par là que j’ai toujours bien auguré de sa judiciaire, qualité requise pour l’exercice de notre art. Lorsqu’il étoit petit, il n’a jamais été ce qu’on appelle mièvre et éveillé. On le voyoit toujours doux, paisible et taciturne, ne disant jamais mot, et ne jouant jamais à tous ces petits jeux que l’on nomme enfantins. On eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire ; et il avoit neuf ans, qu’il ne connoissoit pas encore ses lettres. Bon, disois-je en moi-même : les arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits. On grave sur le marbre bien plus malaisément que sur le sable ; mais les choses y sont conservées bien plus longtemps ; et cette lenteur à comprendre, cette pesanteur d’imagination, est la marque d’un bon jugement à venir. Lorsque je l’envoyai au collège, il trouva de la peine ; mais il se roidissoit contre les difficultés ; et ses régents se louoient toujours à moi de son assiduité et de son travail. Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences ; et je puis dire, sans vanité, que, depuis deux ans qu’il est sur les bancs, il n’y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre école. Il s’y est rendu redoutable ; et il ne s’y passe point d’acte où il n’aille argumenter à outrance pour la proposition contraire. Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. Mais, sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle, touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine.

thomas diafoirus ,  tirant de sa poche une grande thèse roulée, qu’il présente à Angélique.

J’ai, contre les circulateurs, soutenu une thèse, qu’avec la permission  (saluant Argan)  de monsieur, j’ose présenter à mademoiselle, comme un hommage que je lui dois des prémices de mon esprit.

Monsieur, c’est pour moi un meuble inutile, et je ne me connois pas à ces choses-là.

toinette ,  prenant la thèse.

Donnez, donnez. Elle est toujours bonne à prendre pour l’image : cela servira à parer notre chambre.

thomas diafoirus ,  saluant encore Argan.

Avec la permission aussi de monsieur, je vous invite à venir voir, l’un de ces jours, pour vous divertir, la dissection d’une femme, sur quoi je dois raisonner.

Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses ; mais donner une dissection est quelque chose de plus galant.

Au reste, pour ce qui est des qualités requises pour le mariage et la propagation, je vous assure que, selon les règles de nos docteurs, il est tel qu’on le peut souhaiter ; qu’il possède en un degré louable la vertu prolifique, et qu’il est du tempérament qu’il faut pour engendrer et procréer des enfants bien conditionnés.

N’est-ce pas votre intention, monsieur, de le pousser à la cour, et d’y ménager pour lui une charge de médecin ?

À vous en parler franchement, notre métier auprès des grands ne m’a jamais paru agréable ; et j’ai toujours trouvé qu’il valoit mieux pour nous autres demeurer au public. Le public est commode. Vous n’avez à répondre de vos actions à personne ; et, pourvu que l’on suive le courant des règles de l’art, on ne se met point en peine de tout ce qui peut arriver. Mais ce qu’il y a de fâcheux auprès des grands, c’est que, quand ils viennent à être malades, ils veulent absolument que leurs médecins les guérissent.

Cela est plaisant ! et ils sont bien impertinents de vouloir que, vous autres messieurs, vous les guérissiez. Vous n’êtes point auprès d’eux pour cela ; vous n’y êtes que pour recevoir vos pensions et leur ordonner des remèdes ; c’est à eux à guérir s’ils peuvent.

Cela est vrai. On n’est obligé qu’à traiter les gens dans les formes.

Monsieur, faites un peu chanter ma fille devant la compagnie.

J’attendois vos ordres, monsieur ; et il m’est venu en pensée, pour divertir la compagnie, de chanter avec mademoiselle une scène d’un petit opéra qu’on a fait depuis peu.  (À Angélique, lui donnant un papier.)  Tenez, voilà votre partie.

cléante ,  bas, à Angélique.

Ne vous défendez point, s’il vous plaît, et me laissez vous faire comprendre ce que c’est que la scène que nous devons chanter.  (Haut.)  Je n’ai pas une voix à chanter ; mais ici il suffit que je me fasse entendre ; et l’on aura la bonté de m’excuser, par la nécessité où je me trouve de faire chanter mademoiselle.

Les vers en sont-ils beaux ?

C’est proprement ici un petit opéra impromptu ; et vous n’allez entendre chanter que de la prose cadencée, ou des manières de vers libres, tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver à deux personnes qui disent les choses d’eux-mêmes, et parlent sur-le-champ.

Fort bien. Écoutons.

Voici le sujet de la scène. Un berger étoit attentif aux beautés d’un spectacle qui ne faisoit que de commencer, lorsqu’il fut tiré de son attention par un bruit qu’il entendit à ses côtés. Il se retourne, et voit un brutal qui, de paroles insolentes, maltraitoit une bergère. D’abord il prend les intérêts d’un sexe à qui tous les hommes doivent hommage ; et, après avoir donné au brutal le châtiment de son insolence, il vient à la bergère, et voit une jeune personne qui, des deux plus beaux yeux qu’il eût jamais vus, versoit des larmes qu’il trouva les plus belles du monde. Hélas ! dit-il en lui-même, est-on capable d’outrager une personne si aimable ! Et quel inhumain, quel barbare ne seroit touché par de telles larmes ? Il prend soin de les arrêter, ces larmes qu’il trouve si belles ; et l’aimable bergère prend soin, en même temps, de le remercier de son léger service, mais d’une manière si charmante, si tendre et si passionnée, que le berger n’y peut résister ; et chaque mot, chaque regard, est un trait plein de flamme dont son cœur se sent pénétré. Est-il, disoit-il, quelque chose qui puisse mériter les aimables paroles d’un tel remercîment ? Et que ne voudroit-on pas faire, à quels services, à quels dangers ne seroit-on pas ravi de courir, pour s’attirer un seul moment, des touchantes douceurs d’une ame si reconnoissante ? Tout le spectacle passe sans qu’il y donne aucune attention ; mais il se plaint qu’il est trop court, parcequ’en finissant il le sépare de son adorable bergère ; et, de cette première vue, de ce premier moment, il emporte chez lui tout ce qu’un amour de plusieurs années peut avoir de plus violent. Le voilà aussitôt à sentir tous les maux de l’absence, et il est tourmenté de ne plus voir ce qu’il a si peu vu. Il fait tout ce qu’il peut pour se redonner cette vue, dont il conserve nuit et jour une si chère idée ; mais la grande contrainte où l’on tient sa bergère lui en ôte tous les moyens. La violence de sa passion le fait résoudre à demander en mariage l’adorable beauté sans laquelle il ne peut plus vivre ; et il en obtient d’elle la permission, par un billet qu’il a l’adresse de lui faire tenir. Mais, dans le même temps, on l’avertit que le père de cette belle a conclu son mariage avec un autre, et que tout se dispose pour en célébrer la cérémonie. Jugez quelle atteinte cruelle au cœur de ce triste berger ! Le voilà accablé d’une mortelle douleur ; il ne peut souffrir l’effroyable idée de voir tout ce qu’il aime entre les bras d’un autre ; et son amour, au désespoir, lui fait trouver moyen de s’introduire dans la maison de sa bergère pour apprendre ses sentiments, et savoir d’elle la destinée à laquelle il doit se résoudre. Il y rencontre les apprêts de tout ce qu’il craint ; il y voit venir l’indigne rival que le caprice d’un père oppose aux tendresses de son amour ; il le voit triomphant, ce rival ridicule, auprès de l’aimable bergère, ainsi qu’auprès d’une conquête qui lui est assurée ; et cette vue le remplit d’une colère dont il a peine à se rendre le maître. Il jette de douloureux regards sur celle qu’il adore ; et son respect et la présence de son père l’empêchent de lui rien dire que des yeux. Mais enfin il force toute contrainte, et le transport de son amour l’oblige à lui parler ainsi :

(Il chante.)

  Belle Philis, c’est trop, c’est trop souffrir ; Rompons ce dur silence, et m’ouvrez vos pensées.     Apprenez-moi ma destinée :     Faut-il vivre ? Faut-il mourir ?

angélique ,  en chantant.

Vous me voyez, Tircis, triste et mélancolique, Aux apprêts de l’hymen dont vous vous alarmez :

Je lève au ciel les yeux, je vous regarde, je soupire :        C’est vous en dire assez.

Ouais ! je ne croyois pas que ma fille fût si habile, que de chanter ainsi à livre ouvert, sans hésiter.

       Hélas ! belle Philis,   Se pourroit-il que l’amoureux Tircis        Eût assez de bonheur   Pour avoir quelque place dans votre cœur ?

Je ne m’en défends point dans cette peine extrême :

       Oui, Tircis, je vous aime.

     Ô parole pleine d’appas !      Ai-je bien entendu ? Hélas !    Redites-la, Philis ; que je n’en doute pas.

       De grace, encor, Philis !

          Je vous aime.

Recommencez cent fois ; ne vous en lassez pas.

     Je vous aime, je vous aime ;        Oui, Tircis, je vous aime.

Dieux, rois, qui sous vos pieds regardez tout le monde, Pouvez-vous comparer votre bonheur au mien ?      Mais, Philis, une pensée      Vient troubler ce doux transport.       Un rival, un rival…

    Ah ! je le hais plus que la mort ;     Et sa présence, ainsi qu’à vous,       M’est un cruel supplice.

Mais un père à ses vœux vous veut assujettir.

    Plutôt, plutôt mourir,   Que de jamais y consentir ; Plutôt, plutôt mourir, plutôt mourir !

Et que dit le père à tout cela ?

Il ne dit rien.

Voilà un sot père que ce père-là, de souffrir toutes ces sottises-là sans rien dire !

cléante ,  voulant continuer à chanter.

      Ah ! mon amour…

Non, non ; en voilà assez. Cette comédie-là est de fort mauvais exemple. Le berger Tircis est un impertinent, et la bergère Philis une impudente de parler de la sorte devant son père.  (À Angélique.)  Montrez-moi ce papier. Ah ! ah ! où sont donc les paroles que vous avez dites ? Il n’y a là que de la musique écrite.

Est-ce que vous ne savez pas, monsieur, qu’on a trouvé, depuis peu, l’invention d’écrire les paroles avec les notes mêmes ?

Fort bien. Je suis votre serviteur, monsieur ; jusqu’au revoir. Nous nous serions bien passés de votre impertinent d’opéra.

J’ai cru vous divertir.

Les sottises ne divertissent point. Ah ! voici ma femme.

BÉLINE, ARGAN, ANGÉLIQUE, MONSIEUR DIAFOIRUS, THOMAS DIAFOIRUS, TOINETTE.

M’amour, voilà le fils de monsieur Diafoirus.

Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on voit sur votre visage…

Monsieur, je suis ravie d’être venue ici à propos, pour avoir l’honneur de vous voir.

Puisque l’on voit sur votre visage… puisque l’on voit sur votre visage… Madame, vous m’avez interrompu dans le milieu de ma période, et cela m’a troublé la mémoire.

Thomas, réservez cela pour une autre fois.

Je voudrois, ma mie, que vous eussiez été ici tantôt.

Ah ! madame, vous avez bien perdu de n’avoir point été au second père, à la statue de Memnon, et à la fleur nommée héliotrope.

Allons, ma fille, touchez dans la main de monsieur, et lui donnez votre foi, comme à votre mari.

Mon père !

Hé bien ! mon père ! Qu’est-ce que cela veut dire ?

De grace, ne précipitez pas les choses. Donnez-nous au moins le temps de nous connoître, et de voir naître en nous, l’un pour l’autre, cette inclination si nécessaire à composer une union parfaite.

Quant à moi, mademoiselle, elle est déjà toute née en moi ; et je n’ai pas besoin d’attendre davantage.

Si vous êtes si prompt, monsieur, il n’en est pas de même de moi ; et je vous avoue que votre mérite n’a pas encore assez fait d’impression dans mon ame.

Oh ! bien, bien ; cela aura tout le loisir de se faire quand vous serez mariés ensemble.

Hé ! mon père, donnez-moi du temps, je vous prie. Le mariage est une chaîne où l’on ne doit jamais soumettre un cœur par force ; et, si monsieur est honnête homme, il ne doit point vouloir accepter une personne qui seroit à lui par contrainte.

Nego consequentiam , mademoiselle ; et je puis être honnête homme, et vouloir bien vous accepter des mains de monsieur votre père.

C’est un méchant moyen de se faire aimer de quelqu’un, que de lui faire violence.

Nous lisons des anciens, mademoiselle, que leur coutume étoit d’enlever par force, de la maison des pères, les filles qu’on menoit marier, afin qu’il ne semblât pas que ce fût de leur consentement qu’elles convoloient dans les bras d’un homme.

Les anciens, monsieur, sont les anciens ; et nous sommes les gens de maintenant. Les grimaces ne sont point nécessaires dans notre siècle ; et, quand un mariage nous plaît, nous savons fort bien y aller, sans qu’on nous y traîne. Donnez-vous patience ; si vous m’aimez, monsieur, vous devez vouloir tout ce que je veux.

Oui, mademoiselle, jusqu’aux intérêts de mon amour exclusivement.

Mais la grande marque d’amour, c’est d’être soumis aux volontés de celle qu’on aime.

Distinguo , mademoiselle. Dans ce qui ne regarde point sa possession,  concedo  ;  mais dans ce qui la regarde,  nego .

Vous avez beau raisonner. Monsieur est frais émoulu du collège ; et il vous donnera toujours votre reste. Pourquoi tant résister, et refuser la gloire d’être attachée au corps de la Faculté ?

Elle a peut-être quelque inclination en tête.

Si j’en avois, madame, elle seroit telle que la raison et l’honnêteté pourroient me la permettre.

Ouais ! je joue ici un plaisant personnage !

Si j’étois que de vous, mon fils, je ne la forcerois point de se marier ; et je sais bien ce que je ferois.

Je sais, madame, ce que vous voulez dire, et les bontés que vous avez pour moi ; mais peut-être que vos conseils ne seront pas assez heureux pour être exécutés.

C’est que les filles bien sages et bien honnêtes, comme vous, se moquent d’être obéissantes et soumises aux volontés de leurs pères. Cela étoit bon autrefois.

Le devoir d’une fille a des bornes, madame ; et la raison et les lois ne l’étendent point à toutes sortes de choses.

C’est-à-dire que vos pensées ne sont que pour le mariage ; mais vous voulez choisir un époux à votre fantaisie.

Si mon père ne veut pas me donner un mari qui me plaise, je le conjurerai, au moins, de ne me point forcer à en épouser un que je ne puisse pas aimer.

Messieurs, je vous demande pardon de tout ceci.

Chacun a son but en se mariant. Pour moi, qui ne veux un mari que pour l’aimer véritablement, et qui prétends en faire tout l’attachement de ma vie, je vous avoue que j’y cherche quelque précaution. Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents, et se mettre en état de faire tout ce qu’elles voudront. Il y en a d’autres, madame, qui font du mariage un commerce de pur intérêt ; qui ne se marient que pour gagner des douaires, que pour s’enrichir par la mort de ceux qu’elles épousent, et courent sans scrupules de mari en mari, pour s’approprier leurs dépouilles. Ces personnes-là, à la vérité, n’y cherchent pas tant de façons, et regardent peu à la personne.

Je vous trouve aujourd’hui bien raisonnante, et je voudrois bien savoir ce que vous voulez dire par là.

Moi, madame ? Que voudrois-je dire que ce que je dis ?

Vous êtes si sotte, ma mie, qu’on ne sauroit plus vous souffrir.

Vous voudriez bien, madame, m’obliger à vous répondre quelque impertinence ; mais je vous avertis que vous n’aurez pas cet avantage.

Il n’est rien d’égal à votre insolence.

Non, madame, vous avez beau dire.

Et vous avez un ridicule orgueil, une impertinente présomption qui fait hausser les épaules à tout le monde.

Tout cela, madame, ne servira de rien. Je serai sage en dépit de vous ; et, pour vous ôter l’espérance de pouvoir réussir dans ce que vous voulez, je vais m’ôter de votre vue.

ARGAN, BÉLINE, MONSIEUR DIAFOIRUS, THOMAS DIAFOIRUS, TOINETTE.

argan ,  à Angélique, qui sort.

Écoute. Il n’y a point de milieu à cela : choisis d’épouser dans quatre jours ou monsieur, ou un couvent.  (À Béline.)  Ne vous mettez pas en peine : je la rangerai bien.

Je suis fâchée de vous quitter, mon fils ; mais j’ai une affaire en ville, dont je ne puis me dispenser. Je reviendrai bientôt.

Allez, m’amour ; et passez chez votre notaire, afin qu’il expédie ce que vous savez.

Adieu, mon petit ami.

Adieu, ma mie.

ARGAN, MONSIEUR DIAFOIRUS, THOMAS DIAFOIRUS, TOINETTE.

Voilà une femme qui m’aime… cela n’est pas croyable.

Nous allons, monsieur, prendre congé de vous.

Je vous prie, monsieur, de me dire un peu comment je suis.

monsieur diafoirus ,  tâtant le pouls d’Argan.

Allons, Thomas, prenez l’autre bras de monsieur, pour voir si vous saurez porter un bon jugement de son pouls.  Quid dicis ?

Dico  que le pouls de monsieur est le pouls d’un homme qui ne se porte point bien.

Qu’il est duriuscule, pour ne pas dire dur.

Repoussant.

Et même un peu caprisant.

Ce qui marque une intempérie dans le  parenchyme splénique , c’est-à-dire la rate.

Non : monsieur Purgon dit que c’est mon foie qui est malade.

Eh oui : qui dit  parenchyme  dit l’un et l’autre, à cause de l’étroite sympathie qu’ils ont ensemble par le moyen du  vas breve , du  pylore , et souvent des  méats cholidoques . Il vous ordonne sans doute de manger force rôti.

Non ; rien que du bouilli.

Eh oui : rôti, bouilli, même chose. Il vous ordonne fort prudemment, et vous ne pouvez être entre de meilleures mains.

Monsieur, combien est-ce qu’il faut mettre de grains de sel dans un œuf ?

Six, huit, dix, par les nombres pairs, comme dans les médicaments, par les nombres impairs.

Jusqu’au revoir, monsieur.

Je viens, mon fils, avant que de sortir, vous donner avis d’une chose, à laquelle il faut que vous preniez garde. En passant par devant la chambre d’Angélique, j’ai vu un jeune homme avec elle qui s’est sauvé d’abord qu’il m’a vue.

Un jeune homme avec ma fille !

Oui. Votre petite fille Louison étoit avec eux, qui pourra vous en dire des nouvelles.

Envoyez-la ici, m’amour, envoyez-la ici. Ah ! l’effrontée !  (Seul.)  Je ne m’étonne plus de sa résistance.

ARGAN, LOUISON.

Qu’est-ce que vous voulez, mon papa ? ma belle-maman m’a dit que vous me demandez.

Oui. Venez çà. Avancez là. Tournez-vous. Levez les yeux. Regardez-moi. Hé ?

Quoi, mon papa ?

N’avez-vous rien à me dire ?

Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de  Peau d’Âne , ou bien la fable du  Corbeau et du Renard , qu’on m’a apprise depuis peu.

Ce n’est pas là ce que je demande.

Quoi donc ?

Ah ! rusée, vous savez bien ce que je veux dire !

Pardonnez-moi, mon papa.

Est-ce là comme vous m’obéissez ?

Ne vous ai-je pas recommandé de me venir dire d’abord tout ce que vous voyez ?

Oui, mon papa.

L’avez-vous fait ?

Oui, mon papa. Je vous suis venue dire tout ce que j’ai vu.

Et n’avez-vous rien vu aujourd’hui ?

Non, mon papa.

Assurément ?

Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose, moi.

louison ,  voyant une poignée de verges qu’Argan a été prendre.

Ah ! mon papa !

Ah ! ah ! petite masque, vous ne me dites pas que vous avez vu un homme dans la chambre de votre sœur !

louison ,  pleurant.

Mon papa !

argan ,  prenant Louison par le bras.

Voici qui vous apprendra à mentir.

louison ,  se jetant à genoux.

Ah ! mon papa, je vous demande pardon. C’est que ma sœur m’avoit dit de ne pas vous le dire ; mais je m’en vais vous dire tout.

Il faut premièrement que vous ayez le fouet pour avoir menti. Puis après nous verrons au reste.

Pardon, mon papa.

Mon pauvre papa, ne me donnez pas le fouet.

Vous l’aurez.

Au nom de Dieu, mon papa, que je ne l’aie pas !

argan ,  voulant la fouetter.

Allons, allons.

Ah ! mon papa, vous m’avez blessée. Attendez : je suis morte.

(Elle contrefait la morte.)

Holà ! Qu’est-ce là ? Louison, Louison ! Ah ! mon Dieu ! Louison ! Ah ! ma fille ! Ah ! malheureux ! ma pauvre fille est morte ! Qu’ai-je fait, misérable ! Ah ! chiennes de verges ! La peste soit des verges ! Ah ! ma pauvre fille, ma pauvre petite Louison !

Là, là, mon papa, ne pleurez point tant : je ne suis pas morte tout à fait.

Voyez-vous la petite rusée ? Oh çà, çà, je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout.

Oh ! oui, mon papa.

Prenez-y bien garde, au moins ; car voilà un petit doigt qui sait tout, et qui me dira si vous mentez.

Mais, mon papa, ne dites pas à ma sœur que je vous l’ai dit.

louison ,  après avoir écouté si personne n’écoute.

C’est, mon papa, qu’il est venu un homme dans la chambre de ma sœur comme j’y étois.

Hé bien ?

Je lui ai demandé ce qu’il demandoit, et il m’a dit qu’il étoit son maître à chanter.

argan ,  à part.

Hom ! hom ! voilà l’affaire.  (À Louison.)  Hé bien ?

Ma sœur est venue après.

Elle lui a dit : Sortez, sortez, sortez. Mon Dieu, sortez ; vous me mettez au désespoir.

Et lui, il ne vouloit pas sortir.

Qu’est-ce qu’il lui disoit ?

Il lui disoit je ne sais combien de choses.

Et quoi encore ?

Il lui disoit tout-ci, tout-ça, qu’il l’aimoit bien, et qu’elle étoit la plus belle du monde.

Et puis après ?

Et puis après, il se mettoit à genoux devant elle.

Et puis après, il lui baisoit les mains.

Et puis après, ma belle-maman est venue à la porte, et il s’est enfui.

Il n’y a point autre chose ?

Voilà mon petit doigt pourtant qui gronde quelque chose.  (Mettant son doigt à son oreille.)  Attendez. Hé ! Ah, ah ! Oui ? Oh, oh ! Voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m’avez pas dit.

Ah ! mon papa, votre petit doigt est un menteur.

Prenez garde.

Non, mon papa ; ne le croyez pas : il ment, je vous assure.

Oh bien, bien, nous verrons cela. Allez-vous-en, et prenez bien garde à tout : allez.  (Seul.)  Ah ! il n’y a plus d’enfants ! Ah ! que d’affaires ! Je n’ai pas seulement le loisir de songer à ma maladie. En vérité, je n’en puis plus.

(Il se laisse tomber dans une chaise.)

BÉRALDE, ARGAN

Hé bien, mon frère ! qu’est-ce ? Comment vous portez-vous ?

Ah ! mon frère, fort mal.

Comment ! fort mal ?

Oui, je suis dans une foiblesse si grande, que cela n’est pas croyable.

Voilà qui est fâcheux.

Je n’ai pas seulement la force de pouvoir parler.

J’étois venu ici, mon frère, vous proposer un parti pour ma nièce Angélique.

argan ,  parlant avec emportement, et se levant de sa chaise.

Mon frère, ne me parlez point de cette coquine-là. C’est une friponne, une impertinente, une effrontée, que je mettrai dans un couvent avant qu’il soit deux jours.

Ah ! voilà qui est bien ! Je suis bien aise que la force vous revienne un peu, et que ma visite vous fasse du bien. Oh çà, nous parlerons d’affaires tantôt. Je vous amène ici un divertissement que j’ai rencontré, qui dissipera votre chagrin, et vous rendra l’ame mieux disposée aux choses que nous avons à dire. Ce sont des Égyptiens vêtus en Mores, qui font des danses mêlées de chansons, où je suis sûr que vous prendrez plaisir ; et cela vaudra bien une ordonnance de monsieur Purgon. Allons.

SECOND INTERMÈDE.

Le frère du Malade imaginaire lui amène, pour le divertir, plusieurs Égyptiens et Égyptiennes, vêtus en Mores, qui font des danses entremêlées de chansons.

première femme more.

            Profitez du printemps               De vos beaux ans,              Aimable jeunesse ;             Profitez du printemps               De vos beaux ans ;           Donnez-vous à la tendresse.

          Les plaisirs les plus charmants,             Sans l’amoureuse flamme,           Pour contenter une ame,         N’ont point d’attraits assez puissants.

            Profitez du printemps               De vos beaux ans,              Aimable jeunesse ;             Profitez du printemps               De vos beaux ans ;           Donnez-vous à la tendresse.         Ne perdez point ces précieux moments.

               La beauté passe,                Le temps l’efface ;                L’âge de glace                Vient à sa place,         Qui nous ôte le goût de ces doux passe-temps.

            Profitez du printemps               De vos beaux ans,

             Aimable jeunesse ;             Profitez du printemps               De vos beaux ans ;           Donnez-vous à la tendresse.

Danse des Égyptiens et des Égyptiennes.

seconde femme more.

          Quand d’aimer on nous presse,             À quoi songez-vous ?           Nos cœurs, dans la jeunesse,             N’ont vers la tendresse             Qu’un penchant trop doux.           L’amour a, pour nous prendre,             De si doux attraits,           Que, de soi, sans attendre,             On voudroit se rendre            À ses premiers traits ;           Mais tout ce qu’on écoute            Des vives douleurs           Et des pleurs qu’il nous coûte,            Fait qu’on en redoute            Toutes les douceurs.

troisième femme more.

          Il est doux, à notre âge,            D’aimer tendrement               Un amant               Qui s’engage ;            Mais, s’il est volage,            Hélas ! quel tourment !

quatrième femme more.

          L’amant qui se dégage            N’est pas le malheur ;              La douleur              Et la rage,            C’est que le volage            Garde notre cœur.

          Quel parti faut-il prendre            Pour nos jeunes cœurs ?

          Devons-nous nous y rendre,            Malgré ses rigueurs ?

          Oui, suivons ses ardeurs,           Ses transports, ses caprices,

          Ses douces langueurs :          S’il a quelques supplices,           Il a cent délices           Qui charment les cœurs.

Tous les Mores dansent ensemble, et font sauter des singes qu’ils ont amenés avec eux.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIÈME.

BÉRALDE, ARGAN, TOINETTE.

Hé bien ! mon frère, qu’en dites-vous ? Cela ne vaut-il pas bien une prise de casse ?

Hom ! de bonne casse est bonne.

Oh çà ! voulez-vous que nous parlions un peu ensemble ?

Un peu de patience, mon frère : je vais revenir.

Tenez, monsieur, vous ne songez pas que vous ne sauriez marcher sans bâton.

Tu as raison.

BÉRALDE, TOINETTE.

N’abandonnez pas, s’il vous plaît, les intérêts de votre nièce.

J’emploierai toutes choses pour lui obtenir ce qu’elle souhaite.

Il faut absolument empêcher ce mariage extravagant qu’il s’est mis dans la fantaisie ; et j’avois songé en moi-même que ç’auroit été une bonne affaire, de pouvoir introduire ici un médecin à notre poste, pour le dégoûter de son monsieur Purgon, et lui décrier sa conduite. Mais, comme nous n’avons personne en main pour cela, j’ai résolu de jouer un tour de ma tête.

C’est une imagination burlesque. Cela sera peut-être plus heureux que sage. Laissez-moi faire. Agissez de votre côté. Voici notre homme.

ARGAN, BÉRALDE.

Vous voulez bien, mon frère, que je vous demande, avant toute chose, de ne vous point échauffer l’esprit dans notre conversation ?

Voilà qui est fait.

De répondre sans nulle aigreur aux choses que je pourrai vous dire ?

Et de raisonner ensemble sur les affaires dont nous avons à parler, avec un esprit détaché de toute passion.

Mon Dieu ! oui. Voilà bien du préambule.

D’où vient, mon frère, qu’ayant le bien que vous avez et n’ayant d’enfants qu’une fille, car je ne compte pas la petite ; d’où vient, dis-je, que vous parlez de la mettre dans un couvent ?

D’où vient, mon frère, que je suis maître dans ma famille, pour faire ce que bon me semble ?

Votre femme ne manque pas de vous conseiller de vous défaire ainsi de vos deux filles ; et je ne doute point que, par un esprit de charité, elle ne fût ravie de les voir toutes deux bonnes religieuses.

Oh çà ! nous y voici. Voilà tout d’abord la pauvre femme en jeu. C’est elle qui fait tout le mal, et tout le monde lui en veut.

Non, mon frère ; laissons-la là : c’est une femme qui a les meilleures intentions du monde pour votre famille, et qui est détachée de toute sorte d’intérêt ; qui a pour vous une tendresse merveilleuse, et qui montre pour vos enfants une affection et une bonté qui n’est pas concevable : cela est certain. N’en parlons point, et revenons à votre fille. Sur quelle pensée, mon frère, la voulez-vous donner en mariage au fils d’un médecin ?

Sur la pensée, mon frère, de me donner un gendre tel qu’il me faut.

Ce n’est point là, mon frère, le fait de votre fille ; et il se présente un parti plus sortable pour elle.

Oui ; mais celui-ci, mon frère, est plus sortable pour moi.

Mais le mari qu’elle doit prendre doit-il être, mon frère, ou pour elle, ou pour vous ?

Il doit être, mon frère, et pour elle et pour moi ; et je veux mettre dans ma famille les gens dont j’ai besoin.

Par cette raison-là, si votre petite étoit grande, vous lui donneriez en mariage un apothicaire.

Pourquoi non ?

Est-il possible que vous serez toujours embéguiné de vos apothicaires et de vos médecins, et que vous vouliez être malade en dépit des gens et de la nature !

Comment l’entendez-vous, mon frère ?

J’entends, mon frère, que je ne vois point d’homme qui soit moins malade que vous, et que je ne demanderois point une meilleure constitution que la vôtre. Une grande marque que vous vous portez bien, et que vous avez un corps parfaitement bien composé, c’est qu’avec tous les soins que vous avez pris, vous n’avez pu parvenir encore à gâter la bonté de votre tempérament, et que vous n’êtes point crevé de toutes les médecines qu’on vous a fait prendre.

Mais savez-vous, mon frère, que c’est cela qui me conserve ; et que monsieur Purgon dit que je succomberois, s’il étoit seulement trois jours sans prendre soin de moi ?

Si vous n’y prenez garde, il prendra tant de soin de vous, qu’il vous envoiera en l’autre monde.

Mais raisonnons un peu, mon frère. Vous ne croyez donc point à la médecine ?

Non, mon frère ; et je ne vois pas que, pour son salut, il soit nécessaire d’y croire.

Quoi ! vous ne tenez pas véritable une chose établie par tout le monde, et que tous les siècles ont révérée ?

Bien loin de la tenir véritable, je la trouve, entre nous, une des plus grandes folies qui soient parmi les hommes ; et, à regarder les choses en philosophe, je ne vois point une plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule, qu’un homme qui se veut mêler d’en guérir un autre.

Pourquoi ne voulez-vous pas, mon frère, qu’un homme en puisse guérir un autre ?

Par la raison, mon frère, que les ressorts de notre machine sont des mystères, jusques ici, où les hommes ne voient goutte ; et que la nature nous a mis au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connoître quelque chose.

Les médecins ne savent donc rien, à votre compte ?

Si fait, mon frère. Ils savent la plupart de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ; mais, pour ce qui est de les guérir, c’est ce qu’ils ne savent pas du tout.

Mais toujours faut-il demeurer d’accord que, sur cette matière, les médecins en savent plus que les autres.

Ils savent, mon frère, ce que je vous ai dit, qui ne guérit pas de grand’chose : et toute l’excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets.

Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages et aussi habiles que vous ; et nous voyons que, dans la maladie, tout le monde a recours aux médecins.

C’est une marque de la foiblesse humaine, et non pas de la vérité de leur art.

Mais il faut bien que les médecins croient leur art véritable, puisqu’ils s’en servent pour eux-mêmes.

C’est qu’il y en a parmi eux qui sont eux-mêmes dans l’erreur populaire, dont ils profitent ; et d’autres qui en profitent sans y être. Votre monsieur Purgon, par exemple, n’y sait point de finesse ; c’est un homme tout médecin, depuis la tête jusqu’aux pieds ; un homme qui croit à ses règles plus qu’à toutes les démonstrations des mathématiques, et qui croiroit du crime à les vouloir examiner ; qui ne voit rien d’obscur dans la médecine, rien de douteux, rien de difficile ; et qui, avec une impétuosité de prévention, une roideur de confiance, une brutalité de sens commun et de raison, donne au travers des purgations et des saignées, et ne balance aucune chose. Il ne lui faut point vouloir mal de tout ce qu’il pourra vous faire : c’est de la meilleure foi du monde qu’il vous expédiera ; et il ne fera, en vous tuant, que ce qu’il a fait à sa femme et à ses enfants, et ce qu’en un besoin il feroit à lui-même.

C’est que vous avez, mon frère, une dent de lait contre lui. Mais, enfin, venons au fait. Que faire donc quand on est malade ?

Rien, mon frère.

Rien ?

Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature, d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout ; et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.

Mais il faut demeurer d’accord, mon frère, qu’on peut aider cette nature par de certaines choses.

Mon Dieu, mon frère, ce sont de pures idées dont nous aimons à nous repaître ; et de tout temps il s’est glissé parmi les hommes de belles imaginations que nous venons à croire, parcequ’elles nous flattent et qu’il seroit à souhaiter qu’elles fussent véritables. Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit, et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir, et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années, il vous dit justement le roman de la médecine. Mais, quand vous en venez à la vérité et à l’expérience, vous ne trouvez rien de tout cela ; et il en est comme de ces beaux songes, qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus.

C’est-à-dire que toute la science du monde est renfermée dans votre tête ; et vous voulez en savoir plus que tous les grands médecins de notre siècle.

Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands médecins. Entendez-les parler, les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes.

Ouais ! vous êtes un grand docteur, à ce que je vois ; et je voudrois bien qu’il y eût ici quelqu’un de ces messieurs, pour rembarrer vos raisonnements, et rabaisser votre caquet.

Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine ; et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît. Ce que j’en dis n’est qu’entre nous ; et j’aurois souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes, et, pour vous divertir, vous mener voir, sur ce chapitre, quelqu’une des comédies de Molière.

C’est un bon impertinent que votre Molière, avec ses comédies ! et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins !

Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.

C’est bien à lui à faire, de se mêler de contrôler la médecine ! Voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au corps des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces messieurs-là !

Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d’aussi bonne maison que les médecins.

Par la mort non de diable ! si j’étois que des médecins, je me vengerois de son impertinence ; et, quand il sera malade, je le laisserois mourir sans secours. Il auroit beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerois pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement ; et je lui dirois : Crève, crève ; cela t’apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté.

Vous voilà bien en colère contre lui.

Oui. C’est un malavisé ; et si les médecins sont sages, ils feront ce que je dis.

Il sera encore plus sage que vos médecins, car il ne leur demandera point de secours.

Tant pis pour lui, s’il n’a point recours aux remèdes.

Il a ses raisons pour n’en point vouloir, et il soutient que cela n’est permis qu’aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste pour porter les remèdes avec la maladie ; mais que pour lui, il n’a justement de la force que pour porter son mal.

Les sottes raisons que voilà ! Tenez, mon frère, ne parlons point de cet homme-là davantage ; car cela m’échauffe la bile, et vous me donneriez mon mal.

Je le veux bien, mon frère ; et, pour changer de discours, je vous dirai que, sur une petite répugnance que vous témoigne votre fille, vous ne devez point prendre les résolutions violentes de la mettre dans un couvent ; que, pour le choix d’un gendre, il ne faut pas suivre aveuglément la passion qui vous emporte ; et qu’on doit, sur cette matière, s’accommoder un peu à l’inclination d’une fille, puisque c’est pour toute la vie, et que de là dépend tout le bonheur d’un mariage.

MONSIEUR FLEURANT, une seringue à la main, ARGAN, BÉRALDE.

Ah ! mon frère, avec votre permission…

Comment ? Que voulez-vous faire ?

Prendre ce petit lavement-là : ce sera bientôt fait.

Vous vous moquez. Est-ce que vous ne sauriez être un moment sans lavement ou sans médecine ? Remettez cela à une autre fois, et demeurez un peu en repos.

Monsieur Fleurant, à ce soir, ou à demain au matin.

monsieur fleurant ,  à Béralde.

De quoi vous mêlez-vous, de vous opposer aux ordonnances de la médecine, et d’empêcher monsieur de prendre mon clystère ? Vous êtes bien plaisant d’avoir cette hardiesse-là !

Allez, monsieur ; on voit bien que vous n’avez pas accoutumé de parler à des visages.

monsieur fleurant.

On ne doit point ainsi se jouer des remèdes, et me faire perdre mon temps. Je ne suis venu ici que sur une bonne ordonnance ; et je vais dire à monsieur Purgon comme on m’a empêché d’exécuter ses ordres, et de faire ma fonction. Vous verrez, vous verrez…

Mon frère, vous serez cause ici de quelque malheur.

Le grand malheur de ne pas prendre un lavement que monsieur Purgon a ordonné ! Encore un coup, mon frère, est-il possible qu’il n’y ait pas moyen de vous guérir de la maladie des médecins, et que vous vouliez être toute votre vie enseveli dans leurs remèdes ?

Mon Dieu ! mon frère, vous en parlez comme un homme qui se porte bien ; mais, si vous étiez à ma place, vous changeriez bien de langage. Il est aisé de parler contre la médecine, quand on est en pleine santé.

Mais quel mal avez-vous ?

Vous me feriez enrager. Je voudrois que vous l’eussiez, mon mal, pour voir si vous jaseriez tant. Ah ! voici monsieur Purgon.

MONSIEUR PURGON, ARGAN, BÉRALDE, TOINETTE.

monsieur purgon.

Je viens d’apprendre là-bas, à la porte, de jolies nouvelles ; qu’on se moque ici de mes ordonnances, et qu’on a fait refus de prendre le remède que j’avois prescrit.

Monsieur, ce n’est pas…

Voilà une hardiesse bien grande, une étrange rébellion d’un malade contre son médecin !

Cela est épouvantable.

Un clystère que j’avois pris plaisir à composer moi-même.

Ce n’est pas moi…

Inventé et formé dans toutes les règles de l’art.

Et qui devoit faire dans les entrailles un effet merveilleux.

Le renvoyer avec mépris !

argan ,  montrant Béralde.

C’est une action exorbitante.

Un attentat énorme contre la médecine.

Il est cause…

Un crime de lèse-Faculté, qui ne se peut assez punir.

Je vous déclare que je romps commerce avec vous.

C’est mon frère…

Que je ne veux plus d’alliance avec vous.

Vous ferez bien.

Et que, pour finir toute liaison avec vous, voilà la donation que je faisois à mon neveu, en faveur du mariage.

(Il déchire la donation, et en jette les morceaux avec fureur.)

C’est mon frère qui a fait tout le mal.

Mépriser mon clystère !

Faites-le venir ; je m’en vais le prendre.

Je vous aurois tiré d’affaire avant qu’il fût peu.

Il ne le mérite pas.

J’allois nettoyer votre corps, et en évacuer entièrement les mauvaises humeurs.

Ah ! mon frère !

Et je ne voulois plus qu’une douzaine de médecines pour vider le fond du sac.

Il est indigne de vos soins.

Mais, puisque vous n’avez pas voulu guérir par mes mains…

Ce n’est pas ma faute.

Puisque vous vous êtes soustrait de l’obéissance que l’on doit à son médecin…

Cela crie vengeance.

Puisque vous vous êtes déclaré rebelle aux remèdes que je vous ordonnois…

Hé ! point du tout.

J’ai à vous dire que je vous abandonne à votre mauvaise constitution, à l’intempérie de vos entrailles, à la corruption de votre sang, à l’âcreté de votre bile, et à la féculence de vos humeurs.

C’est fort bien fait.

Mon Dieu !

Et je veux qu’avant qu’il soit quatre jours vous deveniez dans un état incurable ;

Ah ! miséricorde !

Que vous tombiez dans la bradypepsie,

Monsieur Purgon !

De la bradypepsie dans la dyspepsie,

De la dyspepsie dans l’apepsie,

De l’apepsie dans la lienterie,

De la lienterie dans la dyssenterie,

De la dyssenterie dans l’hydropisie.

Et de l’hydropisie dans la privation de la vie, où vous aura conduit votre folie.

Ah, mon Dieu ! je suis mort. Mon frère, vous m’avez perdu.

Quoi ! qu’y a-t-il ?

Je n’en puis plus. Je sens déjà que la médecine se venge.

Ma foi, mon frère, vous êtes fou ; et je ne voudrois pas, pour beaucoup de choses, qu’on vous vît faire que ce vous faites. Tâtez-vous un peu, je vous prie ; revenez à vous-même, et ne donnez point tant à votre imagination.

Vous voyez, mon frère, les étranges maladies dont il m’a menacé.

Le simple homme que vous êtes !

Il dit que je deviendrai incurable avant qu’il soit quatre jours.

Et ce qu’il dit, que fait-il à la chose ? Est-ce un oracle qui a parlé ? Il semble, à vous entendre, que monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours, et que, d’autorité suprême, il vous l’allonge et vous le raccourcisse comme il lui plaît. Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir que ses remèdes de vous faire vivre. Voici une aventure, si vous voulez, à vous défaire des médecins ; ou, si vous êtes né à ne pouvoir vous en passer, il est aisé d’en avoir un autre, avec lequel, mon frère, vous puissiez courir un peu moins de risque.

Ah ! mon frère, il sait tout mon tempérament, et la manière dont il faut me gouverner.

Il faut vous avouer que vous êtes un homme d’une grande prévention, et que vous voyez les choses avec d’étranges yeux.

ARGAN, BÉRALDE, TOINETTE.

Monsieur, voilà un médecin qui demande à vous voir.

Et quel médecin ?

Un médecin de la médecine.

Je te demande qui il est.

Je ne le connois pas, mais il me ressemble comme deux gouttes d’eau ; et, si je n’étois sûre que ma mère étoit honnête femme, je dirois que ce seroit quelque petit frère qu’elle m’auroit donné depuis le trépas de mon père.

Fais-le venir.

Vous êtes servi à souhait. Un médecin vous quitte ; un autre se présente.

J’ai bien peur que vous ne soyez cause de quelque malheur.

Encore ! Vous en revenez toujours là.

Voyez-vous, j’ai sur le cœur toutes ces maladies-là que je ne connois point, ces…

ARGAN, BÉRALDE ; TOINETTE, en médecin.

Monsieur, agréez que je vienne vous rendre visite, et vous offrir mes petits services pour toutes les saignées et les purgations dont vous aurez besoin.

Monsieur, je vous suis fort obligé.  (À Béralde.)  Par ma foi, voilà Toinette elle-même.

Monsieur, je vous prie de m’excuser : j’ai oublié de donner une commission à mon valet ; je reviens tout à l’heure.

Hé ! ne diriez-vous pas que c’est effectivement Toinette ?

Il est vrai que la ressemblance est tout à fait grande ; mais ce n’est pas la première fois qu’on a vu de ces sortes de choses, et les histoires ne sont pleines que de ces jeux de la nature.

Pour moi j’en suis surpris ; et…

Que voulez-vous, monsieur ?

Ne m’avez-vous pas appelée ?

Moi ? non.

Il faut donc que les oreilles m’aient corné.

Demeure un peu ici pour voir comme ce médecin te ressemble.

Oui, vraiment ! J’ai affaire là-bas ; et je l’ai assez vu.

Scène XIII.

Si je ne les voyois tous deux, je croirois que ce n’est qu’un.

J’ai lu des choses surprenantes de ces sortes de ressemblances ; et nous en avons vu, de notre temps, où tout le monde s’est trompé.

Pour moi, j’aurois été trompé à celle-là ; et j’aurois juré que c’est la même personne.

Monsieur, je vous demande pardon de tout mon cœur.

Cela est admirable.

Vous ne trouverez pas mauvais, s’il vous plaît, la curiosité que j’ai eue de voir un illustre malade comme vous êtes ; et votre réputation, qui s’étend partout, peut excuser la liberté que j’ai prise.

Monsieur, je suis votre serviteur.

Je vois, monsieur, que vous me regardez fixement. Quel âge croyez-vous bien que j’aie ?

Je crois que tout au plus vous pouvez avoir vingt-six ou vingt-sept ans.

Ah, ah, ah, ah, ah ! j’en ai quatre-vingt-dix.

Quatre-vingt-dix !

Oui. Vous voyez en effet des secrets de mon art, de me conserver ainsi frais et vigoureux.

Par ma foi, voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans !

Je suis médecin passager, qui vais de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume, pour chercher d’illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de m’occuper, capables d’exercer les grands et beaux secrets que j’ai trouvés dans la médecine. Je dédaigne de m’amuser à ce menus fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de rhumatismes et de fluxions, à ces fiévrotes, à ces vapeurs, et à ces migraines. Je veux des maladies d’importance, de bonnes fièvres continues, avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies avec des inflammations de poitrine ; c’est là que je me plais, c’est là que je triomphe ; et je voudrois, monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes et l’envie que j’aurois de vous rendre service.

Je vous suis obligé, monsieur, des bontés que vous avez pour moi.

Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l’on batte comme il faut. Ah ! je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais ! ce pouls-là fait l’impertinent ; je vois bien que vous ne me connoissez pas encore. Qui est votre médecin ?

Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?

Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.

Ce sont tous des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade.

Du poumon ?

Oui. Que sentez-vous ?

Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

Justement, le poumon.

Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.

J’ai quelquefois des maux de cœur.

Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c’étoient des coliques.

Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?

Oui, monsieur.

Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?

Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir ?

Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ?

Il m’ordonne du potage,

Ignorant !

De la volaille,

Des bouillons,

Des œufs frais ;

Et le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre ;

Et surtout de boire mon vin fort trempé.

Ignorantus, ignoranta, Ignorantum.  Il faut boire votre vin pur ; et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande ; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main ; et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.

Vous m’obligerez beaucoup.

Que diantre faites-vous de ce bras-là ?

Voilà un bras que je me ferois couper tout à l’heure, si j’étois que de vous.

Et pourquoi ?

Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter ?

Oui ; mais j’ai besoin de mon bras.

Vous avez là aussi un œil droit que je me ferois crever, si j’étois en votre place.

Crever un œil ?

Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt : vous en verrez plus clair de l’œil gauche.

Cela n’est pas pressé.

Adieu. Je suis fâché de vous quitter sitôt ; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui doit se faire pour un homme qui mourut hier.

Pour un homme qui mourut hier ?

Oui : pour aviser et voir ce qu’il auroit fallu lui faire pour le guérir. Jusqu’au revoir.

Vous savez que les malades ne reconduisent point.

Voilà un médecin, vraiment, qui paroît fort habile !

Oui ; mais il va un peu bien vite.

Tous les grands médecins sont comme cela.

Me couper un bras et me crever un œil, afin que l’autre se porte mieux ! J’aime bien mieux qu’il ne se porte pas si bien. La belle opération, de me rendre borgne et manchot !

toinette ,  feignant de parler à quelqu’un.

Allons, allons, je suis votre servante. Je n’ai pas envie de rire.

Qu’est ce que c’est ?

Votre médecin, ma foi, qui me vouloit tâter le pouls.

Voyez un peu, à l’âge de quatre-vingt-dix ans !

Oh cà ! mon frère, puisque voilà votre monsieur Purgon brouillé avec vous, ne voulez-vous pas bien que je vous parle du parti qui s’offre pour ma nièce ?

Non, mon frère : je veux la mettre dans un couvent, puisqu’elle s’est opposée à mes volontés. Je vois bien qu’il y a quelque amourette là-dessous, et j’ai découvert certaine entrevue secrète qu’on ne sait pas que j’aie découverte.

Hé bien ! mon frère, quand il y auroit quelque petite inclination, cela seroit-il si criminel ? Et rien peut-il vous offenser, quand tout ne va qu’à des choses honnêtes, comme le mariage ?

Quoi qu’il en soit, mon frère, elle sera religieuse ; c’est une chose résolue.

Vous voulez faire plaisir à quelqu’un.

Je vous entends. Vous en revenez toujours là, et ma femme vous tient au cœur.

Hé bien ! oui, mon frère ; puisqu’il faut parler à cœur ouvert, c’est votre femme que je veux dire ; et, non plus que l’entêtement de la médecine, je ne puis vous souffrir l’entêtement où vous êtes pour elle, et voir que vous donniez, tête baissée, dans tous les pièges qu’elle vous tend.

Ah ! monsieur, ne parlez point de madame ; c’est une femme sur laquelle il n’y a rien à dire, une femme sans artifice, et qui aime monsieur, qui l’aime… On ne peut pas dire cela.

Demandez-lui un peu les caresses qu’elle me fait ;

L’inquiétude que lui donne ma maladie ;

Et les soins et les peines qu’elle prend autour de moi.

Il est certain.  (À Béralde.)  Voulez vous que je vous convainque, et vous fasse voir tout à l’heure comme madame aime monsieur ?  (À Argan.)  Monsieur, souffrez que je lui montre son bec jaune et le tire d’erreur.

Madame s’en va revenir. Mettez-vous tout étendu dans cette chaise, et contrefaites le mort. Vous verrez la douleur où elle sera quand je lui dirai la nouvelle.

Je le veux bien.

Oui ; mais ne la laissez pas longtemps dans le désespoir, car elle en pourroit bien mourir.

Laisse-moi faire.

toinette ,  à Béralde.

Cachez-vous, vous, dans ce coin-là.

Scène XVII.

N’y a-t-il point quelque danger à contrefaire le mort ?

Non, non. Quel danger y auroit-il ? Étendez-vous là seulement.  (Bas.)  Il y aura plaisir à confondre votre frère. Voici madame. Tenez-vous bien.

Scène XVIII.

BÉLINE ; ARGAN, étendu dans sa chaise ; TOINETTE.

toinette ,  feignant de ne pas voir Béline

Ah ! mon Dieu ! Ah ! malheur ! quel étrange accident !

Qu’est-ce, Toinette ?

Ah ! madame !

Qu’y a-t-il ?

Votre mari est mort.

Mon mari est mort ?

Hélas ! oui ! le pauvre défunt est trépassé.

Assurément ; personne ne sait encore cet accident-là ; et je me suis trouvée ici toute seule. Il vient de passer entre mes bras. Tenez, le voilà tout de son long dans cette chaise.

Le ciel en soit loué ! Me voilà délivrée d’un grand fardeau. Que tu es sotte, Toinette, de t’affliger de cette mort !

Je pensois, madame, qu’il fallût pleurer.

Va, va, cela n’en vaut pas la peine. Quelle perte est-ce que la sienne ? et de quoi servoit-il sur la terre ? Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un lavement ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours ; sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur, fatiguant sans cesse les gens, et grondant jour et nuit servantes et valets.

Voilà une belle oraison funèbre !

Il faut, Toinette, que tu m’aides à exécuter mon dessein ; et tu peux croire qu’en me servant, ta récompense est sûre. Puisque, par un bonheur, personne n’est encore averti de la chose, portons-le dans son lit, et tenons cette mort cachée, jusqu’à ce que j’aie fait mon affaire. Il y a des papiers, il y a de l’argent, dont je veux me saisir ; et il n’est pas juste que j’aie passé sans fruit auprès de lui mes plus belles années. Viens, Toinette ; prenons auparavant toutes ses clefs.

argan ,  se levant brusquement.

Oui, madame ma femme, c’est ainsi que vous m’aimez ?

Ah ! ah ! le défunt n’est pas mort.

argan ,  à Béline, qui sort.

Je suis bien aise de voir votre amitié, et d’avoir entendu le beau panégyrique que vous avez fait de moi. Voilà un avis au lecteur, qui me rendra sage à l’avenir, et qui m’empêchera de faire bien des choses.

BÉRALDE, sortant de l’endroit où il s’étoit caché ; ARGAN, TOINETTE.

Hé bien ! mon frère, vous le voyez.

Par ma foi, je n’aurois jamais cru cela. Mais j’entends votre fille. Remettez-vous comme vous étiez, et voyons de quelle manière elle recevra votre mort. C’est une chose qu’il n’est pas mauvais d’éprouver ; et, puisque vous êtes en train, vous connoîtrez par là les sentiments que votre famille a pour vous.

(Béralde va se cacher.)

toinette ,  feignant de ne pas voir Angélique.

Ô ciel ! ah ! fâcheuse aventure ! Malheureuse journée !

Qu’as-tu, Toinette ? et de quoi pleures-tu ?

Hélas ! j’ai de tristes nouvelles à vous donner.

Hé ! quoi ?

Votre père est mort.

Mon père est mort, Toinette ?

Oui. Vous le voyez là, il vient de mourir tout à l’heure d’une foiblesse qui lui a pris.

Ô ciel ! quelle infortune ! quelle atteinte cruelle ! Hélas ! faut-il que je perde mon père, la seule chose qui me restoit au monde ; et qu’encore, pour un surcroît de désespoir, je le perde dans un moment où il étoit irrité contre moi ! Que deviendrai-je, malheureuse ? et quelle consolation trouver après une si grande perte ?

Qu’avez-vous donc, belle Angélique ? et quel malheur pleurez-vous ?

Hélas ! je pleure tout ce que dans la vie je pouvois perdre de plus cher et de plus précieux ; je pleure la mort de mon père.

Ô ciel ! quel accident ! quel coup inopiné ! Hélas ! après la demande que j’avois conjuré votre oncle de lui faire pour moi, je venois me présenter à lui, et tâcher, par mes respects et par mes prières, de disposer son cœur à vous accorder à mes vœux.

Ah ! Cléante, ne parlons plus de rien. Laissons là toutes les pensées du mariage. Après la perte de mon père, je ne veux plus être du monde, et j’y renonce pour jamais. Oui, mon père, si j’ai résisté tantôt à vos volontés, je veux suivre du moins une de vos intentions, et réparer par là le chagrin que je m’accuse de vous avoir donné.  (Se jetant à ses genoux.)  Souffrez, mon père, que je vous en donne ici ma parole, et que je vous embrasse pour vous témoigner mon ressentiment.

argan ,  embrassant Angélique.

Ah ! ma fille !

Viens. N’aie point de peur, je ne suis pas mort. Va, tu es mon vrai sang, ma véritable fille ; et je suis ravi d’avoir vu ton bon naturel.

Scène XXII.

ARGAN, BÉRALDE, ANGÉLIQUE, CLÉANTE, TOINETTE.

Ah ! quelle surprise agréable ! Mon père, puisque, par un bonheur extrême, le ciel vous redonne à mes vœux, souffrez qu’ici je me jette à vos pieds, pour vous supplier d’une chose. Si vous n’êtes pas favorable au penchant de mon cœur, si vous me refusez Cléante pour époux, je vous conjure au moins de ne me point forcer d’en épouser un autre. C’est toute la grace que je vous demande.

cléante ,  se jetant aux genoux d’Argan.

Hé ! monsieur, laissez-vous toucher à ses prières et aux miennes ; et ne vous montrez point contraire aux mutuels empressements d’une si belle inclination.

Mon frère, pouvez-vous tenir là contre ?

Monsieur, serez-vous insensible à tant d’amour ?

Qu’il se fasse médecin, je consens au mariage.  (À Cléante.)  Oui, faites-vous médecin, je vous donne ma fille.

Très volontiers, monsieur. S’il ne tient qu’à cela pour être votre gendre, je me ferai médecin, apothicaire même, si vous voulez. Ce n’est pas une affaire que cela, et je ferois bien d’autres choses pour obtenir la belle Angélique.

Mais, mon frère, il me vient une pensée. Faites-vous médecin vous-même. La commodité sera encore plus grande, d’avoir en vous tout ce qu’il vous faut.

Cela est vrai. Voilà le vrai moyen de vous guérir bientôt ; et il n’y a point de maladie si osée que de se jouer à la personne d’un médecin.

Je pense, mon frère, que vous vous moquez de moi. Est-ce que je suis en âge d’étudier ?

Bon, étudier ! Vous êtes assez savant ; et il y en a beaucoup parmi eux qui ne sont pas plus habiles que vous.

Mais il faut savoir bien parler latin, connoître les maladies, et les remèdes qu’il y faut faire.

En recevant la robe et le bonnet de médecin, vous apprendrez tout cela ; et vous serez après plus habile que vous ne voudrez.

Quoi ! l’on sait discourir sur les maladies quand on a cet habit-là ?

Oui. L’on n’a qu’à parler avec une robe et un bonnet, tout galimatias devient savant, et toute sottise devient raison.

Tenez, monsieur, quand il n’y auroit que votre barbe, c’est déjà beaucoup ; et la barbe fait plus de la moitié d’un médecin.

En tout cas, je suis prêt à tout.

béralde ,  à Argan.

Voulez-vous que l’affaire se fasse tout à l’heure ?

Comment, tout à l’heure ?

Oui, et dans votre maison.

Dans ma maison ?

Oui. Je connois une Faculté de mes amies, qui viendra tout à l’heure en faire la cérémonie dans votre salle. Cela ne vous coûtera rien.

Mais moi, que dire ? que répondre ?

On vous instruira en deux mots, et l’on vous donnera par écrit ce que vous devez dire. Allez-vous-en vous mettre en habit décent. Je vais les envoyer querir.

Allons, voyons cela.

Scène XXIII.

BÉRALDE, ANGÉLIQUE, CLÉANTE, TOINETTE.

Que voulez-vous dire ? et qu’entendez-vous avec cette Faculté de vos amies ?

Quel est votre dessein ?

De vous divertir un peu ce soir. Les comédiens ont fait un petit intermède de la réception d’un médecin, avec des danses et de la musique ; je veux que nous en prenions ensemble le divertissement, et que mon frère y fasse le premier personnage.

Mais, mon oncle, il me semble que vous vous jouez un peu beaucoup de mon père.

Mais, ma nièce, ce n’est pas tant le jouer, que s’accommoder à ses fantaisies. Tout ceci n’est qu’entre nous. Nous y pouvons aussi prendre chacun un personnage, et nous donner ainsi la comédie les uns aux autres. Le carnaval autorise cela. Allons vite préparer toutes choses.

cléante ,  à Angélique.

Y consentez-vous ?

Oui, puisque mon oncle nous conduit.

TROISIÈME INTERMÈDE .

C’est une cérémonie burlesque d’un homme qu’on fait médecin, en récit, chant, et danse. Plusieurs tapissiers viennent préparer la salle, et placer les bancs en cadence. En suite de quoi, toute l’assemblée, composée de huit porte-seringues, six apothicaires, vingt-deux docteurs, et celui qui se fait recevoir médecin, huit chirurgiens dansants, et deux chantants, entrent, et prennent place, chacun selon son rang .

          Savantissimi doctores,           Medicinæ professores,           Qui hic assemblati estis ;           Et vos, altri messiores,           Sententiarum Facultatis           Fideles executores,         Chirurgiani et apothicari,

        Atque tota compania aussi,           Salus, honor et argentum,           Atque bonum appetitum.

          Non possum, docti confreri,           En moi satis admirari            Qualis bona inventio           Est medici professio;        Quam bella chosa est et bene trovata,         Medicina illa benedicta,           Quæ, suo nomine solo,           Surprenanti miraculo,           Depuis si longo tempore,           Facit à gogo vivere           Tant de gens omni genere.

          Per totam terram videmus,           Grandam vogam ubi sumus ;           Et quod grandes et petiti           Sunt de nobis infatuti.        Totus mundus, currens ad nostros remedios           Nos regardat sicut deos;           Et nostris ordonnanciis        Principes et reges soumissos videtis.

       Doncque il est nostræ sapientiæ,        Boni sensus atque prudentiæ,           De fortement travaillare           A nos bene conservare       In tali credito, voga, et honore;       Et prendere gardam a non recevere           In nostro docto corpore,           Quam personas capabiles,           Et totas dignas remplire           Has plaças honorabiles.

     C’est pour cela que nunc convocati estis ;           Et credo quod trovabitis           Dignam matieram medici        In savanti homine que voici ;           Lequel, in chosis omnibus,           Dono ad interrogandum,           Et à fond examinandum           Vostris capacitatibus.

primus doctor.

    Si mihi licentiam dat dominus præses,           Et tanti docti doctores,           Et assistantes illustres,           Très savanti bacheliero,           Quem estimo et honoro,     Domandabo causam et rationem quare           Opium facit dormire.

bachelierus.

          Mihi a docto doctore     Domandatur causam et rationem quare

          Opium facit dormire.             A quoi respondeo,             Quia est in eo             Vertus dormitiva,             Cujus est natura             Sensus assoupire.

   Bene, bene, bene, bene respondere.       Dignus, dignus est intrare       In nostro docto corpore.       Bene, bene respondere.

secundus doctor.

      [Proviso quod non displiceat,    Domino præsidi, lequel n’est pas fat,         Me benigne annuat,       Cum totis doctoribus savantibus,       Et assistantibus bienveillantibus,    Dicat mihi un peu dominus prætendens,       Raison a priori et evidens         Cur rhubarba et le séne         Per nos semper est ordonne         Ad purgandum l’utramque bile.         Si dicit hoc, erit valde habile.

   A docto doctore mihi, qui sum prætendens,    Domandatur raison a priori et evidens         Cur rhubarba et le séne         Per nos semper est ordonne         Ad purgandum l’utramque bile.          Respondeo vobis,          Quia est in illis          Vertus purgativa,          Cujus est natura         Istas duas biles evacuare.

   Bene, bene, bene, bene respondere.       Dignus, dignus est intrare       In nostro docto corpore.

tertius doctor.

   Ex responsis, il paraît jam sole clarius    Quod lepidum iste caput bachelierus  Non passavit suam vitam ludendo au trictrac,        Nec in prenando du tabac ;  Sed explicit pourquoi furfur macrum et parvum lac,  Cum phlebotomia et purgatione humorum,  Appelantur a medisantibus idolæ medicorum,        Nec non pontus asinorum ?  Si premièrement grata sit domino præsidi       Nostra libertas quæstionandi,       Pariter dominis doctoribus  Atque de tous ordres benignis auditoribus.

      Quærit a me dominus doctor

         Chrysologos, id est, qui dit d’or,      Quare parvum lac et furfur macrum,      Phlebotomia et purgatio humorum    Appelantur a medisantibus idolæ medicorum,          Atque pontus asinorum.            Respondeo quia : Ista ordonnando non requiritur magna scientia,          Et ex illis quatuor rebus Medici faciunt ludovicos, pistolas, et des quarts d’écus.

quartus doctor.

   Cum permissione domini præsidis,       Doctissimæ Facultatis,       Et totius his nostris actis       Companiæ assistantis,    Domandabo tibi, docte bacheliere,         Quæ sunt remedia   [Tam in homine quam in muliere]         Quæ, in maladia         Ditta hydropisia, [In malo caduco, apoplexia, convulsione et paralysia,]         Convenit facere.

        Clysterium donare,         Postea seignare,         Ensuita purgare.

quintus doctor.

   Si bonum semblatur domino præsidi,       Doctissimæ Facultati,       Et companiæ ecoutanti,    Domandabo tibi, erudite bacheliere,    [Ut revenir un jour à la maison gravis ægre,    Quæ remedia colicosis, fievrosis,    Maniacis, nefreticis, freneticis,      Melancolicis, demoniacis,      Asthmaticis atque pulmonicis,      Catharrosis, tussicolisis,      Guttosis, ladris atque gallosis,      In apostemasis plagis et ulcéré,    In omni membro demis aut fracturé         Covenit facere.]

   Bene, bene, bene, bene respondere.

      Dignus, dignus est intrare       In nostro docto corpore.

sextus doctor.

    [Cum bona venia reverendi præsidis,        Filiorum Hippocratis,     Et totius coronæ nos admirantis,     Petam tibi, resolute bacheliere,     Non indignus alumnus di Monspeliere,       Quæ remedia cæcis, surdis, mutis,   Manchotis, claudis, atque omnibus estropiatis, Pro coris pedum, malum de dentibus, pesta, rabie Et nimis magna commotione in omni novo marie.          Convenit facere.

         Clysterium donare,          Postea seignare,          Ensuita purgare.

  Bene, bene, bene, bene respondere.       Dignus, dignus est intrare       In nostro docto corpore.

septimus doctor.

        Super illas maladias,      Dominus bachelierus dixit maravillas ;   Mais, si non ennuyo doctissimam facultatem      Et totam honorabilem companiam Tam corporaliter quam mentaliter hic præsentem,        Faciam illi unam quaestionem ;         De hiero maladus unus         Tombavit in meas manus,   Homo qualitatis et dives comme un Crésus.   Habet grandam fievram cum redoublamentis,         Grandam dolorem capitis,   Cum troublatione spiriti et laxamento ventris ;      Grandum insuper malum au côté,]         Cum granda difficultate         Et pena a respirare.           Veuillas mihi dire,           Docte bacheliere,           Quid illi facere.

idem doctor.

         Mais, si maladia          Opiniatria        [Ponendo medicum a quia]          Non vult se guarire,          Quid illi facere ?

         Clysterium donare,          Postea seignare,          Ensuita purgare.    Reseignare, repurgare, et reclysterizare.

octavus doctor.

     [Impetro favorabile congé        A domino præside,      Ab electa trouppa doctorum,   Tam practicantium quam practica avidorum,      Et a curiosa turba badodorum.         Ingeniose bacheliere     Qui non potuit esse jusqu’ici déferré,  Faciam tibi unam questionem de importantia.    Messiores, detur nobis audiencia.      Isto die bene mane,     Paulo ante mon déjeuné,    Venit ad me una domicella       Italiana jadis bella,    Et ut penso encore un peu pucella,      Quæ habebat pallidos colores,  Fievram blancam dicunt magis fini doctores,      Quia plaigniebat se de migraina,          De curta halena,       De granda oppressione,  Jambarum enflatura, et effroyabili lassitudine ;          De batimento cordis,       De strangulamento matris,     Alio nomine vapor bystérique,  Quæ, sicut omnes maladiæ terminatæ en ique,       Facit a Galien la nique.  Visagium apparebat bouffietum, et coloris    Tantum vertæ quantum merda anseris,  Ex pulsu petito valde frequens, et urina mala      Quam apportaverat in fiola  Non videbatur exempta de febricules ;

    Au reste, tam debilis quod venerat             De son grabat        In cavallo sur une mule,        Non habuerat menses suos     Ab illa die qui dicitur des grosses eaux ;        Sed contabat mihi à l’oreille     Che si non era morta, c’était grand merveille        Perché in suo negotio     Era un poco d’amore, et troppo di cordoglio,     Che suo galanto sen era andato in Allemagna     Servire al signor Brandeburg una campagna.     Usque ad maintenant multi charlatani,     Medici, apothicari, et chirurgiani     Pro sua maladia in vano travaillaverunt, Juxta même las novas gripas istius bouru Van Helmont     Amploiantes ab oculis cancri, ad Alcahest ;        Veuillas mihi dire quid superest,        Juxta orthodoxos, illi facere.

     Mais si tam grandum bouchamentum          Partium naturalium,          Mortaliter obstinatum,          Per clysterium donare,              Seignare        Et reiterando cent fois purgare,        Non potest se guarire,   Finaliter quid trovaris à propos illi facere ?

In nomine Hippocratis benedictam cum bono      Garçone conjunctionem imperare.]

       Juras gardare statuta        Per Facultatem præscripta,        Cum sensu et jugeamento ?

               Juro  [41] .

       Essere in omnibus        Consultationibus         Ancieni aviso,          Aut bono,         Aut mauvaiso !

               Juro.

     De non jamais te servire

     De remediis aucunis,   Quam de ceux seulement almæ Facultatis,      Maladus dût-il crevare,      Et mori de suo malo ?

     Ego, cum isto boneto      Venerabili et docto,      Dono tibi et concedo  [Puissanciam, vertutem atque licentiam  Medicinam cum methodo faciendi :                Id est,            Clysterizandi,              Seignandi,              Purgandi,             Sangsuandi,             Ventousandi,            Scarificandi,              Perçandi,              Taillandi,               Coupandi,              Trepanandi,               Brulandi, Uno verbo, selon les formes, atque impune occidendi    Parisiis et per totam terram ; Rendes, Domine, his messioribus gratiam.

Tous les chirurgiens et apothicaires viennent lui faire la révérence en cadence.

       Grandes doctores doctrinæ        De la rhubarbe et du séne,   Ce seroit sans douta à moi chosa folla,        Inepta et ridicula,        Si j’alloibam m’engageare        Vobis louangeas donare,      Et entreprenoibam ajoutare        Des lumieras au soleillo,        Des etoilas au cielo,        Des flammas à l’inferno

       Des ondas à l’oceano,        Et des rosas au printano,      Agreate qu’avec uno moto,        Pro toto remercimento,      Rendam gratias corpori tam docto.          Vobis, vobis debeo    Bien plus qu’à nature et qu’à patri meo :        Natura et pater meus        Hominem me habent factum ;        Mais vos me (ce qui est bien plus)        Avetis factum medicum :        Honor, favor et gratia,        Qui, in hoc corde que voilà,        Imprimant ressentimenta        Qui dureront in secula.

   Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat,      Novus doctor, qui tam bene parlat !    Mille, mille annis, et manget et bibat,           Et seignet et tuat !

Tous les chirurgiens et les apothicaires dansent au son des instruments et des voix, et des battements de mains, et des mortiers d’apothicaires.

       Puisse-t-il voir doctas        Suas ordonnancias,        Omnium chirurgorum        Et apothicarum        Remplire boutiquas !

   Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat,      Novus doctor, qui tam bene parlat !    Mille, mille annis, et manget et bibat,           Et seignet et tuat !

apothicarius.

        [Puissent toti anni         Lui essere boni         Et favorabiles         Et n’habere jamais      Entre ses mains, pestas, epidemias         Quæ sunt malas bestias ;        Mais semper pluresias, pulmonias       In renibus et vessia pierras, Rhumatismos d’un anno, et omnis generis fievras,  Fluxus de sanguine, gouttas diabolicas. Mala de sancto Joanne, Poitevinorum colicas

Scorbutum de Hollandia, verolas parvas et grossas     Bonos chancros atque longas callidopissas.

             Amen.]

Les médecins, les chirurgiens et les apothicaires sortent tous, selon leur rang, en cérémonie, comme ils sont entrés.

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Molière, Le Malade imaginaire

Comédie et satire

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Sujet d'écrit • Commentaire

Molière, Le Malade imaginaire , acte II, scène 5

Intérêt du sujet • Quel moyen plus efficace pour discréditer ses cibles que de faire rire le spectateur en les ridiculisant ? Molière, dans cette scène de comédie, règle ses comptes aux médecins et à certaines traditions bourgeoises.

► Commentez ce texte de Molière, extrait du Malade imaginaire , en vous aidant du parcours de lecture ci-dessous.

Montrez que Molière a composé une scène de déclaration d'amour comique très efficace.

Étudiez notamment la tonalité parodique de cette scène.

Analysez quelles sont les cibles ici visées par la satire.

Argan, homme bien portant, est persuadé qu'il est très malade et consulte sans cesse des médecins. Par intérêt personnel, il veut marier sa fille Angélique à Thomas Diafoirus, le fils de l'un de ses médecins, qui est aussi prétentieux que son père. Monsieur Diafoirus vient avec son fils pour le présenter à Angélique et à Argan. Toinette, servante impertinente et alliée d'Angélique, est également présente.

M onsieur D iafoirus. – […] Il se tourne vers son fils, et lui dit : Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments.

T homas D iafoirus . C'est un grand benêt nouvellement sorti des écoles, qui fait toutes choses de mauvaise grâce et à contretemps . – N'est-ce pas par le père qu'il convient commencer ?

Monsieur Diafoirus . – Oui.

T homas D iafoirus . – Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer en vous un second Père ; mais un second Père auquel j'ose dire que je me trouve plus redevable qu'au premier. Le premier m'a engendré 1  ; mais vous m'avez choisi. Il m'a reçu par nécessité ; mais vous m'avez accepté par grâce. Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps, mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et d'autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles, d'autant plus je vous dois, et d'autant plus je tiens précieuse cette future Filiation 2 , dont je viens aujourd'hui vous rendre par avance les très humbles, et très respectueux hommages.

T oinette . – Vivent les Collèges, d'où l'on sort si habile homme.

T homas D iafoirus . – Cela a-t-il bien été, mon père ?

M onsieur D iafoirus . – Optime 3 .

A rgan , à Angélique . – Allons, saluez Monsieur.

T homas D iafoirus . – Baiserai-je 4  ?

M onsieur D iafoirus . – Oui, oui.

T homas D iafoirus , à Angélique . – Madame, c'est avec justice que le Ciel vous a concédé le nom de belle-Mère, puisque l'on…

A rgan . – Ce n'est pas ma Femme, c'est ma Fille à qui vous parlez.

T homas D iafoirus . – Où donc est-elle ?

A rgan . – Elle va venir.

T homas D iafoirus . – Attendrai-je, mon Père, qu'elle soit venue ?

M onsieu r D iafoirus . – Faites toujours le compliment de Mademoiselle.

T homas D iafoirus . – Mademoiselle, ni plus ni moins que la Statue de Memnon 5 rendait un son harmonieux, lorsqu'elle venait à être éclairée des rayons du Soleil : tout de même me sens-je animé d'un doux transport à l'apparition du Soleil de vos beautés. Et, comme les Naturalistes remarquent que la Fleur nommée Héliotrope tourne sans cesse vers cet Astre du jour, aussi mon cœur dores en avant 6 tournera-t-il toujours vers les Astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j'appende 7 aujourd'hui à l'Autel de vos charmes l'offrande de ce cœur, qui ne respire et n'ambitionne autre gloire que d'être toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur, et mari.

T oinette , en le raillant . – Voilà ce que c'est que d'étudier, on apprend à dire de belles choses. […]

T homas D iafoirus , il tire une Thèse roulée de sa poche, qu'il présente à Angélique . – J'ai contre les Circulateurs 8 soutenu une thèse, qu'avec la permission de Monsieur, j'ose présenter à Mademoiselle, comme un hommage que je lui dois des prémices de mon esprit 9 .

A ngélique . – Monsieur, c'est pour moi un meuble 10 inutile, et je ne me connais pas à ces choses-là.

T oinette . – Donnez, donnez. Elle est toujours bonne à prendre pour l'Image, cela servira à parer notre chambre.

T homas D iafoirus . – Avec la permission aussi de Monsieur, je vous invite à venir voir l'un de ces jours, pour vous divertir, la Dissection d'une femme sur quoi je dois raisonner.

T oinette. – Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la Comédie à leurs Maîtresses ; mais donner une Dissection est quelque chose de plus galant.

Molière, Le Malade imaginaire , acte II, scène 5, 1673.

1. Engendré : donné la vie.

2. Filiation : lien de parenté unissant le gendre et le beau-père.

3. Optime  : « très bien » en latin.

4. Baiserai-je ? : Ferai-je un baisemain ?

5. La Statue de Memnon : statue antique qui produisait un bruit sous l'effet de la chaleur et du soleil.

6. Dores en avant : dorénavant ; orthographe déjà vieillie à l'époque de Molière.

7. Que j'appende : que je suspende, que je présente.

8. Les Circulateurs : médecins qui défendaient la théorie selon laquelle le sang circule dans l'organisme.

9. Prémices de mon esprit : les débuts de mon intelligence.

10. Un meuble : un objet.

Les clés du sujet

Définir le texte

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Construire le plan

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Corrigé Guidé

Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.

Introduction

[Présentation du contexte] Pour les classiques, la comédie avait pour but de faire rire le public (« plaire »), mais aussi de le faire réfléchir (« instruire »). En 1673, dans Le Malade imaginaire , Molière met en scène Argan qui fait vivre son entourage au rythme de ses maladies imaginaires et qui, par intérêt personnel, veut marier sa fille Angélique à un étudiant en médecine.

[Présentation du texte] Dans la scène 5 de l'acte II, il reçoit M. Diafoirus, médecin célèbre, et son fils Thomas pour les présentations et la demande en mariage.

[Annonce du plan] La scène, très efficace quand elle est jouée au théâtre [I] , mêle le comique de situation, de caractère et de parodie [II] . Mais elle est plus sérieuse qu'il n'y paraît : Molière y fait la satire des mœurs de son temps [III] .

I. Théâtralité d'une rencontre « amoureuse »

► Le secret de fabrication

Pour bien mesurer le comique de cet extrait, il faut d'abord l'imaginer mis en scène et étudier sa théâtralité puis, en relevant les procédés comiques, analyser le personnage de Thomas pour en dégager les traits ridicules.

1. Une scène animée et pittoresque

Le plateau est bien rempli . Deux « camps » sont en présence avec des personnages variés, vieux et jeunes, maîtres et serviteurs : d'un côté, les deux pères et le jeune prétendant ; de l'autre, la fille d'Argan, et la servante.

Décor, costumes et accessoires composent un spectacle pittoresque  : la déclaration se déroule dans un intérieur bourgeois ; le père et le fils Diafoirus sont en habit de médecin (longue robe et haut chapeau noirs) pour impressionner Argan et sa famille.

Les didascalies internes sont les ­informations sur la mise en scène données dans les répliques mêmes des personnages (« Vous toussez fort, Madame »).

Le comique repose aussi sur les gestes : les didascalies externes et internes indiquent les gestes autoritaires de M. Diafoirus (« Allons, avancez ») et d'Argan (« Allons, saluez ») mais aussi les hésitations de ce «  grand benêt  » de Thomas (« Où donc est-elle ? »). Il faut imaginer courbettes et saluts, ridicules de la part de Thomas, contraints de la part d'Angélique. La scène laisse une large liberté aux acteurs pour exagérer gestes et mimiques.

[Transition] Mais c'est surtout Thomas qui est source de comique.

2. Une présence grotesque

Dès l'abord, le nom Diafoirus , qui combine des éléments savants (le préfixe grec dia et le suffixe latin - us ) et le mot français très réaliste foire (« diarrhée »), sonne bizarrement, ce qui souligne le ridicule du personnage.

Thomas a un comportement infantile et imbécile  : il demande l'approbation de son père par des questions à chaque geste (« Baiserai-je ? », « Cela a-t-il bien été, mon père ? ») Et lorsqu'il agit par lui-même, il multiplie les bévues  : un quiproquo lui fait confondre sa promise et sa future belle-mère – absente – ; ses propositions (la «  Thèse roulée  » et le spectacle d'une « Dissection ») pour séduire Angélique sont inattendues et cocasses.

Il est ridiculisé par le regard des autres. Ainsi Toinette commente ses faits et gestes par des antiphrases ironiques (« habile homme », « belles choses »), qui soulignent le décalage entre ses prétentions et son compor­te­ment.

II. Une déclaration parodique

Cette partie repose sur la comparaison entre une déclaration amoureuse précieuse à la mode au xvii e  siècle et celle que formule ici Thomas qui « imite » le langage précieux de façon caricaturale.

1. Pédantisme et préciosité

Les « compliments » de Thomas, l'un à Argan, l'autre à Angélique, rigoureusement structurés, reposent sur la syntaxe oratoire des envolées lyriques aux longues phrases. Ils fourmillent de parallélismes aux antithèses à répétition lorsqu'il oppose son père à son beau-père pour montrer la supériorité du second sur le premier : « par nécessité/par grâce », « ouvrage de son corps/ ouvrage de votre volonté », « spirituelles/corporelles ». Ailleurs, ce sont des groupes ternaires (« très humble, très obéissant et très fidèle ») ou des accumulations en gradation ascendante (« saluer, reconnaître, chérir et révérer »).

Thomas accumule les figures de style   : périphrases (« second Père » pour « beau-père », « Astre du jour » pour « Soleil ») et métaphores clichés qui assimilent la femme à un « Soleil » et ses « yeux » à des « Astres » ou en font une déesse (« Autels de vos charmes » et « offrande »). Il recourt à la métonymie   : « vos beautés » désigne Angélique, « mon cœur » Thomas lui-même.

Son discours est rempli d' hyperboles , de superlatifs (« très ») ou d'adjectifs emphatiques (« resplendissants », « adorables ») et par du vocabulaire précieux : il parle d'un « doux transport », utilise « souffrez » pour « acceptez ».

2. Parodie et caricature

En fait, les deux compliments se ressemblent fort alors qu'ils s'adressent à deux personnes différentes : cela tourne au procédé . Ils suivent la même structure et se terminent d'une manière identique : à « très humbles et très respectueux hommages » répond « votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur ».

Thomas fait des références incongrues à l'Antiquité (« la statue de Memnon ») ou à la science (« les Naturalistes », « l'Héliotrope ») que ses interlocuteurs ne peuvent comprendre et en décalage total avec la situation. Il commet des maladresses de style (il répète « Mademoiselle » dans la même phrase) ou, dans ses comparaisons, tombe dans le grotesque  : comble du ridicule, le voilà lui-même se transformant en « Héliotrope » !

À la représentation, pour renforcer le comique, on peut imaginer qu'il débite ses compliments sur le ton monocorde du par cœur, bute ou se trompe, bégaie. Rien de sincère dans ces discours plaqués… Il s'agit bien d'un pédant précieux, mais d'un précieux ridicule .

Vous n'êtes pas tenu de lier les axes par une transition, mais il est préférable de donner de la cohérence à votre commentaire par des transitions entre ses parties.

[Transition] Dans cette mascarade, Toinette, bien qu'elle parle peu, joue un rôle important : ses remarques ironiques font d'elle le porte-parole discret de l'auteur et indiquent que cette scène est plus sérieuse qu'il n'y paraît.

III. Le mordant de la satire

Toute satire comporte une critique implicite. Il s'agit, en analysant ses procédés, d'identifier les cibles (personnes, mœurs…) de Molière et de préciser les reproches qu'il leur adresse.

Ne pas confondre la satire (du latin satira , qui signifiait « mélange ») et un sat y re (du grec Satyros), demi-dieu rustique, à corps d'homme, à cornes et à pieds de bouc, puis homme obsédé sexuel !

La scène est plus sérieuse qu'il n'y paraît. Derrière son comique, se profile une satire mordante.

1. La satire sociale

La principale cible de la scène est la pratique du mariage arrangé . Les deux pères ont mené « l'affaire­ », sans consulter les futurs mariés, traités comme des enfants qui doivent obéir (en témoignent les impératifs). Une didascalie précise que Thomas « fait toutes choses de mauvaise grâce » (y compris sa déclaration d'amour) ; le silence d'Angélique exprime son dégoût face à celui qu'on lui destine.

Derrière cet arrangement apparaît l' égoïsme des bourgeois qui assurent leur bonheur avant celui de leur enfant : Argan ne choisit Thomas que pour avoir un médecin dans la famille et éviter des frais. Molière montre là comment la manie d'un père peut menacer toute une famille.

Pour les Diafoirus, ce mariage est une bonne affaire car, Argan étant très riche, la « dot sera importante » : Molière s'en prend à l' appât du gain de M. Diafoirus qui a soigneusement conditionné son fils pour séduire toute la famille, d'abord ses beaux-parents et, éventuellement, sa fiancée.

Enfin, comme le montre le registre parodique des « compliments » de Thomas, Molière ne peut s'empêcher de s'en prendre une fois encore, après ses Précieuses ridicules , au maniérisme du discours amoureux précieux .

2. Une cible privilégiée : les médecins et la médecine

Le premier reproche que Molière adresse aux médecins semble anodin : les Diafoirus font preuve d'une grande prétention destinée à impressionner leurs interlocuteurs. Le père s'adresse à son fils en latin («  Optime  »), le fils recourt à des références ou à des mots savants (« Memnon », l'« Héliotrope », les « Naturalistes »).

Mais la rhétorique à laquelle recourt Thomas va au-delà : elle révèle que le savoir de ces prétendus savants ne recouvre aucune science réelle. Constitué de clichés , d' idées toutes faites , de formalisme vide , ce savoir n'a rien à voir avec une vraie science médicale.

La suite de la scène aggrave le trait : Thomas, lorsqu'il mentionne avec orgueil sa « Thèse […] contre les Circulateurs », montre l'immobilisme des médecins, leur attitude rétrograde , leur refus des découvertes modernes, donc leur dangereuse incompétence.

L'admiration d'Argan pour Thomas et le fait qu'il lui « sacrifie » sa fille dénoncent l' ascendant de ces charlatans sur des esprits crédules . Seuls les gens raisonnables, même issus du peuple comme Toinette, perçoivent leur manège.

[Synthèse] Cette scène de déclaration ridicule ne donne toute la mesure de son efficacité qu'à la représentation, qui peut en accentuer à loisir le grotesque. Mais, fidèle à ses principes, Molière incite le public, au sortir du spectacle, à tirer les leçons de cette mascarade.

[Ouverture] Le rire n'est donc pas seulement une source de divertissement ; il a aussi un rôle social et moral et peut devenir une arme de contestation très efficace contre tout type de pouvoir.

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Le Malade Imaginaire Molière 5 sujets de dissertation possibles au bac de français

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Molière : Le Malade imaginaire (1673)

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Le Malade imaginaire (1673)

– Molière –

Présentation

Personnages, stratagèmes et stratégies, l’illusion du mal, le jeu de la vérité, le malade imaginaire : une farce , l’amour excessif de la vie et de la santé, 📽 20 citations choisies de molière.

Portrait de Molière

→ À lire aussi : Le Médecin malgré lui (1666) . – Les Précieuses ridicules (1659) . – La comédie . – La comédie classique en France . – Le Classicisme (XVIIe siècle) . – Les personnages littéraires  dans la langue française .

L e Malade imaginaire est une comédie en trois actes et en prose de Molière , présentée par l’auteur lui-même et la Troupe du roi au Palais-Royal, le 10 février 1673. C’est le dernier ouvrage du dramaturge. Quand l’auteur joue le rôle d’Argan, le malade imaginaire, il était déjà très malade. Depuis un an, il s’est réconcilié avec sa femme. La réconciliation d’un mari amoureux et jaloux avec une femme vive et coquette s’accorde mal. Molière oublie qu’il a une poitrine, pour se souvenir qu’il a un cœur ; mais il éprouve que le plaisir n’est pas si sain que le bonheur . Pour maintenir la bonne intelligence avec une femme très difficile à vivre, il fait des sacrifices qui augmentent considérablement sa toux. La mort semble vouloir venger ses fidèles médecins, plus vivement attaqués dans Le Malade imaginaire , que dans aucune autre comédie .

Conçue comme un divertissement royal, Le Malade imaginaire , fidèle aux conceptions artistiques de l’auteur qui considère avant tout le théâtre comme « une réalité vivante faite pour être jouée », combine habilement la farce et le ballet (l’opéra aussi), animant ainsi la raideur conventionnelle d’une intrigue centrée sur l’aveuglement égoïste du droit paternel aux dispositions de l’amour.

Enfin, Le Malade imaginaire a été réalisée avec une musique de scène composée par Marc-Antoine Charpentier et des ballets réglés par Pierre Beauchamp. La comédie de Molière était donnée initialement avec des intermèdes musicaux à la fin de chaque acte, y compris l’intronisation finale d’Argan à la médecine. Cléante et Angélique chantent une courte pièce au début du deuxième acte.

  • Argan, le malade imaginaire (hypocondriaque)
  • Toinette, servante de Monsieur Argan
  • Béline, seconde femme d’Argan
  • Béralde, frère d’Argan
  • Angélique, fille aînée d’Argan et amante de Cléante
  • Louison, fille cadette d’Argan et sœur d’Angélique
  • Cléante, amant d’Angélique
  • Monsieur Purgon, médecin d’Argan
  • Monsieur Diafoirus, médecin
  • Thomas Diafoirus, fils de Monsieur Diafoirus et choisi par Argan pour se marier avec Angélique
  • Monsieur Bonnefoy, notaire
  • Monsieur Fleurant, apothicaire

L e schéma du Malade imaginaire , qui intègre comme des prolongements thématiques chacun des intermèdes dansés et chantés, est simple : Angélique aime Cléandre d’un amour partagé. Mais Argan son père, monomaniaque obsédé par la maladie et la médecine, la destine par intérêt personnel, à un benêt ridicule et pédant, fils de l’un de ses médecins : Thomas Diafoirus.

Mais les interventions de son frère Beralde, qui tente d’appuyer les intérêts d’Angélique en suggérant à Argan d’étudier la médecine, et sur les manigances de sa servante Toinette qui propose à son maître d’éprouver l’affection des siens en simulant la mort, viennent troubler les desseins du vieil homme. Angélique verra finalement, bien sûr, ses vœux comblés.

L a pièce est toute entière centrée sur le spectacle de la maladie et des maux du corps. Autour d’Argan, recroquevillé dans ses atours de souffreteux, se presse tout un cortège de prescriptions, de traitements et de remèdes de charlatans. Mais le titre a prévenu le spectateur et l’a déjà convié à regarder la pièce et les obsessions de son héros d’un œil distancié, si ce n’est critique.

Molière joue à la perfection des effets comiques du pédantisme médical, dont il brocarde le jargon et fustige les méthodes au point de les réduire aux boniments du sectarisme. Mais c’est surtout de la peur infantile d’Argan, obnubilé par l’ombre de la mort, que naît véritablement le rire. Car Argan est aussi buté et archaïque que la médecine qui lui sert de rempart personnel, d’alibi aussi, face à cette mort qu’il craint au point de pactiser avec elle, temporairement et sur le mode mineur, par l’hypocondrie  ℹ .

ℹ L’hypocondrie, c’est quoi ? L’hypochondrie (n.f) est un état pathologique caractérisé par une préoccupation excessive et anxieuse de l’état de santé. Les hypocondriaques sont persuadés d’être atteints de maladies graves et ils souffrent réellement, pas seulement des symptômes de leur maladie présumée mais aussi d’angoisse et de mélancolie. C’est pourquoi la psychologie moderne parle aujourd’hui plus volontiers de syndrome hypocondriaque dont la définition est plus précise. Il s’agit de la préoccupation chronique d’une maladie ou d’un symptôme dont l’origine physique ne peut être déterminée. Les psychiatres s’accordent à dire qu’il y a des prédispositions héréditaires à l’hypocondrie.

L e Malade imaginaire , malgré la légèreté de ses épisodes de divertissement et l’omniprésence des thèmes et des sujets triviaux, propres à la farce , est ainsi plus une œuvre sardonique qu’une œuvre bouffonne. Molière , en digne « peintre des défauts de la vie civile », entend, parce que là est pour lui la vocation du théâtre, rappeler les principes de la vie morale en tendant à l’homme le miroir de son délire (phobique, panique ou maniaque, bref, « imaginaire »), sa face « monstrueuse ». Le comique frôle ici le tragique et se réclame, tout en les dramatisant, des contradictions de la vie. Le dénouement du Malade imaginaire , où Argan fait volte-face, rappelle à l’homme sa vérité d’homme et le danger du jeu des masques qui, s’il protège et replie l’être sur ses humeurs intimes, livre cependant celui qui s’y complaît à l’isolement et l’inscrit ainsi fatalement dans la négation de la vie.

Par une curieuse ironie du sort, c’est lors d’une des représentations de cette pièce que Molière , qui incarne Argan le malade imaginaire, est pris d’une convulsion bien réelle. Il parvient à la dissimuler sur scène mais meurt peu de temps après dans les bras d’Armande Béjart.

L’ écrivain et le philosophe Voltaire a dit du Malade imaginaire  : C’est une de ces farces de Molière , dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie . Il faut retourner ce jugement qui est à l’envers : Le Malade imaginaire n’est point une farce , mais une excellente comédie de caractère , où l’on trouve à la vérité quelques scènes qui se rapprochent de la farce . Et même, si la pièce était jouée décemment et sans charges, comme elle doit l’être, il n’y aurait qu’une scène de farce, celle du déguisement de Toinette en médecin. De même, Voltaire prononce que la naïveté, peut-être poussée trop loin, fait le principal mérite du Malade imaginaire. Ce second jugement n’est pas plus sûr que le premier . Il n’y a guère que la scène de la petite Louison, où la naïveté soit peut-être poussée trop loin. Dans tout le reste, on trouve plus de profondeur et de force comique que de naïveté.

Molière  a corrigé le pédantisme  et le costume ridicule  des médecins. Il n’a point corrigé la faiblesse des malades et la folie des hypocondriaques. Les médecins, malgré les comédies de Molière , n’ont pas cessé d’être en vogue. Seulement, ils sont devenus plus aimables, plus philosophes, moins médecins, et par là même, moins dangereux. Dans cette pièce, qu’on voudrait flétrir du nom de farce , on voit combien cet amour désordonné de la vie est destructif de toute vertu morale. Argan, voué à la médecine, esclave de Monsieur Purgon, est aussi un époux sot et dupe, un père injuste, un homme dur, égoïste. Avec quelle énergie et quelle vérité l’auteur trace le tableau des caresses perfides d’une belle-mère qui abuse de la faiblesse d’un imbécile mari pour dépouiller les enfants du premier lit ! Quelle décence, quelle raison, quelle fermeté  dans le caractère d’Angélique ! Cette comédie est l’image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. C’est ce naturel, cette vérité qu’on n’aime point : les précieuses n’y trouvent point d’esprit, et surtout point de sensibilité, point de délicatesse, point de noblesse. Elles voudraient des tirades, des sentences, du raisonnement au lieu de la raison. Non seulement Molière a plus de génie, mais encore il a plus d’esprit que tous les autres auteurs qui passent pour en avoir beaucoup. Il a surtout infiniment plus de philosophie. D’où  vient donc cet injuste dédain qu’on affecte pour ce grand peintre de la nature humaine ?  Cela vient surtout du défaut d’esprit et de goût : ce qui est simple, naturel et vrai, paraît au vulgaire facile, commun, ignoble. Et cependant, c’est qu’il y a de plus excellent, de plus précieux et de plus exquis dans les arts.

Madame de Sévigné fait souvent allusion dans ses Lettres à des traits comiques de Molière . Ces traits sont presque toujours tirés de ses moindres farces , telles que Le Médecin malgré lui : elle en sentait le prix ; et l’on sait que Madame de Sévigné est la femme qui a eu le plus d’esprit, et qu’elle relevait encore cet esprit-là  par beaucoup de naïveté, de délicatesse et de grâces…

→ À lire : La farce . – La comédie . – La comédie classique en France .

M olière attaque dans Le Malade imaginaire une des faiblesses les plus communes de l’humanité : cet amour excessif de la vie,  ce soin mal entendu de la santé, plus propre à la ruiner qu’à la conserver, cette aveugle confiance dans la médecine, et cet abus des remèdes qui, loin de guérir les maux, donne quelquefois des maux que l’être humain n’a pas.  Son malade imaginaire a réellement tous les défauts attachés à une telle pusillanimité : il est égoïste, bourru, crédule, entêté, injuste envers des enfants qui le chérissent, dupe des caresses d’une femme qui le déteste. L’ouverture est admirable, toute en action. Argan, occupé à compter le mémoire de l’apothicaire, oublie qu’il est seul, oublie qu’il est malade, ce qui prouve  que pour guérir l’imagination, il faut l’occuper.

Le caractère de la belle-mère n’a que trop de modèles dans la société. Celui d’Angélique est d’une bienséance charmante : ce n’est plus une amoureuse ordinaire de comédie, c’est une demoiselle décente et bien élevée,  pleine d’esprit, de raison et de grâces,  qui résiste à la tyrannie avec un noble courage, sans manquer aux égards, sans s’écarter de son devoir. Elle est toujours très bonne fille, quoiqu’elle n’ait pas un bon père.

→ Autres citations de Molière .

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  • Le genre dramatique .
  • La comédie . – La comédie classique en France . – La farce . – L’opéra-comique . – Le vaudeville .
  • Les procédés du comique .
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Cours : __Le Malade imaginaire__

Le Malade imaginaire

Le bac de français 2024 arrive à grand pas ! Pas de stress, on a pensé à toi avec la liste des oeuvres ou bien un plan de révision pour les épreuves anticipées de 1ere 💪

Le Malade imaginaire , Molière : entre raison et déraison

Introduction :

Molière signe sa dernière pièce de théâtre en 1673, et ce n’est pas sans raison qu’il la nomme Le Malade imaginaire . Atteint depuis longtemps de difficultés respiratoires, il est fréquemment en contact avec des médecins qui ne parviennent pas à atténuer ses souffrances. Pire encore, il les soupçonne de les intensifier. L’ironie du sort veut que Molière meure à l’issue de la quatrième représentation, alors qu’il interprétait le rôle d’Argan, personnage principal qui se croit constamment malade. Mais limiter la compréhension de la pièce à cette anecdote biographique ce serait passer à côté de la réflexion plus générale sur les connaissances et le savoir qui s’y trouvent. Davantage qu’une satire de la médecine, cette pièce montre, à travers les motifs de la maladie et du mariage, que la vérité est toujours incertaine. Ce n’est jamais qu’une autorité douteuse qui affirme que vous êtes souffrant ou que vous devez vous unir.

C’est pourquoi nous allons voir comment la pièce de Molière pousse l’hypocondrie et la complexité des relations familiales jusqu’aux frontières de la folie. Dans un premier temps, nous allons indiquer en quoi la construction de la pièce oppose des personnages imparfaits et dissimulateurs à une mise en scène éclatante et ambitieuse. Dans un deuxième temps, nous montrerons en quoi le conflit apparaît comme la ressource comique majeure pour faire progresser l’action. Dans un dernier temps, nous verrons qu’entre la raillerie bonhomme et la lucidité malheureuse, c’est l’art théâtral qui apparaît comme ce qu’il y a de plus vrai ; et, en dernière instance, comme le plus efficace de tous les remèdes.

La comédie-ballet comme spectacle total

Alt texte

Le Malade imaginaire présente des personnages obsessionnels  :

  • Argan est persuadé d’être tout le temps malade et il est décidé à marier sa fille Angélique à Thomas Diafoirus (un apprenti médecin qui ne pense qu’à ses études) ;
  • Angélique est éprise de Cléante qui est prêt à tout pour épouser celle qu’il est certain d’aimer pour toujours ;
  • Béline, la femme d’Argan, ne semble préoccupée que par la perspective de la mort de son époux et par l’héritage qui en résulterait.

Pourtant, la mise en scène est bien plus ouverte  : elle propose une multitude de modes de représentation.

Le Malade imaginaire est une pièce chorale où se rencontrent le chant, la danse, la musique et la pantomime pour offrir aux spectateurs une comédie-ballet , un spectacle total.

Héritage littéraire et musique contemporaine de l’époque

Alt texte

Comédie-ballet :

Comme son nom l’indique, une comédie-ballet est une comédie dans laquelle on intercale des scènes de danse et de musique. Bien qu’apprécié, ce type de représentation ne vivra qu’une dizaine d’années (1661-1672) et déclinera après la mort de Molière.

Pour que sa pièce soit directement accessible au plus grand nombre, Molière s’inscrit dans l’héritage de la commedia dell’arte , comme le prouve le premier intermède .

À la fin du prologue, les didascalies nous renseignent sur le joyeux charivari et l’improvisation possible tandis que les comédiens tournoient sur scène : «  DERNIÈRE ET GRANDE ENTRÉE DE BALLET Faunes, bergers et bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danses après quoi ils se vont préparer pour la comédie. »

La commedia dell’arte est une forme de théâtre basée sur l’improvisation, qui apparaît en Italie au XVI e  siècle. À partir d’un canevas simple et de personnages stéréotypés, les comédiens proposent une succession de situations brèves et souvent drôles.

Le deuxième intermède s’inspire plutôt de l’ orientalisme , très à la mode en France à cette époque.

Aidé de Pierre Beauchamp, danseur et chorégraphe, et de Marc-Antoine Charpentier, musicien et compositeur, Molière cherche à créer un spectacle agréable à regarder et divertissant.

Ce genre de spectacle est en quelque sorte l’ancêtre de la comédie musicale.

Les passages chantés et dansés se mêlent aux dialogues et au jeu des comédiens ; ils prennent alors une place importante dans l’économie de la pièce. On a tendance à éluder ces passages quand on lit la pièce. Mais il ne faut jamais perdre de vue qu’un texte théâtral est d’abord écrit pour être joué !

Les intermèdes consacrés au ballet sont donc des moments à part entière de la représentation, et peuvent ouvrir l’intrigue à différentes interprétations, selon les propositions du metteur en scène. Nous pouvons constater que Molière mêle une tradition théâtrale séculaire à l’actualité musicale : au mélange des genres s’ajoute le mélange des époques.

Maladie de l’homme, santé de la mise en scène

Si Molière cherche à construire un spectacle aussi grandiose, c’est bien sûr parce qu’il le destine à être joué devant le roi Louis XIV , et parce qu’il cherche à concurrencer les spectacles somptueux de l’hôtel de Bourgogne, ou ceux montés par la troupe du Marais.

Le XVII e  siècle est une période privilégiée pour le théâtre de troupe. Des comédiens s’associent entre eux pour jouer tous types de pièces. La troupe de Molière, fondée en 1643, s’appelle l’ Illustre-Théâtre .

Mais le caractère spectaculaire de la pièce, est aussi justifié par le contrepoint , à l’ambiance souffreteuse qui règne dans la maison d’Argan, que génère la fusion de genres mêlant théâtre, carnaval et opéra.

Bien qu’il ne soit pas malade , Argan est constamment en train de se plaindre, de tousser, de râler. Sa femme est austère, sa fille aînée est malheureuse.

Alt texte

Bien que les personnages soient défaitistes et souvent malheureux, le spectacle de la mort est mis en scène d’une manière joyeuse. De cette façon, Molière suggère qu’il est vain d’avoir des idées noires.

La pièce de Molière est construite sur un principe de submersion des personnages dans le décor et dans la mise en scène, et sur un mélange des tons et des registres. Pour que le mouvement de la danse et de la musique, et donc de la vie, éclate face à l’immobilité mortifère du malade, il faut que tout progresse par le conflit .

Le conflit, ressort de la comédie

Nous avons rappelé comment les personnages principaux sont occupés à résoudre leurs problèmes, sans se préoccuper de ceux des autres. Pourtant, un personnage échappe à cette règle : Toinette. La servante (tout comme Béralde, le frère d’Argan) en prenant le parti des uns et en piégeant les autres, va faire avancer l’intrigue . Ses tromperies s’appuient sur ce qui préoccupe le plus une famille bourgeoise du XVII e  siècle comme celle d’Argan : la question pécuniaire et celle des liens familiaux. En assistant ou en provoquant les conflits autour de ces sujets, elle va contribuer à élever le rire au même niveau d’importance que cette maladie qui préoccupe la maison.

Questions d’argent, questions de famille

La question de l’argent se situe au cœur des déboires familiaux mis-en-scène par la pièce. Dès la scène d’exposition, le spectateur découvre Argan en train de calculer combien lui coûtent ses soins. C’est d’ailleurs pour obtenir les biens de son mari que Béline souhaite le voir mourir. Enfin, un bon mariage au XVII e  siècle n’est pas un mariage d’amour, c’est d’abord un mariage d’intérêt. Il convient, pour le père (ici Argan), de marier sa fille (Angélique) à quelqu’un issu d’une famille riche (Thomas Diafoirus). Notons qu’au passage Argan se choisit un gendre qui sera capable de le soigner : c’est donc un calcul financier doublement intéressé.

La vénalité est finalement le constant objet de la satire puisqu’elle apparaît en filigrane de toutes les autres questions : celle de la maladie, celle du mariage, celle de la mort.

Vénalité :

La vénalité est le fait de privilégier l’argent aux dépens des valeurs morales.

À travers le thème de l’argent, c’est à la petite bourgeoisie que s’en prend Molière.

Le statut de bourgeois commence à s’établir solidement au XVII e  siècle. Dépourvue d’une noblesse de sang, la bourgeoisie n’en est pas moins pourvue d’un certain pouvoir, grâce notamment aux biens qu’elle possède.

Néanmoins, Argan refuse d’admettre que cette question pécuniaire entre en ligne de compte dans son choix d’un époux pour sa fille. Il ne propose qu’une justification médicale. En ramenant tout à ses difficultés de santé, Argan cherche maladroitement l’ empathie de son entourage et empêche toute discussion raisonnable.

Empathie :

L’empathie est la capacité à ressentir les émotions de quelqu’un d’autre, la faculté de se mettre à la place d’autrui.

Dans l’extrait qui suit, Argan vient de justifier sa volonté de marier sa fille à Thomas Diafoirus.

«  Toinette. — Eh bien, voilà dire une raison, et il y a plaisir à se répondre doucement les uns aux autres. Mais, monsieur, mettez la main à la conscience. Est-ce que vous êtes malade ?

Argan. — Comment, coquine, si je suis malade ? Si je suis malade, impudente ?

Toinette. — Eh bien oui, monsieur, vous êtes malade, n’ayons point de querelle là-dessus. Oui, vous êtes fort malade, j’en demeure d’accord, et plus malade que vous ne pensez ; voilà qui est fait. […] »

Le Malade imaginaire , Acte I, scène 5

On observe que dans sa première réplique Toinette lui oppose l’évidence de sa bonne santé, mais Argan ne répond que par l’invective («  coquine  », «  impudente  »). C’est pourquoi elle se dit d’accord avec lui dans sa seconde réplique, utilisant la figure de la concession par les répétitions de «  vous êtes malade  ». Autrement dit, elle lui reconnaît de bonne grâce son droit à passer pour un malade ; ce qui est extrêmement précieux pour Argan, qui cherche à être plaint.

Le recours au quiproquo

Focalisés sur des questions d’argent, d’amour ou de maladie, les personnages en viennent à ne plus parvenir à communiquer. Cette communication impossible est une des formes de la déraison dans Le Malade imaginaire . C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des pièces de Molière. Par exemple, dans L’Avare , Harpagon pense que Valère lui parle de sa cassette pleine d’or, alors que celui-ci lui parle d’Élise, la fille d’Harpagon. On trouvera un malentendu similaire dans L’École des femmes  : Horace confit sa fortune à Arnolphe parce qu’il le connaît sous un autre nom et qu’il ne sait pas qu’il est le tuteur d’Agnès.

  • Le procédé qui l’illustre le mieux est le quiproquo .

Quiproquo :

Un quiproquo est une situation de malentendu dans laquelle une personne ou une chose sont prises pour une autre.

Il va de soi que la surenchère dans la méprise est un moteur efficace pour le rire et pour la conflictualité entre les personnages. La remise au clair qui en découle est un bon moyen pour chacun de rendre plus explicite son point de vue en le reformulant.

  • Ainsi, les adjuvants peuvent connaître les intentions des différents opposants .
  • Le schéma actanciel définit les rôles et les relations des différents actants d’un récit ou d’une pièce de théâtre.
  • Les rôles principaux sont : le destinateur, l’objet, le destinataire, l’adjuvant et l’opposant.
  • L’adjuvant est un allié du héros, l’opposant est son adversaire.

Dans l’extrait qui suit, Argan annonce à sa fille qu’on la demande en mariage. Angélique pense qu’il parle d’une demande faite par Cléante et ignore que son père ne connaît pas ce jeune homme.

«  Argan. se met dans sa chaise — Ô ça, ma fille, je vais vous dire une nouvelle, où peut-être ne vous attendez-vous pas. On vous demande en mariage. Qu’est-ce que cela ? vous riez. Cela est plaisant, oui, ce mot de mariage. Il n’y a rien de plus drôle pour les jeunes filles. Ah ! nature, nature ! À ce que je puis voir, ma fille, je n’ai que faire de vous demander si vous voulez bien vous marier.

Angélique. — Je dois faire, mon père, tout ce qu’il vous plaira de m’ordonner.

Argan. — Je suis bien aise d’avoir une fille aussi obéissante, la chose est donc conclue, et je vous ai promise.

Angélique. — C’est, mon père, que je connais que vous avez parlé d’une personne, et que j’ai entendu une autre.

Toinette. — Quoi ! monsieur, vous auriez fait ce dessein burlesque ? Et, avec tout le bien que vous avez, vous voudriez marier votre fille avec un médecin ? »

À son tour, Angélique a dû feindre d’être d’accord avec Argan. Mais son intelligence lui permet ensuite de dénouer le quiproquo. On constate que c’est finalement l’intervention de Toinette, spectatrice de la scène au même titre que le public, qui va déplacer la conversation vers le véritable problème.

Toinette et Béralde agissent comme des démystificateurs , cherchant à faire triompher la raison sur la déraison et l’égoïsme d’Argan.

Quand la déraison devient raison

Le paradoxe de la pièce réside dans le fait que c’est en poussant cette déraison à son paroxysme que la raison pourra l’emporter. Le ridicule et l’omniprésence du faux et de la contrefaçon dans chaque scène servent à faire l’éloge de la comédie .

Un jeu de « qui perd gagne »

Béralde et Toinette vont convaincre Cléante d’accepter la lubie d’Argan : avoir un gendre médecin. Plus encore, ils vont inciter Argan à devenir médecin lui-même, alors qu’il ne possède aucune compétence, ou plutôt de fausses compétences. En quelque sorte, c’est celui qui devait échouer, parce qu’il était un père abusif, qui triomphe.

Toinette et Béralde sont des moralistes  : ils opposent le bon sens au ridicule de celui qui est respectivement leur maître et leur frère. Ils le font à la place du spectateur, qui ne peut pas intervenir. Mais nous sommes forcés de constater que s’ils sont du côté de la vérité, ils ne la font triompher que de biais, car ils doivent composer avec les pédants que sont les médecins.

Pédantisme :

Être pédant c’est étaler avec insistance un savoir imparfait, superficiel, fraîchement acquis.

Alt texte

La plupart des médecins dans Le Malade imaginaire sont des médecins déguisés. Ils s’opposent aux vrais médecins qui ne sont pas affublés d’un drôle d’accoutrement.

  • Il est clair que pour Molière la médecine est une fausse science, dans le sens où il ne cesse de la caricaturer dans sa pièce.

Au moment de la cérémonie de candidature d’Argan, les connaissances de la médecine se résument à quatre thérapies : l’émétique, la saignée, la purge, le lavement.

Cette figuration schématique montre à quel point les savoirs des médecins sont limités, et par conséquent comment un simple serviteur peut facilement les imiter. Il faut bien garder à l’esprit que la médecine telle qu’on la connaît est née dans la seconde moitié du XIX e  siècle, avec notamment la découverte des microorganismes. Au XVII e  siècle, on trouve un nombre surprenant de charlatans se faisant passer pour médecins, aux connaissances extrêmement réduites, expérimentant des remèdes hasardeux sur les malades dont ils ont soin.

Pourtant la cérémonie qui clôt la pièce ne sert pas seulement à se moquer d’un personnage trop crédule. Comme le dit Béralde dans une de ses répliques, c’est aussi un moyen de rendre hommage à la fantaisie et à l’imagination . En quelque sorte, Argan est un rêveur qui laisse le carnaval et la fête s’introduire dans sa maison.

«  Béralde. — Mais, ma nièce, ce n’est pas tant de le jouer, que s’accommoder à ses fantaisies. Tout ceci n’est qu’entre nous. Nous y pouvons aussi prendre chacun un personnage, et nous donner ainsi la comédie les uns aux autres. Le carnaval autorise cela. Allons vite préparer toutes choses. »

Le Malade imaginaire , Acte III, scène 14

Conjurer la mort par le jeu

Caricaturer le savoir et remettre en cause le statut de la vérité permet à Molière d’atteindre trois objectifs.

  • Une visée comique  : la bizarrerie et l’absurdité des médecins créent le rire.
  • Une visée intellectuelle  : le dramaturge s’emploie à une désacralisation de l’esprit de sérieux et de l’arrogance des savants.
  • Une visée théâtrale : comme le pédant est de mauvaise foi, et qu’il ne parle que pour s’écouter, cela conduit à des situations de dérèglements par le conflit, la bousculade, la dispute, etc. qui sont une mine de situations pour faire avancer la pièce.

La parodie , le jeu des masques , la feinte , et le travestissement , sont des moyens d’opposer la comédie à la triste avancée de la mort. Comme dans une mise en abyme, Le Malade imaginaire propose d’ introduire du théâtre dans le théâtre . La fête a le dernier mot, et la mort n’est qu’une illusion.

Mise en abyme :

La mise en abyme est un procédé dans lequel une œuvre est représentée à l’intérieur d’une œuvre identique.

Dans l’extrait suivant, Argan suit le conseil de Toinette et feint d’être mort pour comprendre quelles sont les véritables intentions de sa femme.

«  Béline. — Le ciel soit loué. Me voilà délivrée d’un grand fardeau. Que tu es sotte, Toinette, de t’affliger de cette mort !

Toinette. — Je pensais, madame, qu’il fallût pleurer.

Béline. — Va, va, cela n’en vaut pas la peine. Quelle perte est-ce que la sienne, et de quoi servait-il sur la terre ? Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un lavement, ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours, sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur, fatiguant sans cesse les gens, et grondant jour et nuit servantes et valets.

Toinette. — Voilà une belle oraison funèbre. »

Le Malade imaginaire , Acte III, scène 12

Le spectateur comprend ce que pense véritablement un des personnages du plus important des protagonistes. Une vérité éclate enfin du jeu de comédiens et de l’ironie d’Argan et de Toinette.

  • Derrière l’ illusion théâtrale et le jeu, se cache toujours quelque chose de vrai et de juste chez les hommes  ; c’est en tout cas toute l’ambition des pièces de Molière que de le révéler.

Conclusion :

Le Malade imaginaire pousse l’hypocondrie et la complexité des relations familiales aux frontières de la folie, en présentant une multitude de conflits qui sont autant de confrontations insolubles entre le bon sens et le pédantisme. Mais Molière propose davantage qu’une satire des faux savants, des pères autoritaires et des bourgeois cupides au profit des honnêtes hommes et des jeunes gens amoureux. Par la caricature, l’irruption du théâtre dans le théâtre et l’invention d’une pièce tout en musique et en fantaisie, il rend hommage à la puissance de la comédie qui fait de la déraison volontaire une joie espiègle, et d’une saine folie la plus précieuse des vérités.

  • Cours : Le Malade imaginaire de Molière

Le Malade imaginaire de Molière Cours

Parcours : réflexions sur les notions de spectacle et de comédie.

L'intitulé du parcours étudié relie spectacle et comédie. D'après les définitions de ces deux notions, s'il peut y avoir spectacle sans comédie, il ne peut pas y avoir de comédie sans spectacle.

Une comédie est une pièce divertissante, qui se donne à voir au cours d'un spectacle, suscitant des émotions plaisantes et mettant en scène des personnages dont la condition est généralement modeste. Son dénouement est le plus souvent heureux. Dans une même comédie, on peut relever plusieurs « sous-genres » : comédie de caractère, comédie de mœurs, comédie classique, etc.

La comédie naît durant l'Antiquité grecque, mais elle n'est pas considérée avant les premières pièces de Molière. Le grand genre est alors la tragédie. C'est Molière qui donne à la comédie ses lettres de noblesse.

Un spectacle est d'abord ce qui se donne à voir, un spectacle attire les regards et provoque des réactions. C'est effectivement le cas d'une comédie, qui doit provoquer le rire. Ces réactions sont suscitées par des représentations théâtrales, dansantes, cinématographiques, etc.

Le choix du genre comique est fondamental dans la construction de la pièce. Le caractère des personnages et l'intrigue doivent être en adéquation avec les caractéristiques de ce genre. La pièce doit également pouvoir être transformée en spectacle, il est donc important pour l'auteur de penser à la mise en scène lors de la phase d'écriture.

Le but premier de la comédie est certes de faire rire le spectateur/lecteur en recourant à un registre humoristique, mais elle peut aussi être le moyen de dénoncer et de critiquer.

L'intitulé du parcours invite à se poser diverses questions :

  • Quelles sont les caractéristiques d'une comédie ?
  • Quelles sont les caractéristiques d'un personnage comique ?
  • Qu'est-ce qu'un spectacle ?
  • La comédie est-elle nécessairement uniquement drôle ?
  • Comment le spectacle et la comédie permettent-ils de dénoncer et critiquer ?

Molière, l'auteur du Malade imaginaire

Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, est un comédien et dramaturge du XVII e siècle. Il est connu pour la diversité des registres dans lesquels il écrit : farces, comédies-ballets, comédies de mœurs. Si ses pièces ont du succès, elles ne sont pourtant pas appréciées de tous. Elles choquent notamment les plus croyants de la société de l'époque, en dénonçant certaines dérives comme l'hypocrisie religieuse. Malgré plusieurs scandales, ses pièces rencontrent le succès et Molière reste protégé par le roi Louis XIV. Aujourd'hui, Molière est considéré comme un auteur classique majeur.

Molière est le pseudonyme de Jean-Baptiste Poquelin, né en 1622 et décédé en 1673. Il est le fils du tapissier du roi. Il perd sa mère à 10 ans.

Jean-Baptiste Poquelin fait ses études au collège de Clermont à Paris et part ensuite à Orléans, où il obtient une licence en droit. Il exerce le métier d'avocat durant 5 mois avant de s'orienter vers le théâtre contre la volonté de son père. Son grand-père, amateur de la Comédie-Italienne et des troupes italiennes itinérantes pratiquant un théâtre fondé sur l'improvisation et le jeu des masques (la commedia dell'arte), l'initie au monde du théâtre.

En 1643, Jean-Baptiste Poquelin débute sa carrière en fondant la troupe de l'Illustre Théâtre avec Madeleine Béjart. C'est une comédienne déjà connue du public. L'année suivante, en 1644, il prend le pseudonyme de Molière.

Cependant, le succès n'est pas au rendez-vous pour la troupe, et très vite, elle s'endette. Molière est alors incarcéré pour dettes. Après avoir purgé sa peine, il part jouer en province avec Madeleine Béjart qui devient également sa compagne. Ils parcourent la France pendant quinze ans. Durant ces années, le comédien se forge une solide expérience d'acteur, de directeur de troupe mais aussi de metteur en scène. C'est également durant cette période qu'il écrit ses premiers textes ( La Jalousie du barbouillé, Le Dépit amoureux ).

Quinze ans plus tard, en 1658, Molière retourne à Paris. Il est protégé par le duc d'Orléans. Sa troupe et lui jouent devant le roi Louis XIV. En 1659, Les Précieuses ridicules connaissent un triomphe. La troupe parvient à s'installer au Palais-Royal. À partir de ce moment, Molière multiplie les créations théâtrales dans des registres chaque fois très différents : farce, comédie-ballet ( Le Malade imaginaire ), comédie de mœurs ( L'École des femmes, L'École des maris ).

Les pièces de Molière choquent une partie de la société. La pièce Tartuffe, jouée à Versailles en 1664, dénonce l'hypocrisie religieuse : elle provoque le scandale. Elle est interdite jusqu'en 1669. Dom Juan est créé en 1665 et connaît le même sort que Tartuffe . Deux autres pièces suivent, Le Misanthrope en 1666 et L'Avare en 1668.

Pour calmer les esprits, Molière s'oriente vers un théâtre plus divertissant : la comédie-ballet. Il écrit successivement Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, L'Avare, Les Femmes savantes, et enfin Le Malade imaginaire en 1673.

Molière est emporté par une hémoptysie le 17 février 1673. Il meurt sur scène, en pleine représentation du Malade imaginaire, pièce dans laquelle il joue le rôle d'Argan.

Présentation de l'œuvre

Le résumé de la pièce.

La pièce se déroule dans une maison bourgeoise. Elle met en scène Argan qui pousse sa fille Angélique à épouser un médecin. Mais celle-ci, déjà amoureuse de Cléante, refuse. Pendant toute la pièce, Argan est persuadé d'être très malade et que sa fin est proche. Le dénouement est heureux, Argan comprend que son épouse Béline ne l'aime pas et tente de lui prendre ses richesses, et il accorde à sa fille le droit d'épouser Cléante. Cette pièce se déroule en trois actes.

Dans le premier acte, les personnages et la situation sont introduits : Argan, se croyant gravement malade, cherche à marier sa fille à un médecin.

Argan pense qu'il est gravement malade. Il est entouré de médecins et croit souffrir de plusieurs maladies. Il évoque son souhait de marier Angélique, sa fille aînée, à Thomas Diafoirus, un médecin. Mais secrètement, Angélique est déjà amoureuse de Cléante, un jeune premier de comédie. Elle avoue cet amour à sa servante Toinette.

Béline, la nouvelle épouse d'Argan, souhaite qu'Angélique et Louison, la fille cadette d'Argan, se retirent dans un couvent afin qu'elle puisse hériter de toute la fortune de son époux. Elle fait venir un notaire avec qui elle est complice pour rédiger le testament de son mari. Toinette comprend les intrigues de Béline. Dévouée à son maître et aux filles de celui-ci, elle décide de déjouer ses plans.

Dès la première scène, Molière déstabilise le spectateur. En effet, habituellement, la scène d'exposition d'une pièce de théâtre confronte toujours deux personnages. Mais dans le Malade imaginaire , Argan est seul en train de vérifier la facture de l'apothicaire. Cette facture permet déjà d'entrevoir l'obsession d'Argan pour la maladie et la médecine. On découvre ensuite le conflit entre un maître ridiculement déraisonnable et sa servante moqueuse, Toinette.

Dans ce premier acte, Molière présente un père tyrannique qui souhaite forcer sa fille à épouser le mari qu'il a choisi. On découvre une Toinette complice d'Angélique, qui conteste l'autorité de son maître et qui n'hésite pas à le ridiculiser pour défendre sa protégée. Par son attitude, elle montre au public l'aveuglement d'Argan.

Le deuxième acte est marqué par l'entrée de Cléante, dont Angélique est amoureuse, qui s'introduit dans la maison d'Argan en se faisant passer pour un maître de musique.

Cléante s'introduit dans la maison d'Argan et se fait passer pour le remplaçant du professeur de musique. Pensant avoir devant lui un véritable professeur de musique, Argan demande à Cléante de chanter. Il souhaite qu'Angélique l'accompagne. Les Diafoirus, père et fils, assistent à la scène.

Les deux amants se prêtent au jeu et entonnent un air d'opéra, dont ils se servent pour se déclarer leur amour. Mais le leurre des deux jeunes ne fonctionne pas. Argan découvre l'imposture et chasse Cléante de chez lui. Furieux, il menace sa fille de la faire entrer au couvent si elle persiste à aimer Cléante et à ne pas épouser Thomas Diafoirus.

Cléante s'est réfugié dans les appartements d'Angélique. Béline découvre son intrusion. Elle rapporte à son époux qu'il y a un homme chez Angélique. Argan interroge Louison, afin d'obtenir plus d'informations sur cette affaire. Sa fille cadette n'étant pas très douée pour les secrets, il devine que le garçon présent est Cléante. Se considérant comme le plus malheureux des hommes, il se lamente sur sa situation. Béralde, le frère d'Argan, arrive et lui propose un divertissement dansant.

Le personnage de Thomas Diafoirus apparaît comme un être niais et stupide. De plus, il est dans l'incapacité de comprendre Angélique et de communiquer avec elle.

Dans le troisième acte, l'intrigue se résout. Argan démasque la cupidité de sa femme, qu'il chasse, et autorise les deux amoureux à se marier.

Béralde cherche à éclairer son frère sur ses maladies imaginaires. Il lui conseille de se méfier des médecins. Il défend également les intérêts de sa nièce. Afin d'essayer de dégoûter son maître de la médecine, Toinette se déguise en médecin. Argan, qui commence à réfléchir, se fait passer pour mort. Il découvre ainsi la cupidité de sa femme, heureuse de son décès, et décide de la chasser. Parallèlement, il se rend compte de la bonté de sa fille et de Cléante. Il accepte finalement le mariage. Sur les conseils de Béralde et de Toinette, Argan devient docteur.

Avec le numéro d'indignation de M. Purgon, médecin d'Argan, la satire de la médecine est exacerbée. La raison gagne son combat contre la déraison avec l'arrivée de Béralde le « raisonneur ».

Les personnages principaux

Quatre personnages tirent les ficelles de l'histoire : Argan, Béline, Toinette et Angélique.

Argan est un riche bourgeois dont la maladie imaginaire, point de départ de l'intrigue, représente sa difficulté à s'intégrer à la société. Il fait preuve d'une démesure qui fait rire le spectateur, mais qui inquiète sa famille.

Molière a l'habitude de présenter de grands bourgeois à l'attitude ridicule dans ses pièces de théâtre. Argan est inadapté à la société dans laquelle il vit, il est asocial. C'est un homme incapable de mener une vie en harmonie avec les autres et de vivre dans la vie réelle. Son existence est déséquilibrée, il se réfugie derrière la maladie afin de cacher cette inadaptation et ce déséquilibre. Au fur et à mesure des scènes, il se comporte tantôt comme un tyran, tantôt comme un enfant blessé ou gâté. Ces changements d'attitude traduisent sa démesure, c'est un hypocondriaque qui trouve un sens à sa vie dans la maladie.

Sa folie fait rire le spectateur, mais elle inquiète son entourage. L'indifférence qu'il porte aux autres et l'égoïsme dont il fait preuve sont présents tout au long de la pièce. Afin d'améliorer son confort médical, il souhaite utiliser sa fille comme une marchandise. Et quand celle-ci s'oppose à ses projets et va à l'encontre de sa volonté, il prétend la déshériter.

Même si ses plans sont finalement stoppés par Béralde et Toinette, Argan reste incurable. À la fin de la pièce, sa folie n'est plus dangereuse pour ses proches mais il reste inadapté à la vie en société.

Béline, représentant l'épouse hypocrite et intéressée, n'apparaît sur scène que pour semer la discorde.

Béline est une intrigante qui incarne la figure de l'épouse hypocrite et intéressée. Elle est peu présente sur scène, elle n'apparaît d'ailleurs que dans 5 scènes. Cependant, lorsqu'elle est présente, elle sème la discorde avec efficacité. C'est une femme rusée et perspicace, elle a cerné l'esprit de son mari. Elle s'emploie donc à nourrir sa folie, à le conforter dans ses obsessions et dans son identité de malade gravement atteint. De plus, elle l'infantilise excessivement en s'assurant que l'affection maternelle qu'elle lui donne sera récompensée financièrement. C'est la confiance qu'elle place en Toinette qui la perdra car Toinette, fidèle à ses maîtres, l'exploitera très habilement.

Toinette, la servante d'Argan, est une femme critique qui tente d'éclairer Argan, ainsi que le spectateur, sur la part de ridicule de chacun des personnages.

Toinette est une femme facétieuse, impertinente et sarcastique. Elle se moque constamment de son maître Argan et le ridiculise en toute occasion. Elle cherche à éclairer Argan et à le rendre plus clairvoyant, elle n'hésite pas à bafouer son autorité pour cela. Son caractère est différent avec Angélique, elle se montre tendre, prévenante voire maternelle.

Les interventions de Toinette dans la pièce sont toujours pertinentes. On peut dire qu'elle éclaire le spectateur sur la part de ridicule de chacun des personnages. D'une certaine façon, elle incarne l'œil critique de la pièce.

Angélique est la fille d'Argan. Elle illustre l'idéal de la transparence morale. Son évolution au cours de l'histoire est la plus remarquable.

Angélique découvre l'amour et se rebelle face à l'autorité. Elle passe de la jeune innocente qui tombe amoureuse pour la première fois à une femme de caractère qui remet Béline à sa place. C'est l'évolution du langage qu'elle utilise tout au long de la pièce qui montre l'affirmation de son caractère. Ses premières répliques expriment l'émoi amoureux. Puis, plus on avance dans la pièce, plus ces répliques deviennent agressives, perfides, sèches, notamment quand elle s'adresse à Béline.

Angélique incarne l'idéal de la transparence morale. Qu'elle défende son amour ou qu'elle y renonce, elle utilise la même énergie et la même combativité.

Les thèmes principaux de la pièce

Les trois thèmes principaux de la pièce permettent à Molière de faire rire le spectateur, tout en abordant des sujets importants pour l'époque. Ainsi, on note la présence du comique, de l'hypocondrie et de la médecine, de la déraison et de la raison.

La comédie-ballet est créée par Molière. Dans Le Malade imaginaire , plusieurs types de comique sont utilisés pour faire rire le spectateur ou le lecteur : le comique de geste, le comique de mots, le comique de situation et le comique de caractère. Ce dernier type de comique est surtout utilisé par Argan.

La particularité du Malade imaginaire est d'être une comédie-ballet. C'est Molière qui crée ce genre théâtral afin de divertir la cour de Louis XIV. La comédie-ballet mélange théâtre, musique et danse. Molière demande au musicien Marc-Antoine Charpentier de composer la musique de cette pièce. Le Malade imaginaire rentre dans la catégorie des comédies. Les situations comiques, les moqueries et l'exagération sont les caractéristiques de la comédie.

Au XVII e siècle, toutes les pièces qui se terminent bien sont considérées comme des comédies.

Dans Le Malade imaginaire , le registre comique est présent. Molière ne cesse d'utiliser des procédés comiques pour divertir au mieux le spectateur.

Le comique de geste est utilisé dans Le Malade imaginaire. Dans l'acte I, à la scène 5, Toinette et Argan se confrontent. Cette scène rappelle fortement celle qui oppose Dorine, la servante, à son maître Orgon dans Tartuffe. Comme Argan, Orgon veut lui aussi marier sa fille contre son gré. Les similitudes entre Toinette et Dorine sont notables. Les deux servantes ont la même impertinence et la même audace.

Dans Le Malade imaginaire , Argan est impuissant face à sa servante qui le fait tourner en bourrique, cela accentue la bouffonnerie de la scène. Il est excédé par Toinette qui se joue de lui en donnant des ordres à sa place. Il cherche à prendre le dessus, en s'armant d'un bâton et en la poursuivant autour d'une table. C'est une action vaine qui est finalement plus pénible pour lui que pour sa servante.

Dans la scène 6 de l'acte I, Toinette ensevelit son maître sous ses oreillers en se souciant peu de la présence de Béline. Le contraste entre Toinette, la malicieuse pleine d'énergie, et Argan, l'éternel convalescent léthargique, est un des ingrédients du comique très efficace dans cette pièce.

Dans la scène 5 de l'acte III, on retrouve encore une fois Argan dans une posture ridicule. Il est désespéré par les prévisions funestes de M. Purgon, son médecin. Considérant celui-ci comme son sauveur, Argan l'implore de lui sauver la vie avec des gestes de supplication. La gestuelle d'Argan n'est pas précisée dans les didascalies, mais l'écriture de Molière est précise, elle fournit de nombreuses indications pour inspirer le jeu de l'acteur.

Le comique de mots est d'abord présent dans les noms des personnages : Purgon, Bonnefoi. Le rire est suscité par l'effet comique produit par des répétitions, des jeux de mots, des mélanges de registres de langue, etc. On le retrouve surtout dans les reparties de Toinette, notamment lorsqu'elle s'exprime par des jeux de mots ou lorsqu'elle utilise l'ironie pour ridiculiser les médecins.

« C'est à Monsieur Fleurant à y mettre le nez ».

Le Malade imaginaire , Acte I, scène 2

L'ironie du passage naît dans le jeu de mots entre le nom de l'apothicaire, M. Fleurant, et le nez. Fleurant vient du verbe « fleurer », qui signifie « sentir une odeur », d'où l'analogie avec le nez. Dans cette scène, Argan lui demande si son lavement a été efficace. Toinette lui répond que ce n'est pas à elle de s'en assurer et, par ce jeu de mots ironique, critique dans le même temps la médecine.

Toinette incarne le comique de mots dans cette pièce, même quand elle n'en est pas la source directe. En effet, les injures que profère Argan à son encontre (« impudente », « coquine », etc.) appartiennent au comique de mots. Plus le maître insulte sa servante, plus il semble impuissant face à l'indifférence de Toinette. Elle le nargue et sa colère devient dérisoire face à cette attitude.

On retrouve enfin le comique de mots dans les discours ridicules des médecins, notamment dans les dialogues des Diafoirus. Ils font preuve d'une suffisance et d'un manque de simplicité qui relèvent de l'absurde et du ridicule. Dans la pièce, les médecins s'expriment de façon caricaturale et multiplient l'utilisation des superlatifs et des hyperboles.

« THOMAS DIAFOIRUS. Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon, rendait un son harmonieux, lorsqu'elle venoit à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d'un doux transport à l'apparition du soleil de vos beautés. Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j'appende aujourd'hui à l'autel de vos charmes l'offrande de ce cœur, qui ne respire, et n'ambitionne autre gloire, que d'être toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur, et mari. »

Le Malade imaginaire , Acte II, scène 5

Thomas Diafoirus, le fils de M. Diafoirus avec lequel Argan veut marier sa fille, rencontre ici pour la première fois sa future épouse, Angélique. En plus de s'exprimer d'une façon caricaturale et exagérée pour une première rencontre, il fait également appel à des références extérieures extrêmement recherchées.

Le comique de situation est également présent dans Le Malade imaginaire . L'effet comique est alors produit par la situation d'un personnage dans l'histoire. La situation est généralement racontée sous forme de surprises, rebondissements, coïncidences ou quiproquos. Dans la scène 5 de l'acte I, on observe ainsi un quiproquo entre Angélique et Argan : Angélique pense à Cléante et cela la remplit de joie. Argan est satisfait car il pense marier sa fille. Le père et la fille sont tous les deux euphoriques pour des raisons différentes. Ce qui rend le quiproquo efficace dans cette scène, c'est que le spectateur ignore les projets d'Argan, il découvre le malentendu en même temps que les personnages.

Le comique de caractère, produit par la description des traits moraux, des vices ou des idées des personnages, est présent par l'intermédiaire du personnage d'Argan. Ses sautes d'humeur sont au cœur du Malade imaginaire. Son ingénuité excessive, sa peur et son impulsivité sont autant d'attitudes qui accentuent le comique de la pièce. En écoutant avec docilité les extravagances de Toinette déguisée en médecin ou encore en se laissant intimider par les prévisions de M. Purgon, Argan fait rire du début à la fin.

L'hypocondrie et la médecine

La maladie, et plus précisément la maladie imaginaire, est au centre de la pièce. Argan est un hypocondriaque, c'est-à-dire une personne toujours préoccupée par sa santé qui craint perpétuellement d'être malade. Par le biais de ce personnage, Molière fait la satire de la médecine de l'époque.

Argan pense que la maladie et la mort le menacent de façon permanente. Le Malade imaginaire est une satire, c'est-à-dire un écrit dans lequel l'auteur fait la critique d'une époque, d'une politique, d'une morale. Ici, Molière s'attaque à la médecine. À l'instar d'autres pièces où il déguisait des valets en médecins ( Le Médecin malgré lui), Molière représente des personnages de médecins qu'il tourne en dérision. Au temps de Molière, la médecine n'est pas évoluée. Les maladies sont toutes soignées de la même façon : par des saignées, des purges et des clystères (lavement ou injection). Les médecins ont une mauvaise réputation. Ils sont souvent moqués dans les pièces de théâtre de l'époque. À cause des pertes familiales qu'il a subies (son fils, sa compagne), l'hostilité qu'éprouve Molière envers la médecine est sincère. Il croit en la toute-puissance de la nature et considère qu'on ne doit pas la corriger.

La pièce de Molière est une satire de son époque. Cependant, son thème est tout aussi actuel au XXI e siècle. La peur de la maladie est universelle. Les « Argans » sont nombreux en 2020. Le paradoxe du XXI e siècle fait que plus la science évolue et guérit, plus la peur de la maladie se développe dans les sociétés modernes.

La déraison et la raison

La pièce est marquée par la déraison dont fait preuve Argan avec son obsession de la maladie. Cette déraison semble dicter toutes ses réactions et ses décisions, y compris celle de marier sa fille à un médecin. Elle est dangereuse, étant donné qu'elle efface tout discernement.

Argan a avant tout une maladie de la raison. Son obsession de la maladie développe une passion pour la médecine. Il voue une confiance aveugle aux médecins, au détriment de tout bon sens. Au fur et à mesure de la pièce, les différents aspects de sa personnalité se révèlent. Il est tantôt capricieux, infantile, crédule, tantôt autoritaire ou homme d'affaires éclairé. Mais la déraison dont il fait preuve à des degrés différents reste dominante.

À cause de sa passion pour la médecine, Argan souhaite marier sa fille contre son gré à un médecin. Pour lui, il serait pratique de disposer d'un médecin à volonté. Le culte qu'il voue aux médecins le pousse à croire à tout et n'importe quoi. Il croit successivement aux diagnostics contradictoires de Purgon et des Diafoirus, puis aux balivernes que lui raconte Toinette lorsqu'elle est déguisée en médecin. Son respect de la science prévaut sur sa lucidité.

Sa déraison devient dangereuse et prend la forme de l'aveuglement lorsqu'il envisage de déshériter ses enfants au profit de son épouse hypocrite et vénale. Le seul antidote que Molière trouve à la déraison d'Argan est la raison de Toinette et de Béralde. Les interventions de ces deux personnages opposent toujours des arguments de bon sens au manque de lucidité et à l'extravagance d'Argan. Béralde et Toinette incarnent la sagesse et la raison. Ils sont attachés à la vérité, ils font preuve de clairvoyance. Le combat qu'ils mènent arrive finalement à rendre la déraison d'Argan inoffensive.

Molière se sert de ces deux personnages pour défendre sa satire. Les arguments de Béralde sont la traduction de sa propre pensée.

Textes-clés

Acte ii, scène 2.

« ARGAN. Monsieur Purgon m'a dit de me promener le matin dans ma chambre douze allées et douze venues ; mais j'ai oublié à lui demander si c'est en long ou en large .

TOINETTE. Monsieur, voilà un…

ARGAN. Parle bas, pendarde ! Tu viens m'ébranler tout le cerveau, et tu ne songes pas qu'il ne faut point parler si haut à des malades.

TOINETTE. Je voulais vous dire, Monsieur…

ARGAN. Parle bas, te dis-je.

TOINETTE. Monsieur… (Elle fait semblant de parler)

ARGAN. Eh ?

TOINETTE. Je vous dis que… (Elle fait semblant de parler)

ARGAN. Qu'est-ce que tu dis ?

TOINETTE, haut. Je dis que voilà un homme qui veut parler à vous.

ARGAN. Qu'il vienne. (Toinette fait signe à Cléante d'avancer.)

CLÉANTE. Monsieur…

TOINETTE, raillant . Ne parlez pas si haut, de peur d'ébranler le cerveau de Monsieur.

CLÉANTE. Monsieur, je suis ravi de vous trouver debout et de voir que vous vous portez mieux.

TOINETTE, feignant d'être en colère . Comment qu'il se porte mieux ? Cela est faux, Monsieur se porte toujours mal.

CLÉANTE. J'ai ouï dire que Monsieur était mieux, et je lui trouve bon visage.

TOINETTE. Que voulez-vous dire avec votre bon visage ? Monsieur l'a fort mauvais, et ce sont des impertinents qui vous ont dit qu'il était mieux. Il ne s'est jamais si mal porté.

ARGAN. Elle a raison.

TOINETTE. Il marche, dort, mange, et boit tout comme les autres ; mais cela n'empêche pas qu'il ne soit fort malade.

ARGAN. Cela est vrai.

CLÉANTE. Monsieur, j'en suis au désespoir. Je viens de la part du maître à chanter de Mademoiselle votre fille. Il s'est vu obligé d'aller à la campagne pour quelques jours, et, comme son ami intime, il m'envoie à sa place pour lui continuer ses leçons de peur qu'en les interrompant elle ne vînt à oublier ce qu'elle sait déjà.

ARGAN. Fort bien. Appelez Angélique.

TOINETTE. Je crois, Monsieur, qu'il sera mieux de mener Monsieur à sa chambre.

ARGAN. Non, faites-la venir.

TOINETTE. Il ne pourra lui donner leçon comme il faut s'ils ne sont en particulier.

ARGAN. Si fait, si fait.

TOINETTE. Monsieur, cela ne fera que vous étourdir, et il ne faut rien pour vous émouvoir en l'état où vous êtes, et vous ébranler le cerveau.

ARGAN. Point, point, j'aime la musique, et je serai bien aise de… Ah ! la voici. Allez-vous-en voir, vous, si ma femme est habillée. »

  • La prescription de Monsieur Purgon est par essence ridicule. Molière ridiculise les médecins et affirme le caractère satirique de sa pièce.
  • Comique de caractère : infantilité d'Argan.
  • Effets de surprise : Argan accepte que sa servante se moque de lui.
  • Phrase à caractère jussif : l'emploi du futur dévoile un ordre direct (mais atténué) de Toinette à son maître.

L'essentiel à retenir du texte :

  • Argan est une personne méfiante, ce qui remet en cause sa folie. Elle n'est pas si étendue qu'on le pense. Il est obsédé par la maladie, ce qui relève plus du psychologique que du physique.
  • C'est l'une des rares scènes où Argan approuve sa servante.
  • La scène se passe en trois mouvements : le dialogue entre Toinette et Argan, la rencontre entre Argan et Cléante, et la double énonciation accompagnée d'effets d'ironie.

Acte II, scène 5

« MONSIEUR DIAFOIRUS. … Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments.

THOMAS DIAFOIRUS. N'est-ce pas par le père qu'il convient commencer ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Oui.

THOMAS DIAFOIRUS. Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer en vous un second père ; mais un second père auquel j'ose dire que je me trouve plus redevable qu'au premier. Le premier m'a engendré ; mais vous m'avez choisi. Il m'a reçu par nécessité ; mais vous m'avez accepté par grâce . Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps , mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et d'autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles , d'autant plus je vous dois, et d'autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd'hui vous rendre par avance les très humbles et très respectueux hommages.

TOINETTE. Vivent les collèges, d'où l'on sort si habile homme !

THOMAS DIAFOIRUS. Cela a-t-il bien été, mon père ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Optime.

ARGAN, à Angélique . Allons, saluez monsieur.

THOMAS DIAFOIRUS. Baiserai-je ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Oui, oui.

THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique . Madame, c'est avec justice que le Ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l'on…

ARGAN. Ce n'est pas ma femme, c'est ma fille à qui vous parlez.

THOMAS DIAFOIRUS. Où donc est-elle ?

ARGAN. Elle va venir.

THOMAS DIAFOIRUS. Attendrai-je, mon père, qu'elle soit venue ?

MONSIEUR DIAFOIRUS. Faites toujours le compliment de Mademoiselle.

THOMAS DIAFOIRUS. Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon, rendait un son harmonieux, lorsqu'elle venait à être éclairée des rayons du soleil : tout de même me sens-je animé d'un doux transport à l'apparition du soleil de vos beautés . Et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour , aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables , ainsi que vers son pôle unique . Souffrez donc, Mademoiselle, que j'appende aujourd'hui à l'autel de vos charmes l'offrande de ce cœur qui ne respire et n'ambitionne autre gloire que d'être toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble , très obéissant et très fidèle serviteur et mari.

TOINETTE, en le raillant. Voilà ce que c'est que d'étudier, on apprend à dire de belles choses. […]

THOMAS DIAFOIRUS, il tire une grande thèse roulée de sa poche, qu'il présente à Angélique. J'ai contre les circulateurs soutenu une thèse, qu'avec la permission de Monsieur, j'ose présenter à Mademoiselle, comme un hommage que je lui dois des prémices de mon esprit.

ANGÉLIQUE. Monsieur, c'est pour moi un meuble inutile, et je ne me connais pas à ces choses-là.

TOINETTE. Donnez, donnez. Elle est toujours bonne à prendre pour l'image ; cela servira à parer notre chambre.

THOMAS DIAFOIRUS. Avec la permission aussi de Monsieur, je vous invite à venir voir l'un de ces jours, pour vous divertir, la dissection d'une femme, sur quoi je dois raisonner.

TOINETTE. Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses ; mais donner une dissection est quelque chose de plus galant. »

  • Des paroles qui montrent le comportement autoritaire et directif de M. Diafoirus mais également celui d'Argan. Le manque de vivacité d'esprit de Thomas est souligné. Molière renforce ainsi le procédé du comique de caractère.
  • Thomas a un comportement infantile. Sa stupidité est mise en exergue dans cette scène. Il quémande l'approbation de son père pour chacune de ses questions et de ses gestes. Il multiplie les maladresses quand il agit par lui-même. Par étourderie, il confond sa promise et sa future belle-mère. Pour la même raison et pensant la séduire ainsi, il propose à Angélique de venir voir une dissection. Par l'intermédiaire du ridicule et du grotesque de situation, Molière forge une esthétique du rire présente dans toute la pièce.
  • L'ironie de Toinette est marquée par l'utilisation d'antiphrases.
  • Utilisation de parallélismes et d'antithèses. Thomas oppose son père et son beau-père dans le but de montrer la supériorité d'Argan et d'avoir ses bonnes grâces.
  • Rythme ternaire : effet de simultanéité. Superlatifs.
  • Accumulation : effet d'amplification.
  • Périphrases : utilisation du terme « second père » pour qualifier son futur beau-père et « Astre du jour » pour parler du soleil.
  • Métaphores : Thomas fait de la femme une déesse et l'assimile au soleil.
  • Vocabulaire qui appartient à la préciosité, adjectifs emphatiques .

La scène 5 de l'acte II raconte la rencontre entre Argan et les Diafoirus père et fils. M. Diafoirus présente son fils Thomas. Celui-ci doit demander la main d'Angélique. C'est une scène qui mélange le comique de situation, la parodie et le comique de caractère. Sur fond de drôlerie, la scène est une satire des mœurs de l'époque de Molière. Elle théâtralise une rencontre amoureuse arrangée. La scène est bien remplie. Il y a deux « camps » présents. Des personnages très variés animent la scène. On retrouve les vieux (les deux pères Argan et M. Diafoirus) et les jeunes (Thomas le prétendant et Angélique). Toinette, la servante, est également présente sur la scène. La façon dont Thomas s'exprime est un concentré de pédantisme et de préciosité. Il utilise les longues phrases que l'on trouve généralement dans les envolées lyriques. Molière rend sa présence sur scène grotesque.

Acte III, scène 10

« TOINETTE. Monsieur, je vous demande pardon de tout mon cœur.

ARGAN, bas à Béralde. Cela est admirable !

TOINETTE. Vous ne trouverez pas mauvais, s'il vous plaît, la curiosité que j'ai eue de voir un illustre malade comme vous êtes ; et votre réputation, qui s'étend partout, peut excuser la liberté que j'ai prise.

ARGAN. Monsieur, je suis votre serviteur.

TOINETTE. Je vois, Monsieur, que vous me regardez fixement. Quel âge croyez-vous bien que j'aie ?

ARGAN Je crois que tout au plus vous pouvez avoir vingt-six ou vingt-sept ans.

TOINETTE. Ah, ah, ah, ah, ah ! J'en ai quatre-vingt-dix.

ARGAN. Quatre-vingt-dix ?

TOINETTE. Oui. Vous voyez un effet des secrets de mon art, de me conserver ainsi frais et vigoureux.

ARGAN. Par ma foi, voilà un beau jeune vieillard pour quatre-vingt-dix ans.

TOINETTE. Je suis médecin passager qui vais de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume , pour chercher d' illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de m'occuper, capables d'exercer les grands et beaux secrets que j'ai trouvés dans la médecine. Je dédaigne de m'amuser à ce menu fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de rhumatisme et de fluxions, à ces fiévrottes, à ces vapeurs et à ces migraines. Je veux des maladies d' importance , de bonnes fièvres continues avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies avec des inflammations de poitrine : c'est là que je me plais, c'est là que je triomphe ; et je voudrais, Monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l'agonie, pour vous montrer l'excellence de mes remèdes, et l'envie que j'aurais de vous rendre service.

ARGAN. Je vous suis obligé, Monsieur, des bontés que vous avez pour moi.

TOINETTE. Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Ahy, je vous ferai bien aller comme vous devez. Hoy ! ce pouls-là fait l'impertinent. Je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin ?

ARGAN. Monsieur Purgon.

TOINETTE. Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?

ARGAN. Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate.

TOINETTE. Ce sont tous des ignorants : c'est du poumon que vous êtes malade.

ARGAN. Du poumon ?

TOINETTE. Oui. Que sentez-vous !

ARGAN. Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

TOINETTE. Justement, le poumon.

ARGAN. Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux.

TOINETTE. Le poumon.

ARGAN. J'ai quelquefois des maux de cœur.

ARGAN. Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

ARGAN. Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étaient des coliques.

TOINETTE. Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?

ARGAN. Oui, Monsieur.

TOINETTE. Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?

TOINETTE. Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas et vous êtes bien aise de dormir ?

TOINETTE. Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ?

ARGAN. Il m'ordonne du potage.

TOINETTE. Ignorant !

ARGAN. De la volaille.

ARGANT. Du veau.

ARGAN. Des bouillons.

ARGAN. Des œufs frais.

ARGAN. Et le soir de petits pruneaux, pour lâcher le ventre.

ARGAN. Et surtout de boire mon vin fort trempé.

TOINETTE. Ignorantus, ignoranta, ignorantum ! Il faut boire votre vin pur ; et pour épaissir votre sang , qui est trop subtil , il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande, du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner . Votre médecin est une bête . Je veux vous en envoyer un de ma main, et je viendrai vous voir de temps en temps tandis que je serai en cette ville .

ARGAN. Vous m'obligez beaucoup.

TOINETTE. Que diantre faites-vous de ce bras-là ?

ARGAN. Comment ?

TOINETTE. Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous.

ARGAN. Et pourquoi ?

TOINETTE. Ne voyez-vous pas qu'il tire à soi toute la nourriture, et qu'il empêche ce côté-là de profiter ?

ARGAN. Oui ; mais j'ai besoin de mon bras.

TOINETTE. Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j'étais en votre place.

ARGAN. Crever un œil ?

TOINETTE. Ne voyez-vous pas qu'il incommode l'autre et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt ; vous en verrez plus clair de l'œil gauche.

ARGAN. Cela n'est pas pressé.

TOINETTE. Adieu. Je suis fâché de vous quitter si tôt ; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui se doit faire pour un homme qui mourut hier.

ARGAN. Pour un homme qui mourut hier ?

TOINETTE. Oui, pour aviser, et voir ce qu'il aurait fallu lui faire pour le guérir. Jusqu'au revoir.

ARGAN. Vous savez que les malades ne reconduisent pas. »

  • Utilisation de la gradation, afin d'intensifier l'importance du médecin.
  • Amplification de l'importance du médecin par l'utilisation de l'accumulation.
  • Épanalepse.
  • Complément circonstanciel de but.
  • L'adverbe « trop » souligne l'excès.
  • Comique d'opposition qui met en exergue le caractère arbitraire des ordonnances et contre-ordonnances.
  • Allitération en [b].
  • Énumération avec répétition de conjonction de coordination.
  • Asyndète. Dans cette tirade sans réplique possible, Molière condamne les médecins.
  • Adjectif possessif : montre le mépris de Toinette et la mise à distance qu'elle installe entre elle et les médecins.
  • Confirmation de l'« Ignorantus, ignoranta, ignorantum ».
  • Allitération en [v].
  • Toinette utilise un dernier recours pour éviter le malheur d'Angélique. Elle éclaire Argan. On constate son rôle dans le dénouement final. Elle montre finalement à Argan que tous ses soi-disant symptômes sont au final des indicateurs de bonne santé. Molière utilise le comique de répétition pour montrer que les prescriptions des médecins sont aléatoires.
  • La scène présente trois mouvements principaux : Toinette (déguisée en médecin) arrive chez Argan dans le but de l'ausculter à domicile. Toinette prescrit à Argan un régime alimentaire et lui donne des conseils à suivre, la scène prend fin avec un échange sur propositions d'amputations diverses et des adieux entre le médecin et son patient.

Dossier : Le Malade imaginaire de Molière

Copyright de l'image décorative: © INA Nicole Bouron Flacinet

introduction pour dissertation sur le malade imaginaire

Niveaux et disciplines

Créée par Molière en 1673 au théâtre du Palais-Royal, à Paris, Le Malade imaginaire est la dernière œuvre que Molière écrit et Argan, le dernier rôle qu’il interprète avant de mourir, quelques heures seulement après la représentation. 

La captation de la pièce dans son intégralité

Le Malade imaginaire est, comme Le Bourgeois gentilhomme , une comédie-ballet mêlée de musique et de danses . Nous la présentons ici, – fait rare – dans son intégralité, prologue et intermèdes inclus. Elle est portée par la musique originelle de Marc-Antoine Charpentier, interprétée par l’orchestre des Arts florissants dirigé par William Christie et est accompagnée des danses chorégraphiées par Francine Lancelot.

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Durée de la vidéo: 03:25:55

Date de la vidéo: 1990

Le Malade imaginaire

Une pièce au programme du bac français.

Aujourd’hui, Le Malade imaginaire fait partie, avec Les Fausses Confidences  de Marivaux et Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, des trois pièces de théâtre au programme du bac français. 

Pour accompagner le travail de préparation des enseignants à l’étude de cette œuvre majeure et afin de soutenir les révisions des élèves de Première, nous vous proposons, en complément de la captation, trois pistes pédagogiques.

En partenariat avec

Niveaux: Lycée général et technologique

« Le Malade imaginaire » : une comédie dans un ballet

« le malade imaginaire » : l'influence de la farce et de la commedia dell'arte, « le malade imaginaire » : béralde et le spectacle comme « divertissement », une pièce pour la classe de 5e.

Le Malade imaginaire  est une œuvre qui peut également être étudiée au collège. Le thème « Vivre en société, participer à la société » propose en effet, en tout début de cycle 4, de travailler sur le questionnement : « Avec autrui : famille, amis, réseaux ».

Tout au long de la comédie, la famille d’Argan éprouve la force de ses liens, de même que ceux qu’elle entretient avec son entourage, proche et protecteur (Toinette) ou définitivement intéressé et malfaisant (Béline, les médecins, le notaire).

Retrouvez les quatre pistes pédagogiques réalisées par l'enseignante de Lettres modernes Cécile Le Chevalier.

Niveaux: Cycle 4

« Le Malade imaginaire » : la question du mariage

« le malade imaginaire » : père et filles, « le malade imaginaire » : la famille à l'épreuve des parasites, « le malade imaginaire » : la mort d'argan, vraie famille contre fausse famille, des ressources complémentaires.

• Le site Théâtre en acte consacre un dossier particulièrement riche au Malade imaginaire . 

Dossier du site Théâtre en acte sur

Capture d'écran du dossier que le site Théâtre en acte consacre à la pièce "Le Malade imaginaire" de Molière. On y voit une image de la mise en scène de Georges Werler (2008) avec de nombreux personnages en robe blanche, avec une charlotte sur la tête, un masque chirurgical et des gants blancs en latex. On peut lire le sommaire qui propose : une présentation ; un focus sur l'auteur et son écriture ; différentes mises en scène et des scènes comparées.

• En complément, deux émissions de France Culture, En français dans le texte , vous proposent des analyses de la pièce : l'acte I tout d'abord, puis l'acte II, scène 5.

Durée de la vidéo: 28:49

Date de la vidéo: 2021

Le Malade imaginaire de Molière : acte I

Durée de la vidéo: 22:54

Date de la vidéo: 2022

Le Malade imaginaire de Molière : acte II, scène 5

• Découvrez également cette très belle série de 10 vidéos intitulée Dans les coulisses du «   Malade imaginaire   » . Produite par le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), elle met en avant le monde du spectacle musical de la fin du XVIIe siècle, et s'intéresse plus particulièrement aux coulisses de la création du Malade imaginaire , en soulignant l'importance des intermèdes musicaux composés par Marc-Antoine Charpentier.

Copyright de l'image décorative: © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

10 ressources

Dans les coulisses du Malade imaginaire

• À tester : un quiz pour parfaire ses connaissances sur la dernière pièce de Molière.

Quiz Molière Lumni.fr

Molière : le connaître pour mieux le comprendre

En 2017, La Compagnie des auteurs , sur France Culture, proposait un cycle d'émissions intitulées Molière, le satirique .

Matthieu Garrigou-Lagrange y invitait Georges Forestier pour évoquer la vie et l'œuvre du grand dramaturge, puis Patrick Dandrey pour parler de la place de la médecine chez Molière et, enfin, Jean-Luc Jeener et Jacques Jouet pour échanger autour de l'écriture tantôt en prose tantôt en vers de l'auteur.

Durée de la vidéo: 46:49

Date de la vidéo: 2017 Collection:  - La Compagnie des auteurs

Molière - Épisode 2 : Dramaturge doublé de comédien

Durée de la vidéo: 52:17

Molière - Épisode 3 : Molière médecin

Durée de la vidéo: 46:31

Molière - Épisode 4 : Incarner et Versifier

Retrouvez également le dossier que le site Théâtre en acte consacre à Molière.

Dossier du site Théâtre en acte sur  Molière - Ouvrir dans une nouvelle fenêtre

Capture d'écran du dossier que le site Théâtre en acte consacre à Molière.

D'autres œuvres de Molière à découvrir

Enfin, retrouvez 9 autres pièces du dramaturge étudiées au collège et au lycée : des captations de spectacle et des adaptations télévisées. En noir et blanc ou en couleur, classiques ou plus originales, elles sont signées Marcel Bluwal, Pierre Dux, Jean-Paul Roussillon… et sont interprétées par des grands noms du théâtre et du cinéma : Michel Piccoli, Isabelle Adjani, Jean Rochefort, Catherine  Hiegel, Michel Bouquet, Delphine Seyrig, Claude Brasseur, Marie-Christine Barrault, André Dussollier ou encore Francis Huster, Bernard Blier, Jean-Pierre Darras…

Niveaux: Cycle 3 - Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel

Vive Molière !

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Le Malade Imaginaire, Molière : acte I scène 1

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introduction pour dissertation sur le malade imaginaire

Voici une analyse linéaire de la scène d’exposition du Malade imaginaire de Molière .

L’acte I scène 1 est étudié ici en intégralité.

Le Malade imaginaire, acte I scène 1 : introduction

Molière est l’un des plus grands dramaturges français, célèbre pour ses comédies de caractère, qui dénoncent des défauts humains à travers des personnages excessifs : L’Avare , Le Misanthrope , Les précieuses ridicules …

Dans un XVIIème siècle marqué par l’idéal classique de l’honnête homme, Molière dénonce les excès des passions qui créent le chaos social et familial .

Le Malade Imaginaire, dernière pièce de Molière jouée en 1673, est une comédie-ballet en trois actes séparés par des intermèdes.

Elle met en scène Argan , un père de famille hypocondriaque qui veut marier sa fille Angélique avec un jeune médecin pédant, Thomas Diafoirus. (voir la fiche de lecture pour le bac de français du Malade imaginaire )

La pièce s’ouvre sur un prologue destiné à saluer les exploits militaires du roi. Nous nous situons ici juste après ce prologue, dans l’acte I scène 1 où commence véritablement la pièce.

Argan, le malade imaginaire, apparaît seul sur scène .

Texte étudié : acte I scène 1

ARGAN, assis, une table devant lui, comptant des jetons les parties de son apothicaire. Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt ; trois et deux font cinq. « Plus, du vingt-quatrième, un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de monsieur. » Ce qui me plaît de monsieur Fleurant, mon apothicaire, c’est que ses parties sont toujours fort civiles. « Les entrailles de monsieur, trente sols. » Oui ; mais, monsieur Fleurant, ce n’est pas tout que d’être civil ; il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades. Trente sols un lavement ! Je suis votre serviteur, je vous l’ai déjà dit ; vous ne me les avez mis dans les autres parties qu’à vingt sols ; et vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols ; les voilà, dix sols. « Plus, dudit jour, un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres, suivant l’ordonnance, pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre de monsieur, trente sols. » Avec votre permission, dix sols. « Plus, dudit jour, le soir, un julep hépatique, soporatif et somnifère, composé pour faire dormir monsieur, trente-cinq sols. » Je ne me plains pas de celui-là ; car il me fit bien dormir. Dix, quinze, seize, et dix-sept sols six deniers. « Plus, du vingt-cinquième, une bonne médecine purgative et corroborative, composée de casse récente avec séné levantin, et autres, suivant l’ordonnance de monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de monsieur, quatre livres. » Ah ! monsieur Fleurant, c’est se moquer : il faut vivre avec les malades. Monsieur Purgon ne vous a pas ordonné de mettre quatre francs. Mettez, mettez trois livres, s’il vous plaît. Vingt et trente sols. « Plus, dudit jour, une potion anodine et astringente, pour faire reposer monsieur, trente sols. » Bon, dix et quinze sols. « Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de monsieur, trente sols. » Dix sols, monsieur Fleurant. « Plus, le clystère de monsieur, réitéré le soir, comme dessus, trente sols. » Monsieur Fleurant, dix sols. « Plus, du vingt-septième, une bonne médecine, composée pour hâter d’aller et chasser dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres. » Bon, vingt et trente sols ; je suis bien aise que vous soyez raisonnable. « Plus, du vingt-huitième, une prise de petit lait clarifié et dulcoré pour adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols. » Bon, dix sols. « Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoar, sirop de limon et grenades, et autres, suivant l’ordonnance, cinq livres. » Ah ! monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade : contentez-vous de quatre francs, vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq et cinq font dix, et dix font vingt. Soixante et trois livres quatre sols six deniers. Si bien donc que, de ce mois, j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements ; et, l’autre mois, il y avoit douze médecines et vingt lavements. Je ne m’étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l’autre. Je le dirai à monsieur Purgon, afin qu’il mette ordre à cela. Allons, qu’on m’ôte tout ceci. (Voyant que personne ne vient, et qu’il n’y a aucun de ses gens dans sa chambre.) Il n’y a personne. J’ai beau dire : on me laisse toujours seul ; il n’y a pas moyen de les arrêter ici. (Après avoir sonné une sonnette qui est sur la table.) Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin. Point d’affaire. Drelin, drelin, drelin. Ils sont sourds… Toinette. Drelin, drelin, drelin. Tout comme si je ne sonnois point. Chienne ! coquine ! Drelin, drelin, drelin. J’enrage. (Il ne sonne plus, mais il crie.) Drelin, drelin, drelin. Carogne, à tous les diables ! Est-il possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ? Drelin drelin, drelin. Voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin ! Ah ! mon Dieu ! Ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin 

Problématique

La première scène d’une pièce est généralement une scène d’exposition . L’acte I scène 1 du Malade imaginaire remplit-elle cette fonction ? Que nous apprend-elle sur le nœud à venir ?

Annonce de plan linéaire

Nous verrons dans un premier temps que cette première scène permet d’exposer le personnage principal de cette pièce, Argan , qui correspond au type théâtral du vieux barbon de comédie .

Dans un second temps, nous étudierons la satire de la médecine présente dès cette scène d’exposition.

I – Argan : le type théâtral du vieux barbon de comédie

De « trois et deux font cinq » jusqu’à « ses parties sont toujours fort civiles »..

La didascalie initiale indique qu’Argan est «  assis  », donc statique . Cette posture symbolise le personnage du vieux barbon autour duquel vont se mouvoir les autres personnages. Il suggère également déjà une certaine rigidité de comportement . Le champ lexical du nombre « comptant », « trois », « deux », « cinq » « dix », « vingt » dévoilent un personnage obsédé par la comptabilité . Il rejoint ainsi également le type comique de l’avare.

Ce caractère obsessionnel transparaît dans la répétition : «  Trois et deux font cinq  ». Ce comique de répétition inscrit la pièce dans le registre comique. Argan, qui est seul sur scène, imite son apothicaire Monsieur Fleurant, comme l’indique l’ouverture des guillemets : « Plus, du vingt-quatrième… » . Il mène un dialogue fictif avec monsieur Fleurant (« Ah monsieur Fleurant c’est se moquer »).

Ce dialogue fictif suggère déjà qu’Argan est l’auteur et le metteur en scène de sa propre maladie puisque c’est lui qui écrit et dit le texte des médecins dans cette scène.

Le nombre, «  Plus du vingt-quatrième  », crée un effet de miroir entre le patient et son apothicaire : tous deux sont obsédés par la comptabilité .

II – Une satire de la médecine

De « les entrailles de monsieur, trente sols » à la fin de la scène 1..

Molière profite du discours rapporté de l’apothicaire pour se moquer de la médecine de son époque.

En effet, les effets de rime («  détersif » / « soporatif » ou «  purgative et corroborative « ), les allitérations ( comme l’allitération en « s » «  ca ss e ré c ente avec s éné levantin « ), les effets de paronomase (proximité de sons) entre « clystère » et « catholicon» montrent que le langage de Monsieur Fleurant est plus poétique que médical ou rationnel .

Ces sonorités poétiques placent également la pièce dans le sillage de la comédie-ballet  sensée distraire et donner un rythme chantant. Monsieur Fleurant fixe les prix d’une façon qui relève plus du commerce que de la médecine : «  Les entrailles de monsieur, trente sols  ». En mettant en apposition les organes d’Argan et un prix, on a l’impression que le médecin ne guérit pas les corps mais en évalue le prix .

Argan renforce lui-même cet effet : «  Trente sols un lavement ! ». Le médicament est avant tout caractérisé par son prix et non par ses effets. Le champ lexical de l’économie et de l’argent ( « sols », « plus », « deniers », « livres » ) rappelle que l’apothicaire est avant tout un marchand, un commerçant . Argan évoque lui-même le «  langage d’apothicaire  » qui crée une dissymétrie entre la valeur des choses et leur prix «  et vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols  ».

Monsieur Fleurant est un comptable comme le montre l’adverbe « Plus » et l’ énumération «  catholicon double, rhubarbe, miel rosat, et autres  » destinée à faire l’ inventaire des médicaments prescrits. L’ énumération ternaire des soins «  balayer, laver et nettoyer  » relève plus du comique que de la médecine et de la science. Argan par «  Avec votre permission, dix sols  » transforme la relation médecin-patient en une relation vendeur-client.

Argan évalue d’ailleurs les effets des médicaments comme un client satisfait du produit qu’il vient d’acheter : «  Je ne me plains pas de celui-là car il me fit bien dormir  ».

À travers le champ lexical du corps qui se poursuit dans le texte ( « bas-ventre », « bile », « vents », « humeurs », « sang » ) et à la classification en parties ( « du vingt-sixième », « du vingt-septième », « du vingt-huitième » etc.), Molière donne l’impression que le corps d’Argan est démembré .

Son corps semble être traité comme une machine , avec ses rouages ( « les humeurs », « le sang » ).

La mention aux «  humeurs  » et au «  sang  » permet à Molière de se moquer de la fascination du XVIIème siècle pour la théorie des humeurs . Les parties du corps évoquées ne sont pas choisies par hasard : le « bas-ventre » et les « vents » font référence à des parties non nobles du corps et placent la scène sous l’égide de la farce .

Les phrases sont très longues, composées d’ expansions enchâssées (« Plus, du vingt-septième, une bonne médecine composée pour hâter d’aller, et chasser dehors les mauvaises humeurs de Monsieur, trois livres.» ) et d’un vocabulaire médical spécialisé ce qui donne une impression de profusion propre au style de Rabelais ,et place la pièce dans le registre comique.

Le champ lexical de l’argent , omniprésent tout au long de la scène, fait la satire de la médecine qui est tout – poésie, illusion, commerce – sauf de la science.

La tirade supposée de Monsieur Fleurant : «  Plus une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoar, sirop de limon et grenades, et autres  » évoque d’ailleurs des fruits exotiques et met en place un imaginaire utopique où la parole médicale semble être dotée de pouvoirs magiques.

Mais cette illusion est ramenée à la réalité par le comique de mots de la réplique d’Argan : «  si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade  ».

Argan fait surgir ici un paradoxe . En effet, le verbe « vouloir » dans la réplique «  on ne voudra plus être malade  » suppose que la maladie est un choix , ce qui transforme la thérapie en loisir ou même en plaisir. Le champ lexical du nombre sature la suite du texte ( « quatre francs, vingt et quarante sols », « une, deux , trois… », « douze médecines », « vingt lavements » ). Il montre que la médecine n’est pas envisagée à travers la qualité de ses traitements mais à travers leur quantité.

La périphrase « tout ceci » dans «  Allons qu’on m’ôte tout ceci  » résonne d’ailleurs comme un aveu : le médicament n’est qu’une masse informe , inutile. Argan décide ensuite d’appeler sa servante. Mais le bruit de la sonnette, signalé dans la didascalie, est insuffisant pour Argan. Il va donc mimer la sonnette par la répétition du son «  Drelin, drelin, drelin  ». Le personnage en devient un pantin farcesque .

La gradation des interjections «  Chienne ! coquine ! (…) Carogne  » avec les effets d’allitération en [k] créent des effets sonores chaotique qui relèvent de la comédie et de la farce .

Le Malade imaginaire, acte I scène 1 : conclusion

L’acte I scène 1 du Malade imaginaire est bien une scène d’exposition.

Si elle n’expose pas le nœud de l’intrigue, elle pose le climat, le genre et le type principal de la pièce . Molière campe son personnage de comédie et dresse déjà la satire de la médecine.

Les mésaventures d’Argan vont faire rire le spectateur mais aussi susciter l’interrogation philosophique, rassemblant ainsi les vertus d’une pièce classique : plaire et instruire .

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Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

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Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2024 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries technologiques ici.

7 commentaires

Bonjour Amélie, Ma fille est complètement perdue pour son bac de français. Elle n’arrive pas à trouver une méthodologie pour travailler sur ses nombreux textes. Je vais donc l’aider et suis ravie d’avoir trouvé votre site. C’est clair, précis et concis. Je voulais donc vous remercier de votre soutien pour des étudiants (et leurs parents !) Bonne journée, Sara

Bonjour et merci beaucoup pour votre aide mais je peux vous demander si vous avez mis en ligne le 1 er intermède du malade imaginaire?

Punaise vous êtes ma bonne étoile, vous m’avez sauvée !!! Tellement contente d’enfin trouver un site qui répond aux questions que l’on se pose et qui nous aide vraiment (VRAIMENT) à faire nos devoirs. C’est nos profs de français qui vont être contents.

je vous dois une fière chandelle.

Je voudrais te remercier pour ton implication dans ce site, qui en aide plus d’un ! Les résumés comme les analyses sont bien détaillés mais surtout compréhensibles 🙂 Merci pour ton travail Amélie

Merci beaucoup tu me sauves la mise, et je pense que je suis pas seul dans ce cas. En tout cas bonne chance à tous 🙂

merci beaucoup, je me suis beaucoup aider de ce site et il est très bien. Les explications sont très claires!

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    INTRODUCTION + CONCLUSION (disserte) Le Malade Imaginaire INTRO : Le XVIIe siècle est le siècle de l'influence de la comédie dell'arte en France. c'est un type de spectacle qui émerge en Italie, vers 1500 son répertoire repose sur un grand nombre de canevas, et une série de personnages fixe, ce genre finira par inspirer de nombreux auteurs comme Molière.

  4. LE MALADE IMAGINAIRE DISSERTATION

    Le malade imaginaire dissertation corrigée. Cette pièce est la dernière ouevre dramatique écrite par Molière en 1673. Il s'agit d'une comédie-ballet composée de trois actes en prose. Elle relate les mésaventures d'Argan, le malade imaginaire, veuf qui a épousé Béline par la suite. Il suit avec rigueur les instructions de ses médecins en pure perte

  5. Corrigé de la dissertation sur Le Malade imaginaire avec intro

    Corrigé de la dissertation sur Le Malade imaginaire : 2- Dissertation (20 points) Objet d'étude : Le théâtre du XVIIème au XXIème siècle Le candidat traite au choix, compte tenu de l'œuvre et du parcours étudiés durant l'année, l'un des trois sujets suivants : Sujet A : Œuvre : Molière, Le Malade imaginaire (1673).

  6. Corrigé dissertation molière Malade imaginaire

    b. Le burlesque comme approche philosophique baroque : une quête de bonheur par le rire qui désamorce les angoisses du temps. Conclusion : Le Malade imaginaire de Molière conjugue donc étroitement l'imagination burlesque et la sagesse morale. La pièce s'anime par un imaginaire burlesque empruntant à la farce et à la commedia ...

  7. Molière, Le Malade imaginaire : dissertation

    Dans Le Malade imaginaire, le prologue et les trois intermèdes mettent en scène des univers très différents, de la pastorale au carnaval en passant par la commedia dell'arte et l'orientalisme. Outre l'animation produite par la musique et la danse, on imagine assez bien le faste des costumes, des maquillages, des lumières tel qu'a pu ...

  8. Le Malade imaginaire, Molière : analyse pour le bac de français

    Le Malade imaginaire, Molière : fiche de lecture. Voici un résumé et une analyse du Malade imaginaire de Molière pour le bac de français. Le Malade imaginaire s'inscrit dans une thématique fréquente chez Molière : celle de la satire de la médecine, qui symbolise la prétention scientifique à maîtriser la nature.

  9. MALADE IMAGINAIRE

    MALADE IMAGINAIRE. 9 mai 2021 Commentaire et dissertation Laisser un commentaire. Malade imaginaire est une pièce de Molière de 1673. Ci après le texte complet de la pièce accessible en lecture ou en téléchargement au format PDF. Bonne lecture! Notre méthode complète pour réussir le commentaire condensée dans un petit guide.

  10. Molière, Le Malade imaginaire

    Molière, dans cette scène de comédie, règle ses comptes aux médecins et à certaines traditions bourgeoises. Commentez ce texte de Molière, extrait du Malade imaginaire, en vous aidant du parcours de lecture ci-dessous. Montrez que Molière a composé une scène de déclaration d'amour comique très efficace. Étudiez notamment la ...

  11. Le Malade Imaginaire, Molière : ️ Sujets de dissertation possibles

    Le Malade Imaginaire Molière 5 sujets de dissertation possibles au bac de français Voici 5 sujets sur Le Malade Imaginaire de Molière, liés au parcours du bac de français : « spectacle et comédie. » Sujet #1 Un sujet qui s'attache à montrer que la dimension plaisante de la pièce soutient des objectifs bien plus sérieux qu'il n'y ...

  12. PDF Sujet : La comédie dans Le Madale imaginaire est-elle seulement un

    I/ Le Malade imaginaire est avant tout une comédie-ballet, un spectacle total conçu pour divertir le spectateur, et tout particulièrement le roi. (Cette première partie reprend la thèse et la justifie en donnant des arguments). 1. La comédie du Malade imaginaire se présente comme un spectacle dans un spectacle : dans le 1er

  13. Molière : Le Malade imaginaire (1673)

    C'est le dernier ouvrage du dramaturge. Quand l'auteur joue le rôle d'Argan, le malade imaginaire, il était déjà très malade. Depuis un an, il s'est réconcilié avec sa femme. La réconciliation d'un mari amoureux et jaloux avec une femme vive et coquette s'accorde mal. Molière oublie qu'il a une poitrine, pour se souvenir ...

  14. Le Malade imaginaire, Molière

    Le Malade imaginaire de Molière est une pièce de théâtre au programme du bac de français. Résumé court, biographie rapide de Molière, mouvement littéraire, moments clés de la pièce ...

  15. Le Malade imaginaire, cours de 1ere

    Introduction : Molière signe sa dernière pièce de théâtre en 1673, et ce n'est pas sans raison qu'il la nomme Le Malade imaginaire.Atteint depuis longtemps de difficultés respiratoires, il est fréquemment en contact avec des médecins qui ne parviennent pas à atténuer ses souffrances.

  16. Dissertation sur oeuvre

    Dissertation sur Le Malade Imaginaire de Molière, réalisée en 4h pour un BAC blanc de Français. Niveau de Première Générale. Corrigée par un professeur. ... « Dissertation sur œuvre : Le Malade Imaginaire, Molière, 1673. Molière, dans le premier placet présenté au roi sur la comédie de Tartuffe (1664), écrit :

  17. Le Malade imaginaire de Molière

    Il écrit successivement Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, L'Avare, Les Femmes savantes, et enfin Le Malade imaginaire en 1673. Molière est emporté par une hémoptysie le 17 février 1673. Il meurt sur scène, en pleine représentation du Malade imaginaire, pièce dans laquelle il joue le rôle d'Argan.

  18. Tout ce qu'il faut savoir pour une dissertation sur Le Malade

    Le Malade ImaginaireLe Malade Imaginaire est une comédie-ballet en 3 actes qui associe théâtre, danse etmusique pour un spectacle total. Molière mourra suite à la 4ème représentation de la pièce. Courte Biographie de MolièreMolière est un comédien et dramaturge du 17ème siècle. Au cours de sa vie il a produit unetrentaine de ...

  19. Dossier : Le Malade imaginaire de Molière

    Une pièce pour la classe de 5e. Le Malade imaginaire est une œuvre qui peut également être étudiée au collège. Le thème « Vivre en société, participer à la société » propose en effet, en tout début de cycle 4, de travailler sur le questionnement : « Avec autrui : famille, amis, réseaux ». Tout au long de la comédie, la ...

  20. PDF 33 sujets de dissertation sur Le malade imaginaire

    33 sujets de dissertation sur Le malade imaginaire Les sujets suivants peuvent être un point de départ pour une réflexion littéraire sur Le malade imaginaire, par exemple sous la forme d'une dissertation, comme on en propose aux lycéens et aux étudiants, de la classe de

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    Travailler et préparer la séquence théâtre pour l'EAF 2024. Disserter sur une oeuvre intégrale bac 2024. 7 Sujets corrigés. "Le théâtre", Juste la fin du monde, Les Fausses confidences, Le Malade imaginaire. Disserter sur une oeuvre intégrale bac 2024. 7 Sujets corrigés.

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    L'essentiel pour la dissertation Le Malade Imaginaire et le parcours « Spectacle et comédie » Consignes : Faites des groupes de 3. Chaque groupe travaille sur une activité et présentera le ... 1) Une pièce comique a) Des personnages de comédie typiques Activité 1 : - Cherchez sur internet les caractéristiques des personnages-types ...

  23. Le Malade imaginaire, acte I scène 1 : analyse linéaire BAC

    Voici une analyse linéaire de la scène d'exposition du Malade imaginaire de Molière.. L'acte I scène 1 est étudié ici en intégralité. Le Malade imaginaire, acte I scène 1 : introduction. Molière est l'un des plus grands dramaturges français, célèbre pour ses comédies de caractère, qui dénoncent des défauts humains à travers des personnages excessifs: L'Avare, Le ...